Hugues Péguillet vit en Chine depuis 4 ans et a récemment épousé une Chinoise. Lui et sa femme sont installés à Canton, mais se trouvent depuis fin janvier à Shaoyang, l'une des régions adjacentes à celle dans laquelle se situe Wuhan, épicentre de l'épidémie. Il nous explique la situation sur place.
Le 31 décembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) était informée de plusieurs cas de pneumonies de cause inconnue dans la ville de Wuhan, en Chine. Le virus est un coronavirus. Il a récemment été baptisé Covid-19.
Si en Chine, la situation est préoccupante, en France pour l'instant, seuls onze cas d’infections par le coronavirus ont été notifiés, au 8 février. Pourtant, selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le virus représente une "grave menace pour le reste du monde". C'est en tout cas ce qu'a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, lors d'un séminaire à Genève avec plus de 400 chercheurs, le 11 février. En Chine, au 12 février, près de 44 670 personnes seraient infectées sur un total mondial de 45 188. Des chercheurs de l’université américaine Johns-Hopkins ont mis en place une carte interactive qui recense en temps réel les cas, dans tous les pays du monde (voir la carte).
"On ne s'inquiétait pas plus que ça"
Hugues Péguillet, Franc-Comtois expatrié en Chine, nous a expliqué la situation sur place. Lui et sa femme chinoise, prénommée Di, vivent à Canton, ville d'environ 15 000 000 d'habitants située à environ 700 kilomètres de Wuhan, ville dans laquelle est apparue le virus. Ces derniers sont actuellement cloitrés à Shaoyang, dans le Hunan, auprès de la famille de Di. Ils se sont rendus là-bas pour le Nouvel an chinois, fin janvier, et n'ont pas quitté les lieux depuis. À Canton, on recense plus de cas d'infections du Covid-19 qu'à Shaoyang. Canton est la deuxième région la plus touchée par le coronavirus en Chine.
Hugues Péguillet confirme avoir été un peu surpris par l'ampleur du phénomène, et surtout des conséquences qui en découlent. "Ca a commencé un peu gentillet. On ne s'inquiétait pas plus que ça. Les autorités ont commencé à s'inquiéter juste avant le Nouvel An chinois. Quand on est partis de Canton, les gens ont commencé à porter des masques, autour du 20 ou 21 janvier. Quelques jours avant qu'on parte, ils avaient coupé les accès train et les accès routiers à Wuhan, où se trouvent la majorité des malades. On a fait la célébration du Nouvel An comme d'habitude, mais au bout de quelques jours, les autorités ont intensifié la prévention. Ils ont dit à tout le monde de rester chez eux. On est à peu près enfermés depuis ce temps-là. Les trains circulent toujours, donc on aurait la possibilité de rentrer à Canton, mais on a choisi de rester dans la famille de ma femme, plutôt que seuls à Canton" nous a expliqué le jeune homme, installé en Chine depuis 4 ans.
Ce dernier rappelle que la majeure partie des personnes décédées du coronavirus en Chine sont des personnes âgées ou souffrant d'autres pathologies. Au 12 février, 1 113 personnes sont mortes en Chine à cause du Covid-19. Le plus impressionnant pour Hugues, ce sont les villes habituellement bondées, désormais désertes, les rues vides, le silence si rare dans des grands ensembles de plusieurs millions d'habitants. "J'ai vu une vidéo de quelqu'un qui se trouve à Wuhan. Le mec disait : 'On se croirait dans un jeu vidéo de survival, où on doit trouver ses rations de nourriture" détaille le jeune homme, qui s'informe principalement grâce aux réseaux sociaux et à la télévision locale.
"Toutes les entrées sont contrôlées"
Les autorités ont organisé l'espace pour accroître les contrôles sanitaires sur les passants, dans le but de détecter au plus vite les malades et ainsi contenir la propagation du virus. Pour rappel, la voie primaire de contamination serait celle des gouttelettes chargées de virus émanant de la toux d’une personne infectée mais d'autres pistes, comme la transmission par les matières fécales sont étudiées. "On a beaucoup d'informations à la télévision. Tous les batiments sont regroupés en petit quartier, avec des enceintes autour. C'est l'aménagement traditionnel ici. Avec le coronavirus, toutes les entrées sont contrôlées. Les autorités prennent la température de tous les gens qui entrent et de tous ceux qui sortent. À la TV chinoise, on peut voir que les pharmacies sont en rupture de stock de masques et de thermomètres. Tout ce qui est alcool désinfectant, c'est également très dur à trouver" témoigne le Dolois d'origine.
"C'est plus l'atmosphère qui est étrange, voir qu'il n'y a vraiment personne dehors. Le fait de ne pas trop sortir, on a un certain manque de connexion sociale" ajoute-t-il.
Du côté des écoles, même logique. Les autorités ont décidé de décaler la rentrée des enfants, à début mars. Dans les magasins, la situation est moins compliquée qu'au début : "Au niveau nourriture, au tout début, tous les magasins se sont retrouvés dévalisés. Ca s'est passé un peu comme avant, comme pendant les typhons. Les gens font leurs provisions et là en fait c'était le même phénomène, mais c'était encore plus impressionnant. Les magasins étaient vides. Cela a duré quelques jours le temps que les gens aient stocké et que les magasins soient livrés".
Au-delà de la dimension sanitaire et sociale, c'est surtout le contexte économique qui inquiète Hugues Péguillet, entrepreneur dans la téléphonie mobile. "Tout le pays est à l'arrêt complet. On a prolongé les vacances mais si ça dure, cela pourrait devenir vraiment problématique sur le plan financier. Je possède un site internet de vente de pièces détachées pour smartphones. Je suis en rupture de stock sur certains produits. Il faut que je me réapprovisionne mais les marchés sont fermés. Je commence à m'inquiéter. J'ai des amis qui sont dans des situations encore plus préoccupantes. Le compagnon d'une amie a perdu son travail et ne peut pas du tout en retrouver en ce moment, tout est fermé..." explique-t-il, tout en espérant que l'activité du pays reprenne peu à peu dans les semaines qui viennent, pour pouvoir rentrer chez lui et reprendre une vie normale.