Quatre ans après le décès de leur fille Alexia, tuée par son époux, Jonathann Daval, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot publient ce 28 octobre un livre pour donner leur vérité. “Alexia, notre fille” revient sur l’histoire de la jeune femme de Gray (Haute-Saône), l’enquête autour de sa mort, et la relation qui la liait à Jonathann.
Quatre ans, jour pour jour, après la disparition de leur fille, tuée sous les coups de son mari, Jonathann Daval, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot publient ce jeudi 28 octobre “Alexia, notre fille”, aux éditions Robert Laffont. Ils y racontent “l’affaire”, telle qu’ils l’ont vécue de l’intérieur, et l’histoire d’Alexia. “J’avais envie de lui rendre hommage” explique simplement Isabelle Fouillot.
Raconter Alexia
La rédaction de cet ouvrage a débuté après le procès où Jonathann Daval a été jugé et condamné par la cour d'assises de Haute-Saône à 25 ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’Alexia. “Thomas Chagnaud a fait la démarche de nous rencontrer, et il nous a dit qu’Alexia était la grande absente de cette histoire”, se souvient Isabelle Fouillot. L’auteur de deux polars, d'abord rédacteur en chef adjoint puis producteur de 50 minutes Inside, leur a été présenté par leur avocat. Il va longuement les interviewer et passer plusieurs semaines à leurs côtés, avant de se lancer dans l’écriture du livre.
“On a tellement parlé du meurtrier, tout le monde le connaît. Ses versions, ses divers visages, ce qu’il nous a infligé” poursuit Isabelle Fouillot. Alors, “quand il a proposé que les gens fassent connaissance avec Alexia, j’ai dit oui, j’ai besoin de parler de ma fille”.
"Comment on a pu être dupés à ce point ?"
Co-signé par les deux parents d’Alexia, “Alexia, notre fille”, est écrit à la première personne du singulier. Les voix d’Isabelle et de Jean-Pierre Fouillot s’y succèdent, et se complètent. Le récit débute le 29 janvier 2018, lorsque les gendarmes viennent les prévenir, Isabelle chez elle, Jean-Pierre dans le bar qu’ils possèdent, qu’ils vont arrêter leur gendre.
Nous avons beaucoup de peine pour lui. C’est étrange, mais on voit presque plus sa douleur que la nôtre, comme s’il était la première victime de ce drame. C’est fou, mais c’est comme ça : il est comme notre fils, et depuis la mort d’Alexia il est la seule personne qui nous relie à elle.
Isabelle Fouillot avec Thomas Chagnaud"Alexia, notre fille", aux éditions Robert Laffont
Ce matin-là, le couple ne se doute encore de rien. “On dit que l’amour rend aveugle, mais c’est exactement ce qui nous est arrivé”, explique Jean-Pierre Fouillot, “à l’époque, on l’aimait” complète Isabelle. “Les gens sont surpris qu’on ne se soit jamais posé la question, reprend Jean-Pierre, mais on ne se l’est jamais posé".
Avec le recul, je ne parviens toujours pas à m’expliquer pourquoi j’ai ainsi voulu nier l’évidence en m'accrochant à toutes ces branches qui m’empêchaient de tomber dans un trou. Aujourd'hui, j’ai presque un peu honte de le reconnaître.
Isabelle Fouillot avec Thomas Chagnaud"Alexia, notre fille", aux éditions Robert Laffont
“Comment on a pu être dupés à ce point ?” s’interroge Jean-Pierre Fouillot. “Quand on est dedans, on ne s’en rend pas compte” soupire Isabelle Fouillot. “On décrypte bien maintenant tous les petits mensonges qu’il nous a fait croire”. “Thomas a su nous faire parler, il a su retrouver tous les petits cailloux qu’on avait dans nos têtes et qui étaient évidents mais qu’on n'arrivait pas à mettre en exergue” continue-t-elle.
La recherche de la vérité
Le livre, écrit comme un roman, suit les parents d’Alexia et l’enquête, jusqu’à la reconstitution des faits, organisée par la juge d’instruction et à laquelle ils assistent. Au fil des pages, le lecteur est entraîné dans la quête de vérité des parents. “On cherche à expliquer tout ce qu’elle a subi, toute l’horreur qu’elle a dû subir” explique Isabelle Fouillot.
