On peut avoir travaillé dans l'amiante et ne pas avoir de "préjudice d'anxiété", car ce préjudice n'est reconnu qu'à ceux qui ont travaillé dans certains établissements limitativement énumérés, déclare la Cour de cassation.
Qu’est-ce que le "préjudice d'anxiété" ?
En Bourgogne, de nombreux salariés ont travaillé dans des entreprises où ils étaient en contact avec de l’amiante. Plusieurs actions en justice ont été entreprises.En mai 2010, la Cour de cassation avait reconnu un "préjudice d'anxiété", qui porte sur l'angoisse que vivent au jour le jour les travailleurs exposés à l'amiante. De son côté, dans un arrêt de 2011, la cour d'appel de Paris avait décidé d'indemniser un préjudice découlant du "bouleversement des conditions d'existence", en considérant que l'angoisse d'être un jour atteint d'une pathologie grave "ampute les projets d'avenir".
Ainsi le 1er décembre 2011, la Cour d'appel de Paris avait reconnu le préjudice d'anxiété pour 36 salariés de l’entreprise ZF Masson à Saint-Denis-lès-Sens, dans l’Yonne, spécialisée dans la fabrication de pièces automobiles.
Au fil des ans, les actions se poursuivent. Le Conseil des Prud'hommes de Paris a examiné jeudi 12 mars 2015 le recours de plus de 150 cheminots. Ils rappellent qu’ils ont été exposés à l'amiante durant leur carrière, notamment dans l'atelier de maintenance de Nevers, dans la Nièvre. Ils réclament la reconnaissance de leur "préjudice d'anxiété".
Que vient de préciser la Cour de cassation ?
Dans une décision du 12 janvier 2016, la Cour de cassation confirme que le préjudice d'anxiété est une notion plus juridique que factuelle. Le préjudice d'anxiété est créé pour les travailleurs qui subissent des troubles psychologiques liés au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.Mais, pour se voir reconnaître un préjudice d'anxiété, il faut avoir travaillé dans un des établissements limitativement énumérés par la loi du 23 décembre 1998.
Ce sont "des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales".
La Cour de cassation refuse, en vertu de ce principe, que des travailleurs qui auraient incontestablement travaillé dans l'amiante, mais dans un établissement non inscrit sur la liste officielle, aient droit à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété. En l'espèce, elle le refuse à des ouvriers qui avaient travaillé dans une fonderie durant de nombreuses années, avec des combinaisons en amiante, puisque la fonderie en cause ne figure pas dans la "liste des établissements amiante".
Elle rejette l'argument selon lequel même si l'entreprise n'est pas inscrite sur cette liste, elle a tout de même manqué à son obligation de sécurité en exposant ses salariés à un danger susceptible de créer une anxiété.
Un jugement des prud'hommes de Paris a reconnu en janvier 2015 un préjudice d'anxiété dans un autre domaine que l'amiante, mais la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée sur un tel élargissement.
(Cass. Soc, 12.1.2016, A 14-24.229).
Bourgogne : la liste des établissements classés "amiante" énumérés par la loi du 23 décembre 1998
Bitulac :
- 71360 Epinac : de 1962 à 1997.
Etablissements Knauf-Isba/Ferlam/SAF/Ferodo/Isba Isolation :
ZI Sud, route de Lyon, 89000 Auxerre : de 1969 à 1995.
Etablissements Piques/Exploitation des établissements Piques :
- 21440 Poncey-sur-Lignon ; puis 1, rue Champeau, ZAE Cap Nord, BP 72, 21074 Dijon : de 1906 à 1991.
Eternit :
- établissement de Vitry, BP 8, 71600 Paray-le-Monial : de 1941 à 1997.
Isothelme :
- 89150 Saint-Valérien : de 1960 à 1996.
Patouret Dubois :
- 89200 Avallon : de 1890 à 1997.
Porteret Beaulieu Industries :
- BP 11, 21310 Mirebeau-sur-Bèze : de 1940 à 1996.
SA UFAGA/Flertex :
- usine de Saint-Florentin, 9, avenue de Genève, 89600 Saint-Florentin : de 1960 à 1996.
Wanner/Wanner Isofi :
- 71100 Chalon-sur-Saône : de 1933 à 1977.