Le parc du Morvan pourrait bénéficier prochainement d'un prestigieux label pour distinguer les ciels nocturnes les plus étoilés au monde. Le label récompense les endroits les plus préservés de la pollution lumineuse, aurions-nous en Bourgogne une "réserve d'étoiles" qui nous ferait rêver ?
Le Parc du Morvan travaille depuis 2018 a obtenir la distinction pour devenir une "réserve internationale de ciel étoilé" (RICE), conjointement avec la Société Astronomique de Bourgogne (SAB). Une vingtaine de sites dans le monde sont déjà reconnus pour la pureté de leurs ciels par l'International Dark Sky (IDA) qui a déjà récompensé en France quatre sites : l'observatoire du Pic du Midi à Bigorre, le parc National des Cévennes, le territoire Alpes Azur Mercantour et le Parc Naturel Régional de Millevaches dans le Limousin. Le Morvan espère être le suivant sur la liste, parmi une dizaine d'autres prétendants en France.
"On est un peu à l'origine du projet"
"La première démarche qui a été faite, c'est par la SAB (Société Astronomique de Bourgogne)", confirme Eric Chariot, responsable du développement de la SAB. "C'est la SAB qui a proposé au Parc du Morvan de devenir 'réserve de ciel étoilé'."
Eric Chariot, en route pour le Morvan ce dimanche 9 octobre, nous confirme : "ce week-end, tous les ans entre adhérents de la SAB, on se fait une journée dans le Morvan. On a une partie des gens de la SAB qui se sont installés au sommet du Mont Beuvray, et qui ont observé deux nuits de suite dans des conditions assez exceptionnelles, c'est juste un grand moment de bonheur, il y a un ciel qui est vraiment assez génial là-bas."
Le responsable développement de la Société Astronomique est catégorique : "Il y a des mesures qui ont été faites et qui montrent que c'est un des meilleurs ciels de France, du point de vue de la luminosité, il est très sombre."
La pollution lumineuse en question
Ce qui gêne de plus en plus les astronomes, c'est la pollution lumineuse induite par l'éclairage urbain, au sens large, qu'il s'agisse d'éclairage publique ou d'enseignes lumineuses. De plus, un effet négatif sur les végétaux et la faune a été constaté par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), un impact sur la biodiversité et la faune nocturne.
Eric Chariot rappelle les deux tendances en cours : "De plus en plus, il y a deux mouvements un peu contraires : d'une part il y a des communes qui sont favorables pour éteindre, ça fait faire des économies, il y a pas mal de communes en Côte-d'Or qui éteignent la nuit. Mais il reste quand même des communes qui éclairent, par les LEDs notamment, mais c'est assez catastrophique : ça ne coûte pas cher, donc on en profite pour éclairer plus et puis on a des éclairages qui sont sur toutes les couleurs du spectre visuel , qui gênent beaucoup, des ultraviolets, de la lumière blanche qui est assez néfaste sur la biodiversité."
Le Morvan serait-il considéré comme base d'observation privilégiée des étoiles ?
E.C. : "Le Morvan est bien placé pour l'observation astronomique, mais il y a aussi un autre parc qui est tenté de faire la démarche, c'est le Parc des Forêts (Parc naturel entre la Côte-d'Or et l'Aube). Là-bas aussi, il y a un ciel qui est vraiment noir, il n'y a pas beaucoup de lumière. Il n'y a pas de mesures qui ont été faites, on est au début de la démarche, mais le Morvan reste un des meilleurs ciels de France. Pour nous à la SAB, ça reste un des endroits privilégiés pour aller observer."
Le "meilleur endroit au monde", le désert d'Acatama
Sur la planète, les lieux d'observation les plus prisés sont rares. Eric Chariot rappelle "qu'il y a au désert d'Acatama (Chili) des conditions de stabilité de l'air qui le rendent très favorable, en plus de l'absence de pollution lumineuse, c'est pour cela que tous les grands téléscopes s'installent là-bas."
Sans pour autant rivaliser avec le désert d'Acatama, pour obtenir le label RICE (Réserve Internationale de Ciel Étoilé) le Parc du Morvan est à l'initiative, deux personnes sont à la manoeuvre : Pascal Pommé, maire de Chissey-en-Morvan et Emmanuel Clerc, chef du projet Ciel étoilé au Parc du Morvan.
Eric Chariot rappelle que ce dossier "ne peut pas se faire sans l'aide des communes, le dossier demande des mesures, mais un plan d'actions pour réduire la pollution lumineuse, ou pour maintenir de bonnes conditions de pollution lumineuse. Ça demande des actions coordonnées avec les communes, c'est un enjeu de tout le territoire, ce n'est pas seulement une volonté du Parc ou de la SAB. On sent vraiment que dans le Morvan, les communes sont attachées à leur ciel noir. Il y a une vocation à vouloir vivre avec la nuit et sauvegarder ce patrimoine du ciel étoilé. Il y a une motivation de la plupart des communes."
Un ciel étoilé, et un observatoire ?
Le ciel étoilé morvandiau pourrait bien aussi devenir un nouveau vecteur touristique pour le Parc du Morvan et ses 4 départements. Non seulement l'absence de pollution lumineuse est prisée, mais aussi un projet de téléscope est engagé. Eric Chariot résume : "on est aussi à l'origine d'un autre projet, celui d'un observatoire à Château-Chinon. On veut mettre l'un des meilleurs observatoires de France à Château-Chinon, ça va amener du monde. Installer un téléscope d'un mètre et un autre téléscope qui servira pour faire de l'astrophotographie. On essaie de développer cette notion touristique. On a un bassin parisien hyper-pollué en termes de pollution lumineuse, et on a le Morvan qui est à deux heures trente de route, je pense que des gens qui veulent se faire un week-end dans un ciel très noir, ils peuvent privilégier le Morvan, c'est pas très loin. C'est un vecteur touristique, comme peut l'être l'aspect nature du Morvan. Ça rentre dans le même schéma que vouloir passer un week-end en pleine nature, là c'est en pleine nature avec un ciel étoilé. "
La Société Astronomique de Bourgogne comporte 287 adhérents, et demeure une des plus grandes sociétés astronomiques de France. La SAB a des antennes dans le Morvan, dont une à Château-Chinon, un moyen de s'ancrer davantage sur le territoire bourguignon.
Le Parc du Morvan pour sa part a édité un guide pour "Vivre avec l'obscurité", inscrit dans sa charte 2020-2035, permettant aux communes de suivre de bonnes pratiques d'éclairage, et faisant la promotion d'initiatives pour mieux découvrir la nuit.