Âgé de 20 ans, Cyprien Petit raconte les difficultés de son père agriculteur à travers des poèmes postés sur son compte Facebook. Lui-même étudiant à l'Ecole nationale d'industrie laitière et des biotechnologies de Poligny dans le Jura, il rêve d'une autre agriculture.
C'est une histoire qui résonne avec celle narrée dans le film "Au Nom de la Terre" qui sort au cinéma ce mercredi 25 septembre et dans lequel le réalisateur Edouard Bergeon raconte la dépression et le suicide de son père agriculteur. Cyprien Petit, 20 ans, fils d'un agriculteur de Haute-Saône et lui-même étudiant à l'Ecole nationale d'industrie laitière et des biotechnologies de Poligny dans le Jura, compose des poèmes pour raconter le mal-être qui touche la profession. Ses publications postées sur sa page Facebook récoltent des centaines de "j'aime" et de nombreux commentaires élogieux d'internautes.
Il y a une semaine, Cyprien Petit postait ce poème :
"Encore une fois
Encore une fois je m'endors en sachant que demain ça n'ira pas mieux
J'ai perdu l'amour de mes vaches
J'ai perdu mon amour propre
Ma dignité est partie avec elles
J'ai perdues des filles, des vies
J'ai vu la vie et la mort sous mon toit
J'ai crié
J'ai pleuré
Maman, Papa
Je vous aime
Mais aujourd'hui mes vaches sont parties"
Crise du lait et vache folle
Les vers de Cyprien Petit mélangent réalité et fiction. "Dans mes textes il y a du vécu, mais cela ne raconte pas forcément l'histoire de mes parents. Mon père était exploitant agricole associé. Il a travaillé pendant 20 ans sur la ferme en se donnant à fond, mais il n'y avait pas toujours le même investissement chez son associé. Sur la fin, ils étaient en conflit, mais il a réussi à s'échapper d'une situation difficile en quittant l'exploitation". À la ferme, Cyprien Petit a assisté, avec ses yeux d'enfant puis d'adolescent, aux difficultés croissantes. Les sécheresses à répétition qui ont grignoté les recettes de l'entreprise, la première crise de la vache folle dans l'Est de la France, l'incendie d'un bâtiment, et puis surtout le prix du lait qui a chuté jusqu'à la déraison. Son père a eu jusqu'à 60 vaches montbéliardes sur sa ferme à Port-sur-Saône en Haute-Saône. "Au plus bas, on devait vendre le lait à 290 euros la tonne. Cela a plombé mon père de travailler très dur pour rien", témoigne t-il.
Ce mal-être qui touchait sa famille, Cyprien a toujours eu beaucoup de difficultés à l'exprimer à l'oral. "Depuis que je suis petit, j'adore l'écriture, le cinéma. Avec l'écriture, c'est plus facile pour moi d'exprimer tout ça".
Une nouvelle vision de la ferme
Le jeune homme est aussi passionné d'agriculture. Mais il veut travailler de manière différente. "Je suis étudiant à l'école de Poligny en filière transformation laitière. J'ai envie de me lancer sur un projet où je transformerais mon lait. En même temps que mes études, je suis apprenti dans une exploitation en vallée de Munster en Alsace. Le paysan produit 300 kilos de Munster. J'ai aussi l'idée de travailler avec des filières de médecines alternatives, comme l'homéopathie, la phytothérapie, en cultivant des plantes", poursuit-il. Cyprien Petit rêve également de réaliser un documentaire dans lequel il raconterait des scènes de vies paysannes qui échappent souvent au commun des mortels, "comme des scènes de disputes de couple à la ferme, mais aussi des beaux moments lors de concours ou lors de la traite", dit-il. "Quand j'écris, j'imagine une voix off qui réciterait mes mots en rapport avec des scènes qui s'enchaînent". Un beau projet qu'on espère voir, à l'avenir, projeté à l'écran."Quand j'écris, j'imagine une voix off qui réciterait mes mots"