La 23e edition du festival Jacques Brel, évènement phare du théâtre Edwige Feuillère de Vesoul, aura lieu du 23 septembre au 14 octobre 2023. Au-delà des concerts, c’est l’occasion pour les artistes d’aller à la rencontre de la population de Haute-Saône en Ehpad, en maison d’arrêt et au quartier Montmarin de Vesoul.
«A sisi tuta shinda ». Ce jour-là, à l’espace François Villon de Vesoul, la musique et les paroles franchissent les murs de ce lieu de vie du quartier Montmarin. Littéralement, les mots signifient « Ensemble, nous réussirons », en swahili, un dialecte couramment usité en Afrique.
Autour de la table, des personnes de Sierra Leone, du Mali, de Côte d’Ivoire, du Congo-Kinshasa, des Afghans, une Syrienne, ou encore une Ukrainienne et sa fille. Tous ensemble, ils composent, ils écrivent, ils jouent avec les mots pour créer la musique, une chanson de leur choix, reflet de leurs diverses origines.
L’atelier est animé par le groupe de chanson francophone Orly, 1er prix et prix du public du concours Jeunes Talents 2021 du festival Jacques Brel, dont la 23e édition a lieu à compter du 23 septembre au théâtre Edwige Feuillère de Vesoul.
Des ateliers initiés en 2020 au quartier Montmarin...
Du 11 au 15 septembre, les trois musiciens se sont installés à l’espace Villon pour faire vivre le festival Jacques Brel en dehors du théâtre. « On écrit des mots, puis on fonctionne par rime, explique Samuel Veyrat, le chanteur du groupe. Le soir, pour que ça ait une cohérence, je vais mixer les phrases des uns et des autres. »
Menés avec deux professeurs de français, et en lien avec plusieurs associations du quartier, les ateliers proposés aux habitants, pour la plupart des primo-arrivants, permettent de créer des liens, d’intégrer les personnes par la musique et le partage. « Des personnes qui étaient très timides, à la fin, elles mettaient l’ambiance », se réjouit Samuel Veyrat. Tout comme une jeune Congolaise, arrivée à Vesoul deux semaines plus tôt : « C'étaient ses premiers sourires, selon l’accompagnatrice du foyer. »
À la fin de la semaine, un concert de restitution a fait vibrer tout le quartier Montmarin, où chacun a pu chanter, outrepassant, quelques instants, la barrière de la langue, mais aussi la difficulté de s’exprimer, alors que beaucoup sont des exilés.
Ça doit être l’occasion d’aller vers de nouveaux publics avec les artistes, et mener des projets avec des personnes qui n’ont pas l’habitude de fréquenter des lieux culturels.
Audrey Mizelle-Iattoni, théâtre Edwige Feuillère de Vesoul
Ces ateliers menés au sein du Montmarin existent depuis 2020, sur la proposition du chanteur Lombre. « Il avait un univers rap et nous avait demandé de faire des projets là-bas », précise Audrey Mizelle-Iattoni, responsable de la communication au théâtre Edwige Feuillère de Vesoul. « C’est un travail de longue haleine. »
… mais aussi en Ehpad ou à la maison d’arrêt de Vesoul
En tout, trois semaines en amont du festival sont dédiées au développement de l’action culturelle « pour que les artistes aillent au plus près des habitants », exprime Audrey Mizelle-Iattoni. C'est amener la culture à ceux « qui n’ont pas, pour des raisons sociologiques, géographiques, de moyens de venir, ou une image du théâtre qui est trop éloignée d’eux. »
Ainsi, du 23 au 29 septembre, des concerts seront proposés "hors les murs", dans huit villages du département, comme chaque année depuis 2010. Ce sont les "Villages en Chanter", une des pépites du festival Jacques Brel.
De même, des sessions musicales vont être proposées du 9 au 13 octobre aux résidents de trois Ehpad du département : Dampierre-sur-Salon, Saulx-de-Vesoul et Scey-sur-Saône. L’initiative avait vu le jour en 2021, dirigée par le chanteur et comédien Igor Bouin.
Mais avant cela, le groupe Orly interviendra de nouveau, à la maison d’arrêt de Vesoul cette fois. Les trois musiciens y mèneront des ateliers du 2 au 6 octobre avec huit détenus sélectionnés. Le but étant le même, « trouver la rime », en fonction des sensibilités de chacun, éclaire Samuel Veyrat. « On vient avec le piano et de la MAO (musique assistée par ordinateur), ils nous disent j’aimerais bien entendre ça », et la musique prend forme. « Ça peut être tourné vers le rap ou vers le pays d’origine de la personne, précise Samuel Veyrat. Ils composent, on travaille l’interprétation, on enregistre. Le soir, on retranscrit, on masterise. »
C’est un moment de partage entre eux et nous. La réalité est plus douce pendant quelques jours.
Samuel Veyrat, chanteur du groupe Orly
En 2022, lors de la première intervention d'Orly à la maison d’arrêt de Vesoul, cinq morceaux avaient été enregistrés en cinq jours, avant d’être diffusés au public au théâtre Edwige Feuillère, en présence des détenus, exceptionnellement autorisés à sortir. « Tout le travail qui avait été fait avait été mis dans le hall du théâtre, rappelle Samuel Veyrat. Certains savaient écrire plutôt bien, d’autres pas du tout. Ça leur permettait de voir leur texte avec une belle typographie et d’échanger avec les spectateurs. »
Ça a été une émotion très très forte. C’est se sentir utiles. On a l’impression d’être utiles à notre petite échelle
Samuel Veyrat
De même, « la visite du théâtre peut aussi donner des idées », estime Samuel Veyrat, sans jamais préjuger de la destinée parfois complexe des personnes incarcérées ou en attente de jugement.
Le 7 octobre prochain, les détenus verront donc, comme en 2022, leur travail présenté au théâtre Edwige Feuillère, lors de la soirée dédiée au concert du groupe Orly, qui interprétera Léo Ferré. Lors de cette soirée de clôture de leur résidence vésulienne, les participants du quartier Montmarin seront bien sûr conviés, pour un pot festif et collectif. Quant à l’édition 2024 du festival Jacques Brel, le groupe ne le cache pas : « Ce serait bien. On aimerait revenir ! »
