Depuis 15 jours, le centre hospitalier de Clamecy (Nièvre) est durement touché par la circulation du Covid-19. Le manque de personnel médical s'aggrave avec la hausse de cas de Covid-19 et le nombre d'arrêts maladie. Certains pointent la responsabilité de la direction dans la gestion de la crise.
A Clamecy depuis une quinzaine de jours, plus que les lits de réanimation, la pénurie en ressources humaines est aujourd’hui au cœur de toutes les préoccupations au centre hopsitalier de lamecy. "On arrive à une pénurie de personnel. Sur douze aide-soignantes, il ne nous en reste plus que deux et nous ne sommes plus que cinq infirmiers en activité sur l'établissement", témoigne une infirmière.
"Au niveau soignants, médecins, c'est la catastrophe", déplore Eric Cousson, secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'hôpital. "On tourne avec un personnel réduit et on n'a plus de brancardier, plus rien." Cet aide-soignant vient, comme bon nombre de ses collègues, d'être testé positif au covid et doit rester à l'isolement.
On n’a pas arrêté d'alerter pour dire que le personnel est en souffrance, que la covid, on n'arrive pas à la gérer.
Il a alerté sa direction sur les conditions de travail des soignants. "On n’a pas arrêté d'alerter pour dire que le personnel est en souffrance, que la covid, on n'arrive pas à la gérer. Les soignants sont obligés de brancarder. Ils sont à bout. On est dans une situation critique."
Au total, près de 50 agents testés positifs au covid seraient en arrêt maladie dans l'établissement en comptant les agents de l'Ephad Simpol et de la maison de retraite Boudard. "Cela fait un quart du personnel qui est arrêté, c'est énorme", déplore Eric Cousson. Un chiffre confirmé par Julien Kiszczak. Il fait office de directeur délégué de l'établissement depuis mars denier et sera officiellemnt nommé à compter du 1er janvier. "y a eu au plus fort de la crise 50 agents arrêtés en même temps sur la période."
La maison de retraite et l'Ehpad de l'hôpital touchés par le virus
C'est d'abord la maison de retraite Boudard qui a été touchée en premier par la Covid-19 avec 46 résidents sur 54 positifs au covid dont 3 hospitalisés et 23 agents sur 34 positifs et en arrêt maladie.
Depuis la situation a généré une véritable tension en termes de gestion et de prise en charge des patients. Puis, c'est le service de médecine de l'hôpital et l'Ehpad de l'hôpital qui ont fini par être touchés avec plusieurs personnels soignants en arrêt maladie depuis 15 jours, eux aussi positifs au covid.
Un recours aux intérimaires et transfert de patients
Pour faire face à cette situation de crise, la direction de l'établissement a décidé de faire appel aux intérimaires et aux vacataires. "La solution, c'est de l'intérim, des vacataires mais aussi une forte implication des personnels qui malgré la fatigue et l'épuisement continuent de se mobiliser jour après jour", explique Nicolas Bourdoune, maire de Clamecy et président du conseil de surveillance de l'hôpital.
Les intérimaires sont sollicités un peu partout. On a même des vacataires qui sont positifs donc c’est ingérable."
Mais le problème selon Alain Marchet, infirmier, "c'est que les intérimaires sont sollicités un peu partout. On a même des vacataires qui sont positifs donc c’est ingérable."
Pour la direction de l'hôpital, aujourd'hui, la situation semble sous contrôle. "Ce qu’il se passe, c'est qu'on n'a pas de pénurie de personnel. On a connu une situation de tension. Il y a eu des difficultés sur le renfort de personnel. Mais les agents arrêtés en premier sont en train de revenir. Il y a un décalage avec le plus fort de la crise, mais malgré tout on n’a pu assurer les remplacements et renforcer certains secteurs", précise Julien Kiszczak. "Pour assurer ces remplacements on a eu recours à des vacataires et recours à l’intérim même s'il y a une très grosse demande au niveau régional et national."
Si le futur directeur de l'établissement admet des difficultés, il assure que "la continuité des soins est assurée dans l'ensemble de l'établissement sur l'activité hospitalière et médico-sociale."
On n'accueille plus de nouveaux patients en médecine.
Pourtant, certains services sont fermés de manière temporaire faute de soignants. Les hospitalisations dans le service de médecine sont pour le moment suspendues. "On a été obligé de fermer effectivement. On n'accueille plus de nouveaux patients en médecine. C'est une situation qu'on réévalue au jour le jour", explique Nicolas Bourdoune. "On envisageait de rouvrir et de réintégrer des patients aujourd'hui mais on a été informé ce matin de plusieurs arrêts maladie notamment concernant le personnel de nuit."
Afin d'éviter la saturation du service d'hospitalisation, la direction a fait procéder à des transfers inter-hospitaliers vers les hôpitaux de la région, notamment sur Sens, sur Autun et sur Dijon.
Une gestion de la crise pointée du doigt
Alors comment en est-on arrivé à une telle situation ? Pour Eric Cousson, "il y a eu une mauvaise gestion." Il estime "qu'on a mis en danger des soignants, on a mis en danger des patients. On est dans une passivité de la part de notre hiérarchie".
Cette deuxième vague est très forte sur les lits d'hospitalisation et sur les Ephad."
Julien Kiszczak se défend des accusations. "Depuis la première vague du mois de mars, on a des cellules de crise qui se réunissent trois fois par semaine pour adapter l'offre de soins. Il y a une instance qui est là pour gérer la crise."
Arrivé dans l'urgence en mars, le directeur délégué met en vaant "la période exceptionnelle et inattendue. Cette deuxième vague est très forte sur les lits d'hospitalisation et sur les Ephad. Cette crise sanitaire amplifie les difficultés que l'on peut avoir sur l’attractivité des métiers paramédicaux. On observe des tensions de recrutements d'infirmiers ou d’aide-soignants."
Des inquiétudes sur l'avenir de l'hôpital
Parmi les personnels, cette gestion de crise pose des questions et suscite des inquiétudes concernant l'avenir de l'hôpital. Ce qu'ils craignent, c'est que l'on passe d'une crise à une autre. "Le problème, c'est que la direction a eu recours à l’intérim mais sauf que là, on est en train de puiser dans la caisse mais le jour où l'ARS va mettre son nez dedans, qu’est ce qu’ils vont faire de l’hôpital de Clamecy ?", se demande Eric Cousson.
Gilles Varzy, vice-président de l'intercommunalité dénonce "une opacité dans cet établissement. On cherche à cacher les choses. La direction pour moi est hors de contrôle par rapport à tout ça", estime le maire de Varzy. Selon lui, le projet de l'ARS c'est de conserver la maison de retraite et d'abandonner le centre hospitalier.
Un mauvais procès pour Julien Kiszczak qui tient lui à rassurer sur les craintes financières et sur l'avenir de l'établissement. "Il n'y a pas d'audit en cours de l'ARS. L''hôpital de proximité a toute sa place sur le territoire."
Nous avons tenté d'avoir un responsable de l'Agence régionale de santé. Celle-ci nous a renvoyé un mail nous indiquant que "des investigations ont été conduites en lien avec l’établissement. Les mesures habituelles de gestion ont été prises pour casser les chaînes de transmission du virus avec l'identification des personnes contacts à risque autour des cas confirmés, l'isolement des cas et des contacts à risque, le renfort des mesures barrières et le dépistage des contacts à risques."
Concernant le climat social interne, elle nous renvoie vers la gouvernance du groupement hospitalier de territoire dont dépend l'hôpital de Clamecy basée à Auxerre. Son directeur n'a pas voulu répondre positivement à nos sollicitations.