"On vole un savoir-faire français" : ces salariés crient au scandale après le possible rachat d'une filiale de leur entreprise

Ce 17 juillet, une quarantaine de salariés de l'entreprise Gaussin manifestaient devant le tribunal de commerce de Dijon (Côte-d'Or). Ils dénoncent le rachat d'une de leur filiale, l'entreprise Metalliance, par une société franco-américaine. Une vente qui "leur volerait leur travail".

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"J'en suis malade. Je n'en dors plus les nuits". Devant le tribunal de commerce de Dijon (Côte-d'Or) ce mercredi 17 juillet, Nathalie Pellissard a des mots durs et le moral en berne. Depuis 14 ans, elle est salariée de l'entreprise Gaussin, basée à Héricourt (Haute-Saône), spécialisée dans la conception de véhicules logistiques électriques.

Son emploi, elle a peur aujourd'hui "de le perdre", et de voir "le fruit de son travail volé" après de nombreux épisodes de tension avec une de ses filiales, l'entreprise Metalliance. Spécialiste des engins de manutention dans la construction de tunnels, Metalliance, implantée à Saint-Vallier (Saône-et-Loire), est en effet détenue à 97 % par le groupe Gaussin.

Un vrai feuilleton économique

Mais Metalliance, malgré un carnet de commandes bien rempli, est en redressement judiciaire depuis le mois de mai 2024, en raison de graves problèmes de trésorerie, mettant l'avenir de ses 180 salariés en danger. Une situation qui a entraîné Gaussin, puisque cette dernière fait, elle aussi, l'objet d'une procédure de sauvegarde.

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En sursis, Metalliance avait vu un espoir arrivé fin juin 2024, avec une offre de reprise portée la société Corail-SM, portée par l'homme d'affaires franco-américain Steve Filipov.

Joint par France 3 Franche-Comté, ce dernier évoque "un investissement de 10 millions d'euros, avec la préservation de 145 emplois pour relancer l'activité de l'entreprise dans les 100 premiers jours, et un nouveau plan de développement sur trois ans".

"Ils veulent prendre notre savoir"

C'est ce projet de reprise qui est examiné en ce moment même au tribunal de commerce de Dijon. Une bonne nouvelle, donc, pour Metalliance, mais aussi par ricochet pour Gaussin ? "Pas du tout" reprend Nathalie Pellissard. "Si Metalliance est rachetée, tout lien avec Gaussin sera rompu". Ce que confirme Steve Filipov.

C'est là que le bât blesse. Les véhicules de logistique électriques du groupe Gaussin, bien que pensés et inventés à Héricourt, sont en effet assemblés et produits à Saint-Vallier par Metalliance, en sous-traitance. Les salariés de Gaussin à Héricourt craignent donc que les repreneurs ne s'accaparent également ces outils de production, et n'aient plus besoin d'eux.

Les repreneurs veulent nous prendre notre savoir. Ils ont eu accès au plan, ont les machines d'assemblage, les stocks de pièces. On ne va plus rien avoir et on va finir par perdre notre travail. Ils veulent nous voler notre activité.

Nathalie Pellissard,

représentante du CSE des salariés de l'entreprise Gaussin, à Héricourt

Voilà la crainte qui a poussé Nathalie Pellissard, et une quarantaine de salariés de l'usine Gaussin d'Héricourt, à venir manifester ce 17 juillet devant le tribunal de commerce dijonnais. Les repreneurs de Metalliance étaient entendus dans le même temps. "Sauvons notre entreprise des prédateurs financiers", "stop aux voleurs de savoir-faire industriel", voilà le genre de slogan que l'on pouvait retrouver sur les pancartes des salariés haut-saônois.

"On a peur de perdre nos emplois" reprend la représentante du CSE. "Et ça nous arrache le cœur de voir nos réflexions, notre travail, nous être arrachés. Et puis cela pose un problème de propriété intellectuelle. Ils ne peuvent pas simplement produire des véhicules selon nos plans, en nous jetant dehors".

Le repreneur ne cédera rien

Le personnel et la direction de Gaussin souhaitent donc que les machines et les stocks d'assemblage des véhicules soient dissociés de l'offre de reprise, pour pouvoir les racheter et continuer à s'en servir indépendamment. En ce sens, l'entreprise de Haute-Saône a même proposé 3 millions d'euros au futur repreneur. Avance refusée par Steve Filipov, qui se montre clair sur le sujet. 

En aucun cas, je ne céderai des machines et des stocks d'assemblage des tracteurs électriques. Cette activité fait partie intégrante de mon projet, et je ne compte pas m'en séparer. On a nos propres plans. L'avenir des salariés de Gaussin n'est pas mon problème.

Steve Filipov,

candidat à la reprise de l'entreprise Metalliance

Le tribunal de commerce devrait trancher sur cette question, mais les salariés de Gaussin ont peu d'espoir. Leur colère est aussi décuplée par le passif de M.Filipov. En effet, le Franco-américain avait déjà approché l'entreprise Gaussin en janvier dernier pour une possible reprise. Il en était même devenu l'éphémère directeur général délégué en février 2024, avant d'être écarté, car il n'avait pas pu présenter les gages financiers espérés.

Un directeur éphémère venu "en sous-marin" ?

"Il ne s'est jamais intéressé à Metalliance" critique Nathalie Pellissard. "Il a toujours eu des vues sur la production des véhicules électriques de Gaussin, voilà tout. Il n'est pas arrivé à s'en emparer directement, donc il passe cette fois-ci par la filiale pour s'approprier nos stocks, en sous-marin".

"Je ne suis pas un vautour"

Steve Filipov, lui, dément. "Oui, j'ai bien voulu racheter Gaussin en janvier, en incluant Metalliance" nous dit-il. "Mais ils ont refusé, ce n'est pas de ma faute. Et je le redis, les activités historiques de Metalliance, dont la tunnellerie, m'intéressent également. Je ne suis pas un vautour".

"On ne veut pas empêcher le rachat de Metalliance" conclut Nathalie Pellissard. "C'est important pour les emplois. Mais il faut à tout prix respecter la propriété intellectuelle de Gaussin. La production de véhicules logistiques électriques doit rester chez nous. C'est un savoir-faire français".

Quelle décision prendra le tribunal de commerce ? Le site Gaussin d'Héricourt survivra-t-il à un possible rachat de Metalliance ? Réponse d'ici au 31 juillet. En attendant, Steve Filipov, candidat au rachat de l'entreprise saône-et-loirienne, et Patrick Dubreuille, actuel dirigeant de Metalliance, ont été pris à partie à leur sortie du tribunal. Ambiance.

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