Vous parlez avec l’accent comtois ? Un projet de loi veut interdire la discrimination par les accents, la glottophobie

Ce jeudi 26 novembre 2020, l’assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui vise à ajouter  "l'accent", à la longue liste des causes de discriminations sanctionnées par les textes de loi.

Ne pas passer le cap d’un entretien d’embauche dans un magasin car la vendeuse a un peu trop l’accent comtois. Ne pas être retenue à un stage parce qu’une étudiante a un fort accent du Haut-Doubs ou de Haute-Saône. Ce sont des situations comme celles-là que souhaite protéger le cadre législatif. 

La glottophobie (mot inconnu encore du dictionnaire) ou discrimination par l’accent 

La loi réprime déjà les discriminations fondées sur l'origine, le sexe ou le handicap, entre autres. Origine, sexe, orientation sexuelle, situation de famille, handicap, grossesse, patronyme, opinion politique, appartenance syndicale, croyance religieuse, ces critères sont des causes de discrimination sanctionnés par le Code pénal ainsi que le Code du travail.  Mais l’accent comtois, auvergnat ou du Nord n’y figure pas. Celui du premier ministre Jean Castex, non plus ! 

La proposition émane du député de l'Hérault Christophe Euzet (Agir). Elle a été adoptée en première lecture. Christophe Euzet revient sur le pourquoi de sa démarche.

"En France, tout ce qui concerne la sphère d'expression publique, ou les métiers qui exigent une prise de parole en public - animateur radio et de télévision, présentateur de journaux, comédien, artiste, haute administration, politique, avocat, intellectuel - semblent réservés à une forme d'élite qui parle à peu près toujours de la même façon. Un français aseptisé auquel on est habitué, très centralisé sur le mode de parler d'une élite parisienne, même s'il y a quelques exceptions. La crise des gilets jaunes s'explique pour partie avec ça aussi. L'intensité de la crise dans le sud, dans le nord et dans certains territoires est aussi due à un sentiment de non-représentation dans la parole publique” argumente le député à propos de son projet de loi qui peut paraître bien léger et anodin à certains, en pleine période de pandémie.

“Au tout début, mon accent pouvait être « handicapant »

En Franche-Comté, l’accent comtois est loin d’avoir disparu du parler courant. Laurence Bels, se souvient d’une anecdote lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Pontarlier en 2010.

Les CRS avaient bloqué ma rue, c’est la pire expérience que j’ai eue. Quand j’ai commencé à parler avec un CRS, j’ai senti que c’était drôle pour lui, il a appelé ses copains, ils ont tout fait pour me faire parler, c’était leur moment de distraction” raconte Laurence. “Sur le coup, ça m’avait un peu frustré, mais j’en garde un bon souvenir” ajoute la Jurassienne.

L’accent dont on rit. L’accent qui discrimine ? Selon Laurence, les choses ont évolué au fil du temps. “Quand j’étais petite, c’était discriminatoire oui. L’accent du sud était mieux vu que l’accent comtois. Et puis, je me suis aperçue au fil des années que cet accent est plus le bienvenu. Beaucoup de gens l’aiment et l’apprécient de plus en plus. On me dit souvent “ah, on aime ton accent”. 

Dylan originaire du Jura est allé s’installer dans le Maine-et-Loire. “Au tout début, mon accent pouvait être « handicapant » certaines fois. Au travail au début, quand j’abordais avec des collègues des sujets professionnels très sérieux. Ils se concentraient plus sur mon accent et rigolaient, plutôt que de se concentrer sur ce que j’étais en train de dire. Je suis quelqu’un qui a de l’autodérision donc au final, j’en rigolais. Mais je pense que si on ne le prend pas en rigolant, on peut facilement mal le vivre” confie Dylan. “Au fil du temps les gens s’étaient habitués, cela s’est donc calmé. L’accent n’a jamais été discriminatoire pour ma part” estime t-il.

Selon un sondage Ifop paru en janvier 2020, 16% des Français disent avoir été victimes de glottophobie, c'est-à-dire la discrimination par l'accent.

Comme dit une expression comtoise, "t’as meilleur temps" d’en rire de ton accent

Les Comtois semblent assumer sans trop de souci leur accent et les expressions du patois comtois qui en font la saveur. 

“Un accent ? quel accent ! Ce sont les autres qui en ont un . On a tous le même dans ma Franche Comté natale” écrit Josette sur la page Facebook de France 3 Franche-Comté.
“Parfois on nous prend pour des Suisses mais sans le compte en banque !” ajoute Nicole.
“En vacances quelques jours à Paris avec mes parents, le gars du marché aux légumes, nous a demandé si on venait pour le salon de l’agriculture” se souvient Céline.
“En vacances dans le midi, je m’étais fait une bande de potes. Personne ne me croyait quand je disais que j'avais l'accent franc comtois, eux me soutenaient que j'étais Belge” raconte Fanny.
 


L’accent comtois, ne l’oublions pas à fait le succès de la Madeleine Proust sur les planches des théâtres. 
Pour Sophie Garnier, auteur du livre "Moi j'parle le Comtois, pas toi ?", l’accent régional est de mieux en mieux assumé. On en est fier aujourd’hui.
 

"Je suis native du Haut-Doubs, j'ai déménagé, et mes collègues se moquent de mon accent gentiment bien sûr. Et bien moi, j'en suis fière de mon accent et pour rien au monde je ne voudrais en changer. Surtout ne jamais essayer de perdre son accent, c'est tellement mieux que chacun ait celui de sa région"

Mumu

 

On me dit souvent que j'ai l'accent de haute patate, ce n'est pas pour moi un fardeau mais au contraire une joie d'avoir l'accent d'où je suis née. Et oui je suis de Haute-Saône.

Elodie


Comment la loi pourrait-elle protéger les accents régionaux ?

Pour le député Christophe Euzet, "Il y a discrimination à partir du moment où une personne ayant la même maîtrise de la langue est traitée différemment simplement parce qu'elle la prononce avec des intonations différentes.  Comment renvoyer cela devant la justice? C'est le même problème pour toutes les discriminations. Il faut d'abord poser un interdit. Le but n'est pas tant de sanctionner, d'être répressif, que de combler un vide juridique, un angle mort du droit. Il faut renverser une logique, dire qu'il y a une ligne rouge, pour provoquer un changement des mentalités et des comportements. C'est de cette façon que l'on a fait évoluer la condition des femmes, des homosexuels, des minorités visibles, des handicapés, et que l'on fera peut-être évoluer le sort des minorités audibles".
Si le texte est adopté, l’accent pourrait donc trouver sa place dans  l’article 225-1 du code pénal.

Selon le député qui s’appuie sur le sondage de l’IFOP, “un Français sur quatre dit qu'il a été dans sa vie raillé, dénigré, moqué pour son accent, et un sur six dit qu'il a été clairement discriminé, y compris dans le travail, pour son accent, cela fait onze millions de personnes et ça monte à 36% chez les cadres. On est face à un phénomène massif”.


Regardez notre reportage à l'accent bien comtois
Reportage E. Diaz, D.Martin avec Noémie Maire En service civique - Radio Village FM Louis Pein En service civique - Radio Village FM Alexandre Pasteur Journaliste France.tv Sport Sophie Garnier Autrice de "Moi j'parle le comtois, pas toi ?" Lola Sémonin "Madeleine Proust" Humoriste
 
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