Des bonds dans le passé reviennent sur les trois mois de dissimulation qu’ils ont vécu aux côtés de Jonathann. “On raconte comment de l’intérieur nous on a rien vu, et comment il faisait pour nous dire qu’il était innocent” explique Isabelle Fouillot. Et cherchent à compter, et décrypter, “les petits cailloux”, les mensonges de leur gendre. La battue, l’enterrement, le premier Noël sans Alexia, et bien sûr, l’annonce de sa disparition.
Je lui demande pourquoi il pleure. Il me répond en hoquetant qu’Alexia est partie courir à 9h30 et qu’elle n’est toujours pas rentrée. Il répète “J’ai peur ! J’ai peur ! Je sens qu’il est arrivé quelque chose de grave… Je ne comprends pas pourquoi il est aussi mal alors qu’il n’y a rien de concret qui puisse lui arriver
Isabelle Fouillot avec Thomas Chagnaud"Alexia, notre fille", aux éditions Robert Laffont
D’autres bonds dans le passé reviennent eux sur la naissance et la vie d’Alexia, sa rencontre avec Jonathann, son mariage, ses attentions pour son entourage, son désir d’enfant, et s’attardent sur les signes qu’Isabelle et Jean-Pierre Fouillot n’ont compris qu’après coup.
On se demandait si elle n’était pas en train de devenir anorexique. Mais on ne tombe pas malade comme ça, il faut une raison, un mal-être
Isabelle Fouillot avec Thomas Chagnaud"Alexia, notre fille", aux éditions Robert Laffont
"La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir vu avant” confesse Isabelle Fouillot. “Je m’en veux, je voyais bien qu’elle s’amaigrissait”. “Si elle nous avait dit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, on aurait peut-être pu la sauver”. Le couple essaie de comprendre comment il n’a pas pu voir.
Jean-Pierre se levait tous les matins à 5 heures et ouvrait à 6 heures. [...] [Il] fermait à 20 heures [...] Pendant 14 ans, on a eu ce rythme, on a travaillé comme des forcenés. C’est certainement ce qui nous a aveuglé.
Isabelle Fouillot avec Thomas Chagnaud"Alexia, notre fille", aux éditions Robert Laffont
Le livre permet également au couple d’exposer et de défendre un scénario dont ils sont désormais certains : Jonathann aurait empoisonné sa compagne. “On est formels, pour nous elle a été sédatée” affirme, catégorique, Isabelle Fouillot.
► Reportage : Stéphanie Bourgeot, Laurent Brocard, Maxime Cayot, Eric Delagneau, Xavier Brand.
Une manière de répondre aux rumeurs et aux critiques
“Alexia, notre fille” prend parfois des accents de roman policier. La plume du co-auteur, dont les deux précédents ouvrages s'intitulent “L’autre” et “L’assassin”, est indéniablement présente. Le prénom de Jonathann est par exemple sans cesse cité dans les chapitres attribués à Isabelle Fouillot. Pourtant, la mère d'Alexia ne le prononce jamais. "Je n'arrive plus, j'ai trop de colère" confie-t-elle. Le récit à la première personne, l’emploi du présent dans tout le livre, et les nombreuses descriptions des lieux où se déroule l’affaire, des travaux qu’a pu réaliser la famille, des menus de chaque événement familial ou encore des vêtements des protagonistes, peuvent parfois dérouter.
Un mélange des genres qui pourrait en agacer certains, et leur attirer de nouvelles critiques. Mais le couple refuse de s’en inquiéter. “On en a tellement dit que là, on fait une mise à nu, mais c’est notre choix, et là, on remet l’église au milieu du village” répond Isabelle Fouillot, “ça fait quatre ans qu’on est obligés de se justifier”. "A la base, c'est Jonathann qui lance la grande affaire, avec la disparition de la joggeuse" rappelle son époux. “On ne doit rien à personne, on n’a jamais fait de mal à qui que ce soit, alors, ça me passe au-dessus” ajoute Jean-Pierre Fouillot.