En Saône-et-Loire, à Frontenaud, le lieu de vie Les Bruyères restera fermé pour au moins six mois. Cette structure, qui accueille des jeunes en difficulté, fait l'objet d'une enquête sur les conditions de prise en charge des mineurs. La rédaction de France 3 Bourgogne a également enquêté.
Depuis 22 ans, des enfants placés sont accueillis aux Bruyères à Frontenaud en Saône-et-Loire. La semaine dernière des gendarmes et des fonctionnaires de l'Aide sociale à l'enfance ont fait irruption dans ce lieu et ont emmené cinq des sept adolescents qui y vivaient.
C'est une lettre anonyme, dont le directeur du lieu pense connaître l'auteur, qui a déclenché cette opération. Une lettre qui évoquait des maltraitances. Il y avait eu un précédent. "Il y avait déjà eu une enquête en 2015 qui nous avait blanchis, rappelle Jean-Claude Rossi, le directeur du lieu de vie et d'accueil Les Bruyères. Le département de Saône-et-Loire s'était ridiculisé. Ils avaient sonné le tocsin et ils ont vu qu'il n'y avait rien du tout. Les adolescents ont pu être entendus par les gendarmes, l'histoire s'est effondrée."
Cette fois-ci, personne n'a été entendu avant la descente des gendarmes. Ranya et Adam, deux jeunes majeurs qui vivent aux Bruyères, ont refusé de les suivre. Ils ne se font pas prier pour expliquer pourquoi. "Cela fait cinq ans que je suis placé. Ici en trois mois, ce qu'ils m'ont apporté c'est vraiment… Personne n'a su m'apporter ce qu'ils m'ont apporté", affirme Ranya.
"C'est un endroit magnifique et Jean-Claude et Jacqueline sont merveilleux, ajoute Adam. Ils sont super sympas, ils nous aident dans tous nos projets. J'ai fait une formation de serrurier métallier, j'ai eu mon CAP. Là, il m'a boosté pour que je fasse une autre formation. Je vais entamer une formation de soudeur."
Des soupçons graves selon le département
Un peu embarrassée, une responsable du conseil départemental qui souhaite rester anonyme nous a dit à la fois que cette opération était justifiée par des soupçons graves, mais que le département n'aurait fait qu'emboîter le pas du procureur. Le procureur de Chalon confirme qu'une enquête est en cours sur la base d'un signalement anonyme et de la déposition aux gendarmes d'une jeune fille qui avait fugué du lieu de vie. Dans l'enregistrement d'un coup de fil de cette dernière à une amie, authentifié par huissier, la jeune fugueuse affirme qu'elle n'a jamais été maltraitée aux Bruyères. Elle poursuit : "j'ai juste dit ce qui n'allait pas pour moi et je suis vraiment désolée que le lieu de vie ait fermé."Pour Jean-Claude Rossi, il y a une réelle défiance de l'aide sociale à l'enfance envers les lieux comme le sien. "Il faut que ça cesse. Il faut que les départements viennent voir les lieux de vie, qu'ils prennent conscience du travail qu'on fait et qu'il y ait de la confiance réciproque. Tant qu'on est sur cette suspicion […] il y aura encore en France des lieux de vie qui vont fermer de manière intempestive et des dégâts incommensurables sur des enfants qui sont installés depuis des fois des années."
De nombreux témoignages de soutien à ce lieu
Ranya et Adam, eux, continuent à vivre aux Bruyères, encore choqués par ce qui s'est passé. Ils ne sont pas les seuls à apporter leur soutien au lieu et à son directeur. De nombreux adultes, accueillis adolescents aux Bruyères, attestent qu'ils s'y sont réparés et construits. Nous avons contacté une douzaine de personnes qui connaissent le fonctionnement de cette structure. Aucune n'accrédite les soupçons du Conseil Départemental.
L'enseignant, qui fait classe aux Bruyères, trouve également la situation ubuesque. Saisi par Jean-Claude Rossi, le tribunal administratif de Dijon examinera ce dossier le 19 novembre prochain.
L'enquête de M. Gillot et G. Talon avec :
- Josette Juillard, directrice générale adjointe aux solidarités Conseil Départemental 71
- Gilles Auffray, enseignant aux Bruyères
- Témoignage Facebook de Riana et une jeune accueillie aux Bruyères depuis quatre ans
- François Conan, responsable d'un Lieu de Vie et d'Accueil dans l'Yonne