"On nous prend pour des pions". Deuxième vente de l'hypermarché de Lons-le-Saunier en trois mois : la détresse des salariés

Coup de massue pour les salariés de l'Intermarché Hyper de Lons-le-Saunier (Jura). Moins de trois mois après le rachat de l'enseigne par le groupe Les Mousquetaires, le magasin devra être à nouveau revendu dans les prochains mois. Une décision de l'Autorité de la concurrence, qui pointe des doutes sur la concurrence de la zone de chalandise de Lons-le-Saunier. Plus de 80 travailleurs retombent dans l'incertitude.

"On est sous terre". Au bout du fil, les mots sont durs, et les voix émues. Depuis le mercredi 27 décembre 2023, Stéphane Chanteloube, Christelle Bornier et Florent Parisot, tous trois habitants de Lons-le-Saunier (Jura) et employés au magasin Hypermarché, situé rue des Salines, sont sous le choc.

Et pour cause, il y a deux jours, ils apprenaient que leur enseigne faisait partie des trois hypermarchés qui seraient revendus en 2024, moins de trois mois après un premier changement de propriétaire. Une décision de l'Autorité de la concurrence, qui a exprimé des doutes importants sur la concurrence de la zone de chalandise de Lons-le-Saunier. Résultat, une deuxième vente en un an, et le retour des incertitudes pour les 82 employés du site.

Il avait déjà fallu s'accrocher, début 2023, lorsque le magasin avait été revendu au groupe Intermarché pour soulager la dette massive de l'ancien propriétaire, le groupe Casino. "On avait été très tôt rassuré, car Les Mousquetaires ont annoncé qu'ils reprendraient tous les employés" se souvient Stéphane Chanteloube, 25 ans d'ancienneté au magasin en tant que manager de secteur et délégué suppléant du syndicat CFE-CGC. "Mais cette nouvelle revente, c'est un gros coup de massue, on retourne dans l'incertitude, sans savoir quels postes seront conservés".

Après le soulagement du premier rachat, les employés de l'Hypermarché avaient dû "réapprendre leur métier" dixit Florent Parisot, sous-directeur du magasin aux 35 ans d'ancienneté. "Les postes ont changé, les outils de travail ont changé. Tout le monde avait redoublé d'efforts et on avait retrouvé le plaisir de faire du commerce. Et aujourd'hui, retour à zéro. On se dit que ça n'a servi à rien".

On était en pleine ascension, on atteignait nos objectifs, les clients étaient au rendez-vous, on était une équipe soudée et motivée. Et là, la même autorité de la concurrence qui avait accepté notre rachat par le groupe Les Mousquetaires change d'avis, quatre mois après. On nous prend pour des pions.

Christelle Bornier,

responsable fichiers de l'Hypermarché de Lons-le-Saunier et délégué du syndicat UNSA

Au-delà des efforts professionnels consentis, Christelle Bornier, qui travaille depuis 30 ans sur les lieux, ne peut s'empêcher de se rappeler le moment où elle a appris la mauvaise nouvelle. "C'était le 26 décembre" se remémore-t-elle. "Le lendemain de Noël... L'adhérent (le propriétaire, ndlr) du magasin nous a tous rassemblés et nous a dit qu'il devrait trouver un repreneur dans les quatre prochains mois. Il y a eu beaucoup de pleurs, de cris, et d'abattements. Il savait tout ça depuis le 23 décembre, mais il n'a rien dit pour qu'on passe un bon Noël".

"Il y a beaucoup de pleurs"

Restent maintenant le stress pour l'avenir, et la peur de perdre son emploi. "On est déjà passé par toutes les émotions" reprend Stéphane Chanteloube. "Et là, on nous remet la tête sous l'eau. Il y a beaucoup de pères et mères de famille parmi nous. Et la menace du chômage et de la précarité". Pour autant, les salariés continuent à se rendre au travail, consolés par "les marques d'affection des consommateurs et le comportement de l'adhérent, Ludovic Paget, qui nous a assuré qu'il se tiendrait à nos côtés".

C'est dur de se battre. C'est un peu le pot de terre contre le pot de fer...

Stéphane Chanteloube,

manager de secteur et délégué suppléant du syndicat CFE-CGC

Et même si ce dernier a estimé ne pas avoir de doutes sur le fait qu'un nouveau repreneur serait trouvé, rien ne dit que le nouvel acquéreur conservera tous les emplois. Que faire maintenant ? "On en parle tous les jours entre nous" poursuit Christelle Bernier. "Il y a beaucoup de pleurs, les nuits sont courtes, car on réfléchit beaucoup. On pourrait contacter les deux autres hypermarchés concernés, pour faire des actions communes. Mais là, on a même plus envie de se battre. Revivre cette situation, c'est trop dur".

Quatre mois pour trouver un repreneur

Preuve de l'état moral délicat du personnel, une cellule psychologique a été mise en place au magasin, à l'initiative du groupe Les Mousquetaires. Et derrière la tristesse vient poindre la colère chez les travailleurs. "On se pose des questions, et personne ne nous répond" s'insurge Florent Parisot. "On nous a permis de reprendre espoir et on change tout en quelques semaines à cause d'un revirement d'une grande instance. Est-ce une décision politique ? Ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils font et ne nous répondent pas. On joue avec les gens".

Dans une situation "humainement très difficile", nos interlocuteurs l'assurent : "on n'est pas en colère contre le groupe Les Mousquetaires, mais contre l'Autorité de la concurrence". "Dans quelques jours, c'est le Nouvel An" conclut Christelle Bernier. "On sait que pour nous, ce sera très dur. On va devoir dire "bonne année" alors qu'on ne sait même pas de quoi sera fait notre avenir dans quelques semaines".

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