C'est un promeneur qui l'a découvert, accroché à un arbre à Vulvoz (Jura). Le panneau a été installé pour signaler aux usagers de la route le passage de salamandres tachetées, une espèce protégée. Mais pour l'instant, personne ne sait qui l'a posé. On a mené l'enquête.
Il est tombé sur le panneau et n'a pas pu s'empêcher de s'arrêter pour le prendre en photo. "Je suis passé devant à moto et j'ai aussitôt fait demi-tour, raconte Denis Perely à France 3 Franche-Comté. Je photographie souvent les panneaux de signalisation car c'est un peu une invitation au voyage. Celle-ci était magnifique et peu commune, elle était fixée à un arbre."
Cet habitant d'Epervans (Saône-et-Loire) près de Châlon-sur-Saône était venu en promenade jusqu'ici pour découvrir la cascade de Vulvoz (Jura) ce week-end du 30 septembre et 1er octobre 2023. C'est en quittant le site qu'il a découvert cet avertissement le long de la route.
Qui a posé le panneau ?
Daniel Jacquenod, le maire de la commune, l'une des plus petites du Jura avec 17 habitants seulement, ne cache pas son étonnement. L'édile l'assure, ce n'est pas lui qui a apposé cette pancarte et il avoue d'ailleurs n'avoir jamais aperçu de salamandre traverser la route à proximité du village. "Je ne dois sans doute pas être là au bon moment", sourit l'élu.
Même surprise du côté du Parc naturel régional du Haut-Jura qui n'est pas à l'origine de ce panneau. Contactés à leur tour par France 3 Franche-Comté, les techniciens de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) expliquent qu'ils n'ont pas l'habitude d'installer ce type de signalisation et pensent que "cela vient d'un riverain ou d'une association" tout en confirmant "la présence probable de salamandres dans ce secteur où il y a de nombreux ruisseaux et donc un milieu très favorable pour la reproduction de l'amphibien". Bref, le mystère reste entier, pour l'instant du moins.
Route coupée la nuit
La petite bête a visiblement beaucoup de défenseurs dans la région et dans le Jura en particulier. A l'instar d'Amélie Sabanovic et Guillaume François, originaires de Lons-le-Saunier, qui en ont fait l'emblème de leur association "Je suis sensible". "On a choisi la salamandre comme logo parce qu'elle est particulièrement sensible, explique Amélie Sabanovic. Et on avait envie aussi de mettre en lumière ces amphibiens dont on ne parle pas beaucoup." En avril dernier, le duo avait convaincu le Département de fermer totalement une route la nuit pendant trois semaines, la RD203 à Ladoye-sur-Seille (Jura), pour protéger les salamandres en pleine période de reproduction.
"C'était pour éviter une hécatombe, explique Guillaume François qui avait réalisé un inventaire et comptabilisé ici plus de 200 salamandres écrasées en très peu de temps à l'automne. Et c'est aussi symbolique. On gratte de plus en plus de terrain sur la nature. Quand on voit qu'on est prêt à commettre un écocide pour construire une autoroute comme l'A69 entre Toulouse et Castres pour gagner seulement quelques minutes, il est urgent de mettre le holà."
L'opération devrait d'ailleurs être reconduite au même endroit à la fin du mois d'octobre, et la même route fermée plusieurs semaines encore.
Espèce intégralement protégée
La salamandre tachetée (Salamandra salamendra) est l'amphibien le plus répandu en France, aussi bien en plaine qu'en montagne. Le plus reconnaissable aussi avec sa couloir noire et ses taches jaunes. Comme le précise la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), il s'agit d'un carnivore qui fréquente les lieux humides, principalement les forêts de feuillus, où elle s’installe surtout près des ruisseaux. Contrairement aux idées reçues, elle ne sait pas nager mais elle a tout de même besoin d’eau pour y déposer ses larves. Animal essentiellement nocturne, on peut néanmoins la rencontrer durant la journée, après ou durant de fortes précipitations. En hiver, la samamndre tachetée est moins visible puisqu’elle hiberne.
C’est une espèce intégralement protégée par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976. Elle est en régression constante en France, victime du recul des zones humides, de la multiplication des pesticides, mais surtout du trafic routier. Ne craignant pas les prédateurs, elle se déplace en effet lentement d’une démarche pataude, et n’hésite pas à traverser des espaces à découvert, souvent au péril de sa vie quand il s’agit de routes fréquentées dont elle apprécie le bitume humide.