La colère gronde chez les médecins généralistes libéraux. Ce dimanche 7 mars, un mail de la DGS leur a annoncé qu'ils ne pourraient pas passer de commande de vaccin pour la semaine suivante, priorité étant donnée aux pharmacies. En Franche-Comté, des médecins nous ont confié leur ras-le-bol.
“On est dépités”. Thierry Di Betta, médecin généraliste à Belfort, et secrétaire général de la Fédération des médecins en Bourgogne-Franche-Comté, ne cache pas son désarroi. “ça ne rime à rien”, soupire-t-il, “on s’organise, et hop d’un coup, on nous dit il n’y a plus de vaccins”. Ce dimanche 7 mars, comme tous les médecins généralistes libéraux de France, il a reçu dans sa boîte mail un message de la Direction Générale de la Santé (DGS), qui a chamboulé son programme de vaccination. Le message indique que la vaccination contre le covid sera ouverte dès le 15 mars aux pharmaciens, mais qu’en conséquence “pour la semaine du 8 mars, la commande [de doses de vaccins] ne sera ouverte que pour les besoins propres des officines, il ne sera pas possible de prendre des commandes pour les médecins”.
Des rendez-vous de vaccination annulés
Pourtant, “on nous avait promis des approvisionnements à J15” explique Thierry Di Betta. Le généraliste terrifortain s’était donc organisé en conséquence, appelant et prenant rendez-vous avec ses patients volontaires. “J’en ai déjà douze que je vais décommander”, se désole-t-il de ces heures de travail perdues. “On fait tout pour que ce soit fluide, et là on a un coup de fusil dans le dos”
Même colère pour le docteur Stéphane Attal, implanté à Saône dans le Doubs, et délégué régional de la confédération régionale CSMF, “mon sentiment, c’est qu’on se fout de la gueule des médecins” s’irrite le généraliste. “On nous a demandé la semaine dernière d’accélérer la vaccination”, raconte-t-il, “de se mobiliser, de prendre des plages de rendez-vous supplémentaires.” Le médecin a donc consacré de nombreuses heures à contacter sa patientèle pour programmer des rendez-vous. “J’ai organisé ça sur deux secteurs, je suis à 40 patients par semaine”, sur les trois prochaines semaines.
“Et je perds les doses” s’agace-t-il “c’est ubuesque”. Il doit désormais décommander tous ses patients de la semaine du 15 mars, puisqu’il n’aura pas plus de doses. Mais il dénonce aussi le flou qui règne autour des livraisons des autres doses : “je n’ai pas la certitude d’être fournie”. “J’ai appris il y a une heure que pour cette semaine, on ne sera livré que vendredi après-midi”. Un coup de chance pour lui, c’est le vendredi soir et le samedi matin qu’il planifie ses rendez-vous de vaccination. “Je ne serai pas pénalisé, mais tous les confrères ne sont pas comme moi, ceux qui vaccinent en début ou fin de semaine se retrouvent le bec dans l’eau.”
La colère gronde dans les rangs des généralistes
Beaucoup voient dans cette décision d’ouvrir la vaccination aux pharmaciens dès ce 15 mars, une opération de communication. “On vient de déshabiller Pierre pour habiller Paul” se désole Thierry DI Betta. Une sorte de reproche en creux, contre le rythme de vaccination des médecins généralistes pendant les deux premières semaines de la campagne dans les cabinets libéraux : “on vaccinait pas assez c’est pas vrai”, mais “les vaccins qu’on avait on les a administrés”, dit-il, avant d’ajouter “il faut qu’on s’organise, on a pas plus de 24 heures par jour”. Lui confie avoir travaillé “deux heures” samedi dernier pour préparer ses vaccinations de la semaine du 15 “je vais re-prendre une heure pour les appeler, leur dire que c’est foutu”. Pour Stéphane Attal, si tous les médecins généralistes libéraux n’avaient pas pris part à la campagne, c’était en partie parce que la campagne a débuté pendant une période de congés. “Avec la pression et la charge de travail qu’on subit, on en a besoin", détaille-t-il. Comme son confrère, il explique que la prise en charge va monter en puissance. “On ne nous laisse pas le temps de nous organiser".
Une organisation qui lui prend d’autant plus de temps, que les consignes concernant la vaccination changent souvent : “on nous met des contraintes, sur la première semaine : seulement les 50-64 ans, avec co-morbidité. Il faut les identifier et les convoquer. Je l’ai fait, la deuxième semaine, c’est aussi bon pour les 65-75 ans, donc on recontacte ceux qu’on a identifié et parfois déjà refusés. Et là, à la fin de la deuxième semaine, on apprend que c’est bon pour les plus de 75 ans.” décrit-il, agacé.”Nos critères changent tous les deux jours, ça va pas, à un moment il faut dire stop”. “Y’en a marre qu’on s’amuse avec nous”. Thierry Di Betta, confie se sentir “démotivé” par ces changements qu’il faut mettre en place au dernier moment, et cette dernière annulation. Il s’inquiète d’ailleurs “il y a toute une série de médecin qui vont dire ‘on nous prend pour des cons, on arrête”. Pour Stéphane Attal, le constat est le même “il y a beaucoup de confrères qui sont dans la même colère que moi”.