PHOTOS. "Regards de soignants", immersion photographique dans le service réanimation du CHU de Besançon

Chaque soir à 20h, ils sont acclamés tels des héros de la Nation. Face au coronavirus, les soignants tentent de sauver des vies. Séverin Rochet, chirurgien les a suivi au plus fort de la crise. Un témoignage photo bouleversant en forme d'hommage à tous ces anonymes dont on ne voit que le regard. 

Ils s'appellent Clément, Laura ou Isabelle. Ils sont médecins, infirmières et aides-soignantes. Face au virus, face à la maladie, une seule armure, leur blouse. 

Leur masque les protège, tel le heaume de chevaliers des temps modernes. Seul leur regard est apparent. On y lit l'abnégation, la compassion, l'épuisement, mais aussi la joie de n'avoir jamais baissé les bras. Ces yeux-là ne mentent pas.

 


  

La réanimation du CHU Jean Minjoz de Besançon a vu ses effectifs et ses lits plus que doubler depuis l'arrivée du virus en Franche-Comté. Les services de réanimation médicale et chirurgicale ont unis leurs forces et leur compétences pour un même combat : sauver le plus de vies. Le service est passé de 40 à 92 lits, car il est impératif de pouvoir assurer également l'accueil en réanimation des patients non Covid-19. 

Face à cette crise dramatique, 60 médecins, 50 internes 140 infirmiers, 5 kinésithérapeutes, 80 aides-soignants et 10 agents de soins hospitaliers se relaient chaque jour pour faire face à une situation que personne n'aurait imaginé vivre un jour. 

Tous les personnels soignants ont un rôle primordial. En réanimation médicale, un des services acceuillant les patients intubés, le professeur Gilles Capellier coordonne toutes les équipes. Il est à l'origine de ce projet photographique au sein de son service. Il tenait à rendre hommage à son personnel et garder une mémoire photographique de ces instants qui ont marqué à jamais la "réa".
 

La réa est un monde à part, très impressionnant et j'ai plus l'habitude de photographier un renard ou un cerf qu'un confrère


Le professeur Capellier, chef du service, a demandé au docteur Séverin Rochet, photographe amateur, de capter avec son appareil photo ces instants à la fois terribles et magnifiques de cohésion au sein des équipes. Pour garder une trace de ce qui était en train de se passer dans le service. 

Séverin Rochet est chirurgien de l'épaule. Toutes ses opérations sont annulées sauf les urgences. Photographe reconnu en photo animalière, il a accepté de venir contribuer à sa manière avec un appareil photo. "Même si je travaille au quotidien en milieu hospitalier, j'avais beaucoup d'appréhension. La réa est un monde à part, très impressionnant et j'ai plus l'habitude de photographier un renard ou un cerf qu'un confrère..." nous explique Séverin. 

 
 
La réanimation médicale est un endroit à part dans l'hôpital. Un lieu qui impressionne, même lorsque l'on est du corps médical. Le lieu semble déshumanisé. Des silhouettes fantomatiques vêtues de blanc, de vert, circulent de lit en lit. Il y a ces écrans et ces alarmes qui retentissent à chaque instant. Toute une machinerie qui tient le souffle de la vie... Mais malgré la froideur de ce lieu qui pourrait même faire peur, il règne ici une profonde humanité. 
 

Malgré l'urgence de la situation, malgré la fatigue, le stress voir l'épuisement, malgré un patient inconscient plongé dans un coma profond, chaque geste médical marque un profond respect de celui que l'on tente de sauver.

Laura, 30 ans, est l'une des infirmières les plus aguerries du service de réanimation. Elle ne peut s'empêcher de continuer à parler aux malades même s'ils ne répondent pas et prendre leur main, comme pour les rassurer lors des soins quotidiens.
 
 
Mauriane, interne en réanimation, tente de maintenir chaque jour la vie. À 29 ans, elle fait face à la pandémie. Malgré l'intensité de la situation et l'adversité