Verrue, fantôme, théâtre d'un meurtre : cet immeuble abandonné depuis 40 ans à Besançon cherche un nouvel acheteur

Les habitants de Besançon (Doubs) se souviennent de cet immeuble du 2 bis de la rue de Pontarlier du temps de sa splendeur. Quand le rez-de-chaussée accueillait un bar américain et les sous-sols une discothèque réputée. Inhabité depuis 40 ans, il est devenu insalubre. La ville a déposé un arrêté de mise en sécurité, l’immeuble mettant en danger piétons et voisins. Une perspective de changement et de rénovation se dessine.

Beaucoup passent devant sans y prêter attention. Pourtant, au premier coup d’œil, on voit combien la façade de ce vieux fantôme dénote avec le reste du bâti de la rue de Pontarlier. Une rue par laquelle on pénètre par la fontaine monumentale de la place Jean Cornet.

Le quartier est historique et le patrimoine y est sauvegardé. C'est ce qu'on appelle depuis 2016, un site patrimonial remarquable. L'ensemble des immeubles de ce secteur est en pierres de Chailluz, une pierre calcaire aux tons bleu-gris et beige ocre. Cette pierre si particulière fut rendue obligatoire à Besançon dès 1569 pour l'édification des façades sur rue. Jusqu'alors les batiments étaient construits en bois et subissaient des incendies dévastateurs.   

Quelques mètres après la fontaine d'angle, juste après la maison de l’architecture, au 2 bis de la rue de Pontarlier, la friche est bien visible. Cet immeuble dont la façade date du XVIIIe siècle, est vide depuis trop longtemps. 

Quelle est l'histoire de cet immeuble ? 

Tant que le lieu était habité et que le rez-de-chaussée accueillait un bar américain et une discothèque, tout allait bien. Puis, il y a quarante ans, en 1983, un meurtre vient tout bousculer. Une sordide affaire de règlement de compte entre différents bars avec une tentative de racket s'achève sur un drame. L'immeuble est vidé de ses occupants. Les propriétaires ferment le lieu.

Le bâtiment sera squatté à plusieurs reprises, la cave sera incendiée. L'immeuble sera finalement muré. Il est aujourd'hui un lieu d'expression. Les affiches des futurs concerts de la région y sont accolées.

En 2019, un acheteur se positionne mais l'espoir de rachat échoue après divers rebondissements. D'autres projets potentiels ne voient pas vu le jour.

En 2020, la mairie de Besançon a recours à la procédure de "bien en état d'abandon manifeste". Le procès-verbal provisoire qui en découle définit la nature des travaux qui permettraient de faire cesser l’état d’abandon. Mais les propriétaires refusent d'engager des travaux. La crise sanitaire du covid n'arrange pas les choses et suspend les délais administratifs.  

En 2023, des infiltrations vont accélèrer les choses.

Une verrue néfaste pour le voisinage 

Par endroits, la végétation a repris ses droits sur cette sombre façade. Les murs sont suintants et moussus, l’humidité est palpable. Elle empoisonne les voisins qui voient leurs murs gondoler.

Directement impacté, le bâtiment voisin qui abrite à la fois le conseil de l’ordre des architectes et la Maison de l’Architecture souffre. Ils subissent des infiltrations et des dégâts des eaux.

On attend que les choses se débloquent. Nous, on a des problèmes d’humidité, des murs s’abiment en rez-de-chaussée

Madame Maître, attachée de direction de l’ordre des architectes

L’ordre des architectes alerte la ville. L’assurance de la copropriété a demandé une expertise et le service de l’urbanisme de la Ville a pris les choses en main.

Péril en la demeure sur fond de discorde entre héritiers

C’est une histoire, comme il en existe parfois. Une fratrie est propriétaire de l’immeuble de la rue de Pontarlier et la bonne entente ne règne pas dans cette indivision. Les deux sœurs et leur frère ne vivent pas sur place. Une des sœurs est décédée en 2020 et elle a légué tous ses biens à la Fondation Assistance aux animaux. Ils ont laissé leur bien à l’abandon faute de trouver un accord. Le bâtiment s'est petit à petit détérioré. L’action « cœur de ville » propose des aides aux propriétaires pour qu’ils engagent des travaux mais dans le cas de ce bien, il est évident que les propriétaires ne s’en empareront pas. D’autres outils plus restrictifs, avec des arrêtés, permettent de faire avancer les dossiers et obligent les propriétaires à réagir.

La ville est en responsabilité si le mauvais état de l'immeuble blesse les personnes sur la voie publique. Il était important de saisir le tribunal.

Aurélien Laroppe, élu en charge de l'urbanisme

En mars 2023, la ville a saisi le tribunal pour un arrêté de mise en sécurité. Cet arrêté ordonne la réalisation, dans un délai qu'il fixe, soit d'une réparation, soit d'une démolition. Dans ce cas les indivisaires disposent de trois mois pour réagir. Suite à l'arrêté, un expert a été désigné. Il s'est déplacé jeudi 28 mars pour faire un état des lieux de l'immeuble. Il a huit jours pour écrire son rapport qu'il remettra au tribunal. Dedans sera mentionné le niveau d'urgence de la situation. 

Des lieux vides et l'espoir d'y voir bientôt des logements

L'immeuble, d'une superficie de 350 m² environ, pose un autre problème à la ville. Les appartements se font rares dans le centre-ville et le cas de la rue de Pontarlier n'est pas isolé. Par exemple, un autre immeuble complet situé avenue Carnot est lui aussi totalement vide. 20 logements sont inhabités. Et des exemples comme ceux-ci, le service urbanisme en compte beaucoup.

Il n'y a pas d'évolution depuis trop longtemps sur le bâtiment de la rue de Pontarlier. Et on ne veut pas de vacance, de bâtiment vide alors que des personnes cherchent à se loger.

Aurélien Laroppe, élu en charge de l'urbanisme

Il serait possible d'imaginer quatre logements dans cet immeuble à l'abandon, rue de Pontarlier. 

Mais pour pouvoir rénover, il faut maintenant trouver un acheteur. La ville ne se positionne pas pour le moment. Les dirigeants de l'ordre des architectes seraient eux intéressés pour louer le rez-de-chaussée, pour une extension de leur lieu d'exposition et pour créer un "café-archi". 

Une fois l'acheteur trouvé, l'architecte des bâtiments de France aura un œil attentif sur la rénovation. La ville aura aussi un droit de regard.

On est ouvert à différents projets en fonction des ambitions de l'acheteur, en restant dans la continuité de la rue. On veut un projet qualitatif.

Aurélien Laroppe, élu en charge de l'urbanisme

L'immeuble ne devrait maintenant plus tarder à se refaire une beauté. Il faudra sans doute encore un peu patienter. De quoi redonner le sourire aux voisins et aux passants.

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