Après Volkswagen en mai et Renault mardi 8 juin, le scandale du dieselgate touche désormais Peugeot. Le constructeur automobile est mis en examen en raison d'allégations de faits de tromperie portant sur la vente de véhicules diesel entre 2009 et 2015.
En février 2017, un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), est transmis à la justice évoquant une « stratégie globale visant à fabriquer des moteurs frauduleux, puis à les commercialiser ».
D'après les enquêteurs, 1,9 millions de véhicules diesel de génération Euro5 (norme en vigueur jusqu'en 2015), "dont le moteur fonctionne selon les stratégies frauduleuses", ont été vendus par PSA (Peugeot-Citroën) entre septembre 2009 et septembre 2015 en France.
Dans le scandale du dieselgate les constructeurs sont soupçonnés d'avoir manipulé les moteurs diesel afin qu’ils émettent moins d’oxyde d’azote, un gaz polluant, lors des tests d’homologation, qu’en conduite réelle.
« Nous répondions à toutes les exigences applicables à l'époque »
Mercredi 9 juin, dans un communiqué, Stellantis, la maison-mère de Peugeot, a confirmé la mise en examen de sa filiale « en raison d'allégations de faits de tromperie portant sur la vente de véhicules diesel Euro 5 intervenue en France entre 2009 et 2015 » mais le constructeur s’en défend : « nos filiales sont fermement convaincues que leurs systèmes de contrôle des émissions répondaient à toutes les exigences applicables à l'époque et continuent aujourd'hui de les respecter, et elles attendent avec impatience l'occasion de le démontrer », ajoute le groupe.
Après Renault, on se doutait bien que Peugeot allait être pris dans la spirale
Cette mise en cause de Peugeot n’est pas une surprise pour les syndicats. « Après Renault, on se doutait bien que Peugeot allait être pris dans la spirale » réagit Jérôme Boussard, secrétaire général de la CGT à Stellantis Sochaux. Même réaction du côté de FO. « On avait déjà eu des perquisitions en 2016 et 2017 donc on n’est pas surpris » explique à son tour Eric Peultier, le secrétaire général du syndicat. « Le groupe PSA [ndlr : aujourd’hui Stellantis] a été le précurseur sur cette problématique du moins polluant. On a fait évoluer les moteurs en tenant compte des exigences alors comment pouvons-nous être attaqués aujourd’hui là-dessus » s’étonne Eric Peultier.
Au vu des infractions constatées, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) évalue une amende maximale encourue par la société Stellantis à 5 milliards d'euros. Une somme énorme, mais toutefois quatre fois moins élevée que l'amende maximale, 19,7 milliards d'euros, évaluée par la DGCCRF pour Volkswagen.
Citroën SA et FCA Italy SpA. seront prochainement auditionnées
Comme souvent lors d’une mise en examen, Automobiles Peugeot SA a été astreinte au versement d’un cautionnement de 10 millions d’euros, dont 8 millions d’euros pour l’éventuel paiement des dommages et des amendes, à 2 millions d’euros pour assurer la représentation de la société en justice et à la fourniture d’une garantie bancaire de 30 millions d’euros pour indemniser les éventuels préjudices.
Nous donner la possibilité de se défendre contre des allégations
Automobiles Peugeot SA est également en train d'évaluer la régularité de cette mesure et l’opportunité de la contester. Deux autres filiales de Stellantis, Automobiles Citroën SA et FCA Italy SpA., seront auditionnées par les magistrats instructeurs, respectivement le 10 juin et en juillet, dans le cadre de la même information judiciaire.
« Cette étape formelle de l'enquête judiciaire permettra aux sociétés d'avoir un accès complet au dossier de la procédure et leur donnera la possibilité de se défendre contre des allégations qui n'ont pas encore été discutées dans le cadre d'une procédure contradictoire » ajoute le groupe Stellantis dans son communiqué.
Deux cas précédents : Volkswagen et Renault
Mardi, c'est Renault qui avait annoncé en premier sa mise en examen dans ce scandale retentissant de moteurs truqués. Quant au constructeur allemand Volkswagen, sa mise en examen est intervenue le 6 mai pour "tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal".
Au même moment, l'ancien patron de Volkswagen Martin Winterkorn a été mis en accusation pour faux témoignage en Allemagne devant une commission d'enquête parlementaire sur ce scandale, selon le parquet allemand.
On a en face de nous un lobby anti-voiture
Le dieselgate, qui a donné lieu à des actions en justice dans de nombreux pays, a déjà coûté 30 milliards d'euros à Volkswagen, en grande partie aux Etats-Unis où le groupe allemand a plaidé coupable de fraude en 2017. Volkswagen avait reconnu à l'automne 2015 avoir équipé 11 millions de ses véhicules diesel d'un logiciel capable de dissimuler des émissions dépassant parfois jusqu'à 40 fois les normes autorisées. Depuis, les ventes de voitures diesel se sont effondrées.
« On veut tuer le diesel »
En France, les investigations de la DGCCRF avaient aussi mis en évidence le caractère intentionnel de la fraude de Volkswagen. Le gendarme de Bercy relevait, dans un procès-verbal du 11 février 2016, que près de 950.000 véhicules diesel, équipés du dispositif frauduleux, avaient été écoulés par le groupe allemand sur le territoire français. Le scandale du "dieselgate" fait l'objet de différentes informations judiciaires en France.
Les enquêtes sur ce scandale ont longtemps été ralenties par une bataille judiciaire devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Mais ces différentes mises en examen est une étape préalable à un éventuel procès en France. « On veut tuer le diesel en France, on s’acharne sur les marques automobiles mais on ne s’imagine pas l’impact que cela engendre sur l’emploi. On a en face de nous un lobby anti-voiture » conclut Eric Peultier du syndicat FO.