Des cheminots exposés à l'amiante attaquent la SNCF pour "préjudice d'anxiété"

Le Conseil des Prud'hommes de Paris a examiné jeudi 12 mars 2015 le recours de plus de 150 cheminots exposés à l'amiante durant leur carrière, notamment dans la Nièvre. Ils réclament la reconnaissance de leur "préjudice d'anxiété". La décision a été mise en délibérée au 1er juin.


Qui a porté plainte contre la SNCF ?

Le syndicat SUD-rail avait appelé à un rassemblement devant la juridiction prudhommale à partir de 12h, avant l'audience prévue à 13h jeudi.

Plus de 150 cheminots, en poste ou retraités, ont rallié cette procédure lancée par le syndicat en juin 2013, juste avant la réduction du délai de prescription.
Tous ont côtoyé à un moment la substance hautement cancérigène sur leur lieu de travail, entre les années 1970 à 2000.

Ils subissent régulièrement des examens médicaux pour vérifier si un cancer lié à l'amiante n'apparaît pas.
"Ils vivent avec l'angoisse d'apprendre qu'ils développent une de ces maladies incurables", explique Dominique Malvaud (SUD-rail), qui se souvient d'un collègue qui avait "peur qu'on lui annonce : "vous êtes condamné".
Chaque plaignant réclame 12 000 euros de dommages et intérêts.

Qui sont les salariés les plus exposés ?

"Plus on avance en âge, plus on risque d'avoir quelque chose, c'est toujours une menace", témoignait Gil Bonnemoy, aujourd'hui retraité, interrogé en septembre 2013, en marge de l'audience de conciliation. Dans l'atelier de maintenance où il a travaillé à partir de 1977, à Nevers, "on démontait sans masque les échappements pleins d'amiante". Comme lui, plus de 110 plaignants travaillent ou travaillaient dans les ateliers de maintenance.

A l'échelle du groupe, les "plus exposés ont été les agents des services électriques qui travaillaient dans des guérites en amiante", ainsi que les agents chargés de la maintenance du matériel, affirme M. Malvaud. Il y a aussi, de manière plus marginale, les conducteurs de train, en raison de la présence d'amiante dans les patins de freinage.



Combien de cheminots sont sous "surveillance médicale renforcée amiante" ?

En juin 2013, plus de 7 500 cheminots en activité faisaient l'objet d'une "surveillance médicale renforcée amiante", en raison de risques d'exposition passés ou présents, affirme le syndicaliste. Avec les retraités, ce sont au total plus de 13 500 personnes qui sont médicalement suivies.

Depuis une quinzaine d'années, entre 30 à 50 agents ou ex-agents décèdent en moyenne chaque année d'un des cancers de l'amiante, selon SUD-rail.

La Cour de cassation a consacré en 2010 le droit des anciens travailleurs de l'amiante à être indemnisés pour le préjudice dû à la crainte de contracter des maladies. La période de latence de certains cancers peut être très longue, jusqu'à 30 ans.

La SNCF a été condamnée pour la première fois au titre de ce préjudice d'anxiété en octobre 2014. Dans une affaire concernant huit salariés d'un sous-traitant (ISS) chargés de nettoyer l'atelier de maintenance de la compagnie au Mans (Sarthe), engagée parallèlement à celle examinée jeudi. Le groupe a fait appel de cette décision rendue par le même conseil des Prud'hommes.



Que dit la Cour de cassation ?

Mais depuis, un arrêt de la Cour de cassation est tombé, qui risque de limiter considérablement le champ d'application du préjudice d'anxiété, selon l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva).

Dans cet arrêt du 3 mars 2015, la plus haute juridiction casse le préjudice reconnu en appel à un plombier d'ERDF-GRDF au motif que ces entreprises ne sont pas inscrites sur la liste ouvrant droit à l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata). Or la SNCF ne figure par sur cette liste établie par arrêté ministériel, fera valoir jeudi l'avocat du groupe public.
Un argument auquel Me Xavier Robin, avocat des cheminots, opposera que "la SNCF est autorisée par le ministère de l'équipement à offrir un dispositif similaire de retraite anticipée".

Quelle que soit la décision, ce dossier "ira en Cassation", estime l'avocat des cheminots. Il espére que "le Conseil des prudhommes et les cours d'appel feront de la résistance vis-à-vis de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation" qui crée selon lui "une inégalité devant la loi entre les salariés qui pourront prétendre au préjudice d'anxiété et d'autres qui ne le pourraient pas".


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