Dans ses "Confidences", parues mercredi 19 mai, le mythique entraîneur se confie sur les grands moments de sa carrière, sa vie bourguignonne, ses relations avec la politique et son amour pour son club de l'AJ Auxerre. Entretien avec un personnage toujours populaire.
Personnage emblématique et incontournable du football français, Guy Roux a encore des histoires à raconter et à faire partager. A 82 ans, le légendaire entraîneur de l'AJ Auxerre se livre dans "Confidences" (éditions Talent Sport), un ouvrage écrit à quatre mains avec le journaliste icaunais Alexandre Alain. Sorti le mercredi 19 mai, Guy Roux revient sur son amour pour le ballon rond, les grands moments de sa carrière mais pas que. Il est également question de politique, de vin, de mage et d'amitiés. "Il s'est laissé convaincre très rapidement parce qu'il s'est dit j'ai encore plein de choses à dire, j'ai encore plein d'anecdotes que je n'ai pas racontées. C'était le bon moment pour faire ce livre," explique Alexandre Alain.
L'ocassion pour nous de nous entretenir avec lui dans la tribune du Stade de l'Abbé-Deschamps qui porte aujourd'hui son nom et revenir sur son parcours si atypique.
Quel est le souvenir le plus marquant gardez-vous de tous ces matchs passés au bord de la pelouse du stade de l’Abbé Deschamps ?
Guy Roux : Je crois que c’est la montée de 2ème division en 1ère division en 1979 à la suite d’une victoire contre Cannes un beau soir de début d’été qui a été suivie pour ma part de 32 années de première division. Ce n’est pas rien mais quand on a pris le goût de la première division, on a qu’une envie, c’est d’y revenir.
Vous avez débuté très tôt en tant qu'entrâineur, à 21 ans. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’entraîner aussi tôt ?
Je crois que j’ai toujours été entraîneur. Quand j'étais avec des gamins, c'est moi qui faisais l'équipe même quand ils étaient plus grand que moi à Appoigny, dans mon village. Très tôt, j'étais le responsable de classe. Alors j'étais un peu fait pour ça. Ensuite, quand je me suis aperçu que je n'avais pas de réussite comme joueur professionnel, j'ai demandé à mon entraêineur, "est-ce que je peux jouer en première division ?". Il m'a répondu "Non, tu es trop lent'".Je lui ai demandé, "est-ce que je peux être entraineur ?" Il m'a répondu "Oui, ça sûrement."
Ce choix de carrière a été plutôt judicieux car vous comptez l'un des plus beaux palmarès du football français avec 4 titres en Coupe de France et surtout ce fameux doublé Coupe-championnat en 1996. Est-ce la plus belle année dans votre carrière ?
Oui, en tant que palmarès évidemment, c’est indiscutable. Les doublés, il y en a quelques-uns en France, il y a le Paris Saint-Germain évidemment enfin plutôt le Qatar Saint-Germain. Il y a eu également Lille, Lyon, Saint-Etienne mais pas plus.
Justement, durant cette année 1995-1996, vous racontez dans votre livre avoir fait appel à une sorte de mage ?
Je n’ai pas fait appel à lui, c’est lui qui m’a appelé. Ce monsieur était de Bordeaux. Il me dit au téléphone "je suis un mage et je guide le ballon avec les yeux. Nantes a été champion de France avec moi. Je vous fais la démonstration. Vous avez dix points de retard mais le dernier soir de match la semaine prochaine, vous n'aurez plus que 5 points." Et ça s'est produit. On a donc passé un petit contrat. J'ai pris une boite de Chablis. J'ai mis quelques sous dedans sans trop y croire. Puis les victoires se sont enchainées. On a perdu qu'un seul match retour et on est arrivé le dernier jour avec un nul à Guingamp où l'on termine champion de France.
Mais ce n'est pas tout, car aux huitièmes finales de la coupe de France, il me dit "vous ne voulez pas gagner la coupe aussi ?" Je lui répond "bien sûr". Et on a refait un petit contrat, moins cher car il y avait moins de matchs. On est parti là-dessus. Et le mage me dit "le lendemain du jour où vous aurez les deux titres, je serai à 7h devant chez vous pour récupérer la caisse avec l'argent." Le lendemain de la victoire à Guingamp, à 7h ça sonne chez moi, et c'était lui. Je lui amène la boite de chablis avec les billets dedans. Je lui demande s'il faut recompter. Il me dit "pas du tout", il met la main dessus et il me dit "il y a le compte", puis il est parti.
Vous évoquez également dans ce livre ce trio magique que vous formiez avec Jean-Claude Hamel, président de l'Association de la jeunesse auxerroise de 1963 à 2009 et Gérard Bourgoin, vice-président puis président du club de 2011 à 2013. C'est ce trio qui a fait grandir l'AJA ?
L'Yonne avait la chance de posséder un certain nombre d'hommes de grande valeur. Je vais citer une personne qui d'une manière invisible nous a beaucoup aidé, c'est Jean-Pierre Soisson, ex-ministre et ancien maire d'Auxerre. Il nous a aidé pour quelques tractations internationales.
Et puis évidemment Jean-Claude Hamel, qui était un enfant du patronnage a pris la suite de la perosnne qui m'avait embauché. Monsieur Hamel était un gestionnaire fabuleux. Il a réussi à faire 42 comptes d'exploitation équilibrés ou bénéficiaires. Et puis Gérard Bourgoin est arrivé avec nous en 1978. Nous étions encore en deuxième division. Il nous a beaucoup aidé. Il était un industriel puissant avec notmament une compagnie d'aviation. Ce qui logistiquement était formidable pour moi. On n'aurait pas fait de telles performances en coupe d'Europe si je n'avais pas eu tous ses avions à disposition pour emmener les joueurs et pour aller superviser les équipes.
