"On est victime de businessmen infâmes" : ces employés dénoncent le "vol" de leur travail par une société américaine

Les salariés de l'entreprise Gaussin, basée en Haute-Saône, s'inquiètent de la future vente de leur filiale Metalliance à une société franco-américaine. Ils craignent le "vol de leur travail" par les nouveaux repreneurs et veulent récuper leurs outils de production. Le tribunal de commerce de Dijon statuera ce 31 juillet.

Quel avenir pour l'entreprise Gaussin ? Les salariés du groupe français basé à Héricourt (Haute-Saône), spécialisé dans la conception de véhicules logistiques électriques, se sentent plus que jamais en danger. Mercredi 31 juillet 2024, le tribunal de commerce de Dijon (Côte-d'Or) rendra une décision définitive quant au rachat de Metalliance, entreprise implantée à Saint-Vallier (Saône-et-Loire) et détenue par Gaussin à 98 %, par la société Corail-SM. Une filiale qui pourrait bien entraîner la perte de sa maison-mère haut-saônoise.

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Et pour cause, si Metalliance est rachetée, tout lien avec Gaussin sera rompu. Or, les deux entités étaient fortement liées d'un point de vue industriel. Les véhicules logistiques conçus et développés à Héricourt étaient ainsi assemblés et produit en Bourgogne. "C'est eux qui ont tous nos stocks, tous nos plans" explique Nathalie Pellissard, représentante du CSE des salariés de l'entreprise Gaussin, à Héricourt. "L'objectif des repreneurs est clairement de profiter de tout ce que nous avons construit pour prendre notre place".

"On a l'impression d'être dans une mauvaise série"

Quelle est la réponse des principaux concernés ? Corail-SM, soutenu par des fonds américains, ne nie pas sa volonté de reprendre l'entièreté des missions de Metalliance. Et l'activité historique de tunnellerie, et les véhicules de logistiques. "Cette activité fait partie intégrante de mon projet, et je ne compte pas m'en séparer" avait déclaré Steve Filipov, représentant des repreneurs, le 17 juillet dernier, juste avant son audition par le tribunal de commerce dijonnais.

On a l'impression d'être dans une mauvaise série. Dès le début ces gens ont voulu nous prendre notre activité. Voilà ce qui les intéresse. Metalliance n'est qu'une façon de voler notre savoir-faire.

Nathalie Pellissard,

représentante du CSE des salariés de l'entreprise Gaussin, à Héricourt

Ces soupçons viennent du fait que Steve Filipov, représentant des futurs repreneurs de Metalliance, soit déjà passé par Gaussin. Le Franco-américain avait approché l'entreprise haut-saônoise en janvier 2024 pour une possible reprise. Il en était même devenu l'éphémère directeur général délégué en février 2024, avant d'être écarté, car il n'avait pas pu présenter les gages financiers espérés.

Autre élément qui provoque la colère des salariés de Gaussin : le fait que leur ancien distributeur exclusif, l'entreprise BLYYD, se soit associé au repreneur. "Blyyd connaît tout notre carnet de commandes, toutes nos références, tous nos clients" reprend Nathalie Pellissard. "Si Corail-SM conserve les machines et les plans, ils vont tout simplement nous remplacer. Ils veulent tout fabriquer à notre place".

Gaussin risque "de mettre la clef sous la porte"

Chez Gaussin, on dénonce des "atteintes à la propriété intellectuelle" et "le départ d'un savoir-faire français à l'étranger". Si la cession de Metalliance avait lieu, Nathalie Pellissard assure ainsi "que les 74 salariés d'Héricourt verraient leur emploi menacé". "Il y a de gros risques pour qu'on mette la clef sous la porte" assure-t-elle. "Nous n'avons plus rien en Haute-Saône. Il faudrait des mois avant qu'on soit à nouveau productif". D'autant que Gaussin, en piteux état financier, fait l'objet d'une procédure de sauvegarde depuis avril dernier.

Il y a une solution : que les machines et stocks d'assemblages des véhicules logistiques soient dissociés du rachat de Metalliance et nous soient restitués. Notre direction pousse aussi dans ce sens.

Nathalie Pellissard,

représentante du CSE des salariés de l'entreprise Gaussin, à Héricourt

Une option rejetée tout net par Steve Filipov et la société Corail-SM. "En aucun cas, je ne céderai les machines et les stocks d'assemblage des véhicules électriques" avait-il confié fermement à France 3 Franche-Comté le 17 juillet dernier. "Cette activité fait partie intégrante de mon projet, et je ne compte pas m'en séparer".

Et les atteintes à la propriété intellectuelle ? "On a nos propres plans" évacue l'homme d'affaires avant de nier tout plan ourdi de longue date. "Oui, j'ai bien voulu racheter Gaussin en janvier, en incluant Metalliance" nous dit-il. "Mais ils ont refusé, ce n'est pas de ma faute. Et je le redis, les activités historiques de Metalliance, dont la tunnellerie, m'intéressent également. Je ne suis pas un vautour".

Décision du tribunal le 31 juillet

En attendant le jugement du tribunal de commerce ce mercredi 31 juillet, les employés du site Gaussin d'Héricourt ont fait le tour des officiels pour plaider leur cause. "Nous sommes allés en parler avec notre sénateur Olivier Rietmann, on a rencontré le sous-préfet local" liste Nathalie Pellissard. "La communauté de communes Pays d'Héricourt a écrit à l'Agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté pour les alerter de la situation. Mais on ne sait pas si cela va porter ses fruits".

Plongés dans l'incertitude depuis de longues semaines, les travailleurs de Gaussin attendent donc la décision avec crainte. Eux qui s'étaient déplacés en nombre le 17 juillet devant le tribunal de commerce de Dijon le 17 juillet, lors de l'audition de Corail-SM, ne feront pas la même chose demain. "Beaucoup de monde est en congés" lâche Nathalie Pellissard. "Et puis il y a de l'abattement. Et de la fatigue. On a l'impression d'avoir fait notre maximum".

Selon nos informations, une réunion entre les salariés et la direction de Gaussin est prévue dans la semaine, quelle que soit la décision du tribunal. D'ici là, les employés attendront, encore. "On en a marre" avoue Nathalie Pellissard. "On a l'impression qu'on joue avec nos emplois, sans prendre conscience qu'il y a des dizaines de famille en jeu. Ça nous dégoûte, on est victime de businessmen infâmes".

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