Quelques semaines seulement après un épisode de gel dévastateur, les producteurs de cerises à kirsch de Fougerolles, en Haute-Saône, font face à un nouveau caprice de la météo : les pluies abondantes. L'impact sur la récolte à venir et l'état des vergers est visible.
"Ce sera une toute petite année." Le constat est dur et sans appel pour Jacques Daval, producteur de cerises pour produire le kirsch de Fougerolles. Les fortes pluies des dernières semaines ont d'ores et déjà causé la perte de nombreux fruits, tombés au sol ou trop abîmés pour arriver à maturité. "Lors d'une belle année, on arrive à 40 tonnes. Là, en étant optimiste, on devrait avoir 20% de cette récolte", observe le producteur.
Si la récolte ne commence qu'entre la fin du mois de juin et début juillet, les producteurs savent déjà que 2024 ne sera pas encore une belle année de récolte. "On ne peut pas forcément quantifier la récolte à venir, mais elle ne sera pas exceptionnelle", raconte Jean-Marie Rapenne, producteur de kirsch à Fougerolles. Seul un mois de juin ensoleillé et sec pourrait inverser la tendance et "sauver les meubles", mais l'épisode de gel du mois d'avril a déjà fragilisé les vergers. Jean-Marie Rapenne ne pourra estimer ces pertes qu'au moment venu. "Il faut savoir qu'il y a un coût de récolte par arbre, alors si le nombre de fruits en bon état sur un arbre est inférieur à ce coût, on ne récoltera pas et ce sera 100 % de perte", explique-t-il.
Trop d'humidité pour les arbres
Mais la conséquence la plus grave des fortes pluies sur les vergers est le développement de champignons sur les cerisiers. "Sur les hauteurs de Fougerolles qui ont échappé au gel en avril, il y a des cerises, mais les arbres sont malades à cause de l'humidité", commente Jacques Daval. Des maladies comme la cylindrosporiose qui "vont laisser des traces". "S'il ne fait que pleuvoir ces prochaines semaines, ça va être compliqué. Les arbres vont s'appauvrir. S'ils meurent, ce sera le revers de la médaille."
C'est cette humidité constante qui fait tomber les fruits alors qu'ils ne sont pas encore mûrs. Du côté de Mouthier-Haute-Pierre dans le Doubs, les observations sont les mêmes. "Les feuilles sont tachées à cause de l'humidité, les cerises vont commencer à tourner et pourrir ou tout simplement tomber. On essaie d'être optimistes jusqu'au moment de la récolte, mais c'est une année compliquée", explique Marjorie Nauton, productrice de kirsch de la Marsotte.
"C'est inquiétant pour l'avenir de la filière"
Les producteurs de cerises à kirsch, comme tous les autres agriculteurs, le savent : rien de plus aléatoire que la météo, et pourtant rien de plus essentiel pour la bonne tenue des récoltes. Mais depuis quatre ans, les aléas climatiques ont raison du moral des producteurs. "On n'a pas eu d'année exceptionnelle depuis 2020, ce serait bien qu'on en ait enfin une ! Mais on le sait, on n'est pas non plus à l'abri de la grêle d'ici à la récolte", avoue Marjorie Nauton.
Plus que le moral, c'est toute une filière qui est touchée. "Les cerises ne sont pas ma production principale, donc je ne suis pas inquiet pour la récolte. En revanche, c'est inquiétant pour l'avenir de la filière. Cela n'encourage pas à replanter des arbres quand on voit ce qu'ils subissent à cause de la météo", confie Jean-Marie Rapenne. Alors que les arbres mettent trois ans environ à se remettre du gel, "ça ne donne pas le moral, c'était bien parti pour s'améliorer et on a eu que de la pluie", explique Jacques Daval. Lui aussi est inquiet pour la suite de son activité. "On voulait replanter des arbres, mais on ne le fera pas. On n'ose plus investir !"
Le producteur, comme beaucoup d'autres, vit désormais sur les réserves des années précédentes. Cette année, il ne vendra pas ses récoltes aux grandes distilleries, mais les gardera pour sa propre transformation de fruits et pour la célèbre foire aux beignets de cerises de Fougerolles : "il faut qu'on assure !"