L’un des 14 députés français à avoir proclamé la 3e république le 4 septembre 1870 à Paris était franc-comtois. Edouard Ordinaire était un républicain engagé et fabuleux pamphlétaire. Un homme politique oublié depuis.
Avant d’être élu député du Doubs le 7 juin 1869, Edouard Ordinaire (1812-1887) fut maire de la commune de Maisières et conseiller général. Durant ces années passées sous le second empire, l’homme politique franc-comtois, médecin de formation et diplômé de l'école de médecine de Paris a consacré son énergie à combattre le régime de Napoléon III. Il considérait comme beaucoup de ses amis -et dans la mouvance du philosophe Pierre-Joseph Proudhon- que la "Démocratie" du régime de cette fin de 19e siècle n'était qu'une parodie, s'appuyant sur un suffrage universel masculin qui servait d'écran à un régime autoritaire qui ne disait pas son nom.
Edouard Ordinaire aura surtout raillé les préfets, selon lui, inféodés aux volontés et aux intérêts du prince depuis le coup d’état de 1851 et l’instauration du régime impérial l’année suivante.
En 1867 l’année de la première publication du Capital par Karl Marx, il publie son premier texte satirique : « Une élection dans le grand-duché de Gerolstein ». Il s'agît d'une parodie qui évoque en réalité « une élection à Ornans » où le pamphlétaire dénonce les manipulations communes sous le régime de Louis Napoléon Bonaparte. Un texte jugé diffamant par les notables de la vallée de la Loue, et pour lequel il sera condamné par le Tribunal de Besançon.
En 1869 il est élu député de la première circonscription contre le chambellan de l’empereur. Un affront qui le place en première ligne des ennemis politiques du régime et lui vaut d’autant plus le respect de ses amis de la gauche républicaine radicale.
Il récidive en 1870, publiant une autre satire : « De l’amélioration de la race préfectorale »… Une réflexion pavée d’humour dont les amateurs se délectent encore aujourd’hui devant les belles pages conservées à la Bibliothèque d’archives de Besançon. Le texte lui vaut cette fois d’être déchu de sa mairie de Maisières et de son mandat de Conseiller général du canton d’Ornans.
Le 4 septembre en pleine émeute à Paris après la fuite de Napoléon III à Sedan deux jours plus tôt, il fait partie du petit groupe de députés qui proclament la république aux côtés de Léon Gambetta. La promesse d’un retour à un régime de « libertés » mettant fin à 18 ans de règne autoritaire pour la majorité du peuple français.
Edouard Ordinaire comble d’ironie sera lui-même nommé » préfet du Doubs » le 8 septembre 1870. Une fonction qu’il n’occupera finalement que quelques mois, contraint de démissionner le 20 janvier 1871 face à la pression populaire.
L’homme fut dans sa jeunesse le premier comtois et un des tout premiers français à fouler le sommet du Mont-Blanc, établissant même un « record historique » de deux ascensions la même semaine de l’été 1843. L’ami de Proudhon, de Gustave Courbet et du journaliste, poète et romancier jurassien Max Buchon aura ainsi compté dans la grande histoire des « libertés » qui aura ponctué ce 19e siècle avant de tomber dans l’oubli.