Vous évoquez également ces fameuses mises au vert. Vous écrivez "On devait être la seule équipe à manger des champignons avant un match de Coupe d'Europe, à se promener et à partager des moments autour de la cheminée". Ces mises au vert étaient votre recette secrète pour remporter les matchs importants ?
Il fallait un peu de doigté pour persuader les joueurs d'être absents toutes les veilles de matchs, c'est à dire entre 50 et 55 veilles de matchs. Quand on était menacé ou bien quand on jouait le titre, on allait dans le Morvan. Là, il y avait une auberge formidable au milieu de la forêt où on se ressourceait d'un point de vue santé. Et puis ensuite, que les joueurs apprenaient à vivre ensemble. On faisait d'immenses promenades, jusqu'à 7 heures par journée. Et cela a été une particularité extrêmement rentable pour nous.
Vous revenez également sur cet épisode raté à Lens où vous avez entraîné deux mois avant de quitter le club. Vous écrivez : "Peut-être que je n'étais pas fait pour aller ailleurs qu'à l'AJA".
Cela ne m'a pas fait de mal autrement je me prendrai pour le bon dieu. J'ai cru que je pourrai appliquer à Lens la méthode que j'avais à Auxerre et partager le pouvoir avec les dirigeants comme je le faisais ici. Cela n'a pas été possible malgré la gentillesse de Gervais Martel. Ils avaient d'autres habitudes que nous et ils avaient la même ambition. J'ai pensé qu'avec ce savoir-faire absent, je n'arriverai pas à gagner le titre pour eux. On est parti bons amis sans aucun problème juridique. Ce n'est quand même pas une réussite.
Vous abordez aussi la politique dans ce livre. Vous avez cotoyé beaucoup de personnalités politiques tout au long de votre vie et de votre carrière. Et vous racontez ce voyage organisé au dernier moment avec Emmanuel Macron pour vous rendre à la demi-finale de la coupe du monde en 2018 en Russie.
C'ets une préparation bourguignonne. Le vendredi soir, il y avait le quart de finale face à l'Argentine. J'étais emballé à 23 heures et je me susi dit qu'il faut que j'aille à la demi finale mais il fallait un visa, un billet. Je n'avais rien de tout ça et j’ai donc appelé à minuit François Patriat, sénateur LREM proche du président Emmanuel Macron. Et à 8h30, le lendemain matin, il me rappelait en me disant que la président de la république a dit que c'était une bonne idée. Je suis parti tout de suite à Paris pour faire le visa. Et tout ça s'est fait rapidement. On est arrivé une demi-heure avant le coup d'envoi de la demi-finale à Saint-Petersbourg. Je me suis retrouvé au milieu des chefs d'état. Cela a été une soirée évidemment formidable car l'équipe de France s'est qualifiée pour la finale.
Dans ce livre, vous abordez également des thèmes qui vous sont chers comme l'immigration ou encore la vaccination contre le Covid. Est-ce que c'était important de faire passer des messages ?
Oui parce que des fois je suis humaniste. Si je veux vous dire l'opinion que j'ai de l'habitat terrestre, le cosmonaute qui nous regarde, qui passe juste au-dessus de nous, le matin en se réveillant, quand il regarde la boule et qu'il voit des petits bons hommes en train de marcher, il ne verra ni la couleur, ni la religion. Alors pour moi, l'humanité, c'est ça.
Le viticulteur Jean-Marc Brocard dit dans ce livre que "Chablis peut remercier Guy Roux." Etes-vous devenu le meilleur ambassadeur du chablis ?
Je ne sais pas. Il y en a eu sûrement plus d'illustres que moi mais il y avait un moment où je passais à la télévision tous les mercredis avec les matchs de la Ligue des champions. Et avec Roger Zabel, j'emmenais des magnums de Chablis que j'offrais aux vedettes du music-hall qui passaient en même temps que nous. Mais bien sûr, devant les caméras, cela faisait énormément de bien à un moment où le chablis avait un peu fléchi en France parce qu'il avaient tellement de réussite à l'exportation qu'il n'y en avait plus pour les Français. Là, ils étaient revenus en France et ça a bien marché. Cela m'a fait du bien aussi parce que chablis, c'est un joli nom, cela met les papilles en route de votre interlocuteur. A l'étranger, quand on me demandait d'où je venais, je répondais d'abord Auxerre. Mais quand je disais à côté de Chablis, cela parlait à plus de monde.
"Guy Roux-Confidences" (Talent Éditions, 19,90 €).
Le journaliste Alexandre Alain a tenu à ajouter au récit de Guy Roux, écrit à la première personne, des entretiens avec des personnalités qui connaissent bien le personnage parmi lesquelles les anciens joueurs Sabri Lamouchi et Enzo Scifo, l’ex-arbitre Robert Wurtz, le viticulteur du chablisien Jean-Marc Brocard, le journaliste Hervé Mathoux ou encore le sénateur LREM François Patriat. "Je voulais apporter un regard de personnes extérieures sur Guy et c'est là qu'on se rend compte que c'est un personnage incroyable," explique Alexandre. "Quand j'ai écris un message à toutes ces personnalités pour le livre, ils m'ont tous répondu oui avec un grand plaisir."
Préfacé par Djibril Cissé et dédié à Jean-Claude Hamel, Bruno Martini, Gérard Houillier, Robert Herbin et Michel Hidalgo, le livre se referme sur les phrases cultes de Guy Roux, les chiffres de sa carrière et un quiz ludique.