Le 6 février est la journée mondiale des mutilations génitales féminines. Mise en place par l'ONU en 2003, elle vise à sensibiliser les États et la société civile dans le but d'y mettre fin.
“Je ne sais pas pourquoi ça m’est arrivé à moi”, nous confie-t-elle au téléphone. Martha Omozusi a subi une excision lorsqu’elle avait cinq ans, au Nigeria. L’opération s’est très mal passée : “J’ai mis des semaines, des mois à m’en remettre” . Sur le long terme, cette habitante de Dole (Jura) a eu des infections, des règles anormales et des difficultés à tomber enceinte. “J’ai perdu de l’estime de moi-même”, témoigne-t-elle à France 3 Franche-Comté.
Au Nigéria, dans son village d’origine, certains pensent que l’excision est bénéfique parce qu’elle évitera aux femmes de se prostituer. “Les femmes n’ont pas droit à l’orgasme, ce ne sont que les hommes”. Selon Martha, c’est la famille qui dicte la loi sur l’excision : “Si ta famille arrête, alors tu peux arrêter” . Mais tu ne peux pas dénoncer ta famille à la police, “ce n’est pas sûr” , souffle-t-elle.
En 2018, la trentenaire est arrivée en France. Elle a fui son compagnon d’alors qui souhaitait imposer l’excision à leurs filles. Elle a ensuite tout fait pour obtenir le droit d’asile en France. Le retour au Nigeria n’était alors plus possible. “Si je rentre, mes enfants se feront exciser et ma famille me rejettera. Le fait d’avoir fui me met en danger si je retourne là-bas. Je crains pour ma vie”, expliquait-elle en mai 2023 avant d'obtenir finalement un titre de séjour l'été 2023.
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Mutilations génitales, un crime en France
Les mutilations sexuelles féminines sont interdites en France. Elles sont un crime puni par la loi. Le droit français protège tous les enfants qui vivent sur son territoire, quelle que soit leur nationalité. La loi française s’applique à l’acte commis à l’étranger si la victime est française ou si elle est étrangère et réside habituellement en France.
4,2 millions de filles dans le monde risquent de subir une forme de #mutilation génitale féminine en 2022.
— ONU France et Monaco (@ONU_France) February 6, 2022
Cette pratique doit cesser !
La France 🇫🇷a été le premier pays européen à la pénaliser. #EndFMG #Act2EndFGM #StopFGM #GlobalGoals @UNFPA pic.twitter.com/LMNolDthBo
L’auteur d’une mutilation et le responsable de l’enfant mutilé peuvent être poursuivis pour des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Ils encourent 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Les peines sont aggravées si la mutilation est commise sur un mineur de moins de 15 ans, si l’auteur est un ascendant ou parent légitime, naturel ou adoptif ou par toute personne ayant autorité sur le mineur.
En 2019, le gouvernement a lancé un plan contre l’excision. On estimait alors à près de 60 000 le nombre de femmes excisées vivant dans l’Hexagone. Elles sont principalement originaires du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire et de la Guinée. En 2016, selon l'Institut européen pour l’égalité des genres, sur 205 683 filles originaires du pays où les mutilations sexuelles féminines sont pratiquées, 12 à 21 % étaient estimées comme encourant un risque de mutilations sexuelles féminines. Généralement, elles partent en vacances dans le pays d’origine de leurs parents et se font exciser là-bas sans qu’on les ait prévenues avant.
Annoncée le 25 novembre 2017, la plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles constitue une voie supplémentaire de recours pour les victimes. Fonctionnant 24h/24 et 7j/7, elle leur permet de dialoguer avec des policiers et des gendarmes spécialement formés, de déposer un signalement dématérialisé des violences subies et d’être orientées et accompagnées dans leurs démarches. Il est aussi possible d'appeler la police au 17.
Près de 4,4 millions de filles risquent de subir des mutilations génitales en 2024
Selon les Nations Unies, plus de 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont survécu à des mutilations génitales féminines. En 2024, près de 4,4 millions de filles – soit plus de 12 000 par jour – risquent de subir des mutilations génitales féminines dans le monde. Le coût financier des soins de santé pour les survivantes de mutilations génitales féminines s’élève à 1,4 milliard de dollars par an.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a identifié quatre formes de mutilations génitales féminines. La clitoridectomie : l’ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce. L’excision : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres. L’infibulation : le rétrécissement de l’orifice vaginal par la création d’une fermeture, réalisée en coupant et en repositionnant les petites lèvres et/ou les grandes lèvres. Elle peut être pratiquée avec ou sans ablation du clitoris. La quatrième catégorie regroupe toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques.
L'Islam, pas seulement...
Les mutilations génitales féminines sont davantage une pratique culturelle que religieuse. Mais elles sont souvent perçues comme étant liées à l’Islam, peut-être parce qu’elles sont pratiquées dans de nombreux groupes de population musulmane. Pourtant, elles ne sont pas pratiquées par tous les musulmans et elles sont pratiquées par des personnes appartenant à d’autres confessions.
Bien que ces pratiques se concentrent principalement dans 30 pays d’Afrique et du Moyen-Orient, elles restent un problème mondial. Elles continuent d’exister dans certains pays d’Asie, d’Amérique latine et parmi les populations immigrées vivant en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.
Les Nations Unies se sont fixées pour objectif de mettre fin aux mutilations génitales féminines d’ici à 2030.