Jura : la cascade des Tufs prise d'assaut par les touristes, le collectif SOS Loue et rivières comtoises en colère

La Cuisance, affluent de la Loue, fait face à des centaines de touristes depuis début juillet. Le collectif SOS Loue et Rivières comtoises dénonce les conséquences néfastes sur l'environnement.

Dans le village des Planches-près-Arbois, dans le Jura, au milieu des roches majestueuses, s’écoule une rivière.  A quelques centaines de mètres de la source de la Cuisance, affluent de la Loue, les cascades des Tufs sont un lieu remarquable. Mais, depuis quelques jours, au cœur de cette étendue verte, des truites flottent aussi à la surface. Une conséquence des très nombreuses visites.

« Les poissons, ça ne crie pas. Mais, le milieu aquatique meurt », déplore Manon Silvant, de SOS Loue et Rivières comtoises. Le collectif d’associations craint une détérioration du site à cause de la surfréquentation de ces quinze derniers jours. Manon Silvant l'admet : « Ce n'est pas de la faute des visiteurs, car ils n’ont pas eu l’intention de détruire le lieu ... Le problème, c'est qu'il y en ait autant. ».

Un afflux que note aussi Nicolas Germain, président de l’association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques de Crotenay (AAPPMA), et membre de SOS Loue et Rivières Comtoises. « Pendant le week-end du 14 juillet, il y avait plus de 2000 personnes à la Cuisance ! », s’exclame le pêcheur.

Un havre de paix piétiné

Face à cet afflux de touristes, un arrêté d’interdiction de baignade a été pris, mercredi 15 juillet. Mais le lieu ne désemplit pas. « Le plus effrayant, c’est que les vacanciers confondent les milieux naturels avec les milieux artificiels. Et quand je pars en vacances, moi, le premier. », reconnaît Nicolas Germain, qui a l’habitude de sillonner la Loue. Auparavant, cascades et havre de paix, le lieu se transforme en terres friables, habitats piétinés, traversés par des eaux troubles.

C’est aussi le constat de Pascal Mathieu, gérant de l’hôtel-restaurant Le Castel Damandre, à Planches-près-Arbois. Mercredi 15 juillet, le Jurassien pousse un coup de colère sur Facebook, publiant une vidéo de la cascade qui avoisine son hôtel-restaurant. Le niveau de l’eau est bas. Des touristes ont formé des barrages pour se baigner, en arrachant des pierres … au mépris aussi de la vie sous-marine.

« L'effet covid »

« En vingt ans, je n’ai jamais tué une truite, et là, tout le monde se baigne, les poissons agonisent.  Ce n’est pas une piscine ! », lâche-t-il, amer. Car d’après lui, c’est avant tout un problème d’ « éducation » au respect de la nature qui se joue. Si la crème solaire des vacanciers a pu contribuer à la mort des poissons, l'agriculture a joué aussi. Pascal Mathieu reprend : « Il y a une vie dans cette rivière, et il ne faut pas la piétiner. C’est comme si des géants nous marchaient dessus en permanence ».

En cause : le coup de projecteur sur les cascades des Tufs, nouvelle égérie des articles et reportages sur les sites touristiques en Franche-Comté. « Le Jura communique beaucoup pour avoir du monde », ajoute Nicolas Germain. Mais l’absence de sensibilisation sur la fragilité des rivières, de la part du département, est aussi problématique : « Cette situation me fait de la peine, une politique touristique avec une préservation des lieux naturels aurait pu être organisée en amont. »

Et même si le nombre d’estivants grandit, crescendo, depuis plusieurs années, « l’effet covid » a joué. Aujourd’hui, les visiteurs arrivent par centaines, et leur profil a changé. C’est ce qu’explique l’hôtelier Pascal Mathieu : « Avant, c’était la petite famille. Maintenant, ce sont des groupes, qui arrivent par 20, 30 voire 50 personnes. »

« On ne peut pas faire payer les personnes responsables »

Pour un village de 120 habitants, c’est énorme. Les véhicules bordent les routes, empêchant l’accès aux Planches-près-Arbois. « Si les pompiers veulent passer, ils ne pourront pas le week-end », craint le gérant du Castel Damandre. Voyant les détritus et les dégradations du parc autour de l’hôtel, Pascal Mathieu a été contraint à fermer cet endroit aux visiteurs.

Difficile pour un gérant d’un hôtel-restaurant de dénoncer le comportement des touristes, lui dont le métier dépend de cette population estivale. « Sans vouloir faire de tri ou de discriminations », l’hôtelier déplore ces nouveaux agissements, tout en valorisant aussi ceux d’autres vacanciers : « On ne peut pas faire payer les personnes responsables, celles qui ramassent même les déchets des autres personnes. »

 « Un tourisme vert »

Également conseiller municipal, Pascal Mathieu souhaiterait un « tourisme vert ». Pour lui, la solution, ce serait « un parking, le plus loin possible du village ». Seules les personnes qui n’auraient pas peur de se déplacer à pied, iraient faire une halte là-bas. Bien sûr, un espace de stationnement plus proche du site serait prévu pour les personnes à mobilité réduite.

Mais, faut-il changer radicalement l'accueil des visiteurs ? Peut-être pas tout de suite. Depuis le week-end dernier, une légère amélioration se fait sentir. Après la pose de panneaux signalant l’interdiction de se baigner, les visites sont plus respectueuses. Pascal Mathieu le remarque : « l’eau est déjà plus claire, espérons que cela dure tout l’été. »

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