Depuis près d'un an et demi, Daru met en scène sur des palettes en bois les personnages de son enfance qu'il plonge dans l'univers des réseaux sociaux. L'artiste installé dans la Nièvre nous raconte son rapport au monde, sa quête perpétuelle d'amusement et sa soif de liberté.
Du fond de son atelier de Varennes-Vauzelles (Nièvre), David Nicolas transforme Donald Duck en véritable Karl Donaldfeld, héritant du catogan et des lunettes noires du célèbre créateur franco-allemand. Connu sous le pseudonyme Daru, l’artiste de 45 ans est exposé depuis le début de l'année à l’étranger. Ses créations sur bois sont notamment vendues dans des galeries américaines, belges et polonaises.
Après une longue carrière dans le street-art, Daru s’est lancé dans l’aventure de la parodie sur palettes en bois. L’artiste s’amuse à reprendre des icônes de pop culture qui ramènent souvent à l’imaginaire de l’enfance et à les intégrer à l’univers des réseaux sociaux. Blanche-Neige troque ainsi sa pomme pour un smartphone et part à la chasse aux followers. Le tout dans un univers particulièrement coloré, vif et cartoonesque.
Quand j’ai fait le tableau avec Blanche-Neige, j’ai pensé à Nabilla. Je m’amuse avec l’ère du temps. Mes tableaux respirent un peu la superficialité de la société. Il faudrait que j’en parle à un psy un jour !
"Je prends des images cultes et je vais les adapter. Je leur apporte une touche de luxe pour les mettre dans l’ère du temps. Je grime des personnages en influenceur. Je reprends ce que l’on voit sur Instagram. Ça me fait rire en fait les gens qui se dévoilent sur les réseaux sociaux. C’est un peu une critique mais c’est bon enfant. C’est parodique".
Des créations au grè des humeurs de l'artiste
Chez Daru, Clint Eastwood ne se bat plus pour une poignée de dollars mais pour quelques bitcoins. L’artiste se laisse ainsi souvent bercer par l’actualité et assume le caractère instinctif de ses créations.
"C'est souvent un flash qui est à l'origine. je suis beaucoup sur internet, je m’inspire de ce que je vois. Avant de dessiner Karl Donaldfeld, je regardais les banques d’images de Donald. Je trouvais qu’il avait un air un peu hautain. Je tombe sur une photo où il avait une la tête haute. Je me suis dit qu’il ressemblait à Lagarfield. Je lui ai mis une queue de cheval, des lunettes et ça a matché directement !".
Dans ses cartoons, l’artiste renoue d’ailleurs avec les personnages grâce auxquels il a découvert le dessin durant sa jeunesse. "J’ai toujours aimé dessiner. Je suis né à l’époque où on n’avait pas internet. J’avais juste un crayon et du papier. J’étais chez mes grands-parents. Il y avait des journaux avec Popeye, Mickey. Finalement, je reviens aux sources".
L'amusement et la liberté comme source de création
Passionné par le dessin, Daru réalisera pendant près de 15 ans des graffs de commande pour des entreprises, avant de changer de moyen d’expression artistique en 2020, lors du premier confinement. "Ça m’a frustré car il manquait la partie création. C’est pour ça que j’en suis venu à ces tableaux, pour faire ce que je voulais. Et inconsciemment, j’en suis arrivé à dessiner ce que je faisais quand j’étais gamin".
Je m’amuse en fait. J’ai toujours fait les choses en fonction de mon amusement. À un moment donné, quand ça commence à être redondant, je fais autre chose. Je vis le truc à fond.
Un retour à l’enfance donc, mais avec les yeux qu’un adulte porte sur son temps. "Tous ces personnages, notamment des Disney, ils sont lisses. Et je me dis que s’ils avaient réellement existé à notre époque, ils seraient les premiers influenceurs". La formule plaît aux spécialistes d’art et permet rapidement à Daru de se faire connaître.
Une première galerie dans le Sud de la France expose ses créations, avant que celui-ci ne rencontre un collectionneur américain et sa femme, Natacha Goubin. Ils alors décident de s'occuper de sa carrière en janvier 2021. "On a trouvé son style très original et on a fait l’acquisition de ses œuvres pour notre collection privée. On a pris contact avec lui faire savoir qu’on appréciait ce qu'il faisait et nous avons sympathisé. On trouvait dommage qu’on ne puisse pas trouver ses œuvres aux États-Unis. Il travaillait seul et n’était pas accompagné, et de fil en aiguille je suis devenue son agent", raconte Natacha Goubin.
L’artiste nivernais est désormais vendu dans quatre galeries en Floride, une en Pologne, une à Bruxelles et cinq en France. Mais du fond de son département natal, l’artiste veut garder son authenticité. "Ça marche très bien mais je reste un artiste, je ne veux pas être dans une logique d’entreprise et de productivisme. J’ai une vie très simple dans la Nièvre, c’est en décalage par rapport à mes tableaux".
Loin de Daru l’idée de tomber dans le luxe et la superficialité qu’il parodie à travers ses œuvres sur bois.