Aux urgences de Gray, qui fait partie du Groupe Hospitalier de Haute-Saône (GH70), l’accès sera régulé entre 19 heures et 7 heures 30 à partir du 1er mars. Une nouvelle organisation mise en place par manque de médecins. Les syndicats y voient un danger pour la population et pour le personnel soignant.
Entre 19 heures et 7 heures 30, il faudra appeler le 15 ou le 3966 avant d’aller aux urgences de Gray. Cette décision, effective à partir du 1er mars 2023, a été prise par le Groupe Hospitalier de Haute-Saône, en raison d’une pénurie de médecins urgentistes : il en manque six sur douze.
Moins de dix personnes aux urgences chaque nuit
Alexandrine Kientzy-Laluc, directrice du Groupe Hospitalier de Haute-Saône, le justifie : « Nous avons plus de la moitié des postes d’urgentistes vacants, comme beaucoup d’établissements en France. Donc nous sommes obligés de mettre en place une organisation qui permette de répondre aux besoins de la population en assurant 24h/24 les sorties SMUR pour les urgences vitales et en assurant également un accueil pour les urgences de Gray sur place. » Cette décision est étayée de chiffres : une vingtaine de patients aux urgences de jour, et moins de dix personnes par nuit « pour des pathologies qui sont rarement très graves ».
Cette « régulation » des urgences modifie donc l’accueil des patients. « Si le médecin est présent, l’accueil pourra se faire dans les conditions normales telles qu’habituellement, explique la directrice. Si le médecin est en sortie SMUR – ce qui arrive en moyenne une fois toutes les trois nuits – les régulateurs médicaux du centre 15 pourront orienter le patient aux urgences s’il en a besoin, ou vers son médecin généraliste le lendemain matin si ça peut attendre. Ou bien envoyer une navette SMUR si le patient est dans une détresse médicale. »
Des patients et des soignants en danger ?
Un fonctionnement en deux temps donc, qui risque de mettre en péril les patients comme le personnel soignant, d’après les syndicats de l’hôpital qui ont appelé à la grève mercredi 1er mars. « Le fait qu’il n’y ait qu’un seul médecin la nuit, ça oblige ce médecin à choisir entre prendre en charge des patients déjà dans le service et des patients qui ont un besoin pour une urgence à domicile. Ce choix ne devrait pas avoir lieu, reprend Roselyne Deichelbohrer, secrétaire adjointe FO de l'hôpital de Gray. Tout le monde a le droit d’être soigné, y compris à Gray, dans le bassin graylois, et aussi bien que dans les grandes villes comme Besançon ou Dijon. »
Si la secrétaire adjointe FO admet qu’il y a une « pénurie nationale de médecins », elle reproche à la direction « d’avoir pris des décisions qui contraignent les médecins qui postulent au Groupe Hospitalier de Haute-Saône, d’aller travailler aussi sur les autres sites comme Vesoul et Lure ». Ces conditions de travail risquent ainsi de décourager des candidats. « On a des personnes qui s’étaient présentées à l’hôpital de Gray, mais qui ont refusé parce qu’on leur demande de faire des gardes sur d’autres sites […] Quand ils postulent ici, c’est un choix de leur part. »
Une nouvelle organisation en catimini ?
La direction l’assure : cette organisation n’est pas figée, juste le temps qu’elle parvienne à recruter des médecins dans ce service. Les candidats craignent une mesure pérenne. « Des ‘urgences régulées’ ne sont pas des urgences qui nous conviennent, ce sont des urgences dégradées pour nous, tance Christine Eusebio, défenseure juridique Santé Sociopublique (CFDT). Une fois que c’est acté, c’est définitif. On a fermé plusieurs services et depuis deux ans, on nous promet la réouverture et ça ne se fait pas. Je n’ai jamais vu la direction revenir sur une fermeture. »
La communauté de communes des quatre rivières, quant à elle, avoue avoir appris la nouvelle de manière indirecte par un « mail de l’ARS ». Dimitri Doussot, président de la communauté de communes (LR), énonce toutes ses interrogations « Qu’est-ce qui a pu justifier d’arriver à cette situation-là ? Qu’est-ce qui justifie l’organisation nouvelle qui a été mise en œuvre de façon discrète ? Y a-t-il une dégradation des urgences de l’hôpital de Gray ? Et surtout y a-t-il une mise en danger du personnel de l’hôpital de Gray et des habitants ? »
Autant de questions qui restent à éclaircir. Dimitri Doussot émet sa théorie : « On peut peut-être imaginer que cette organisation serait une solution pour ne pas fermer totalement les urgences de Gray. Et si c’est ça l’explication, ce serait intéressant qu’elle soit donnée de façon totalement transparente auprès de l’ensemble des habitants du bassin et de ses élus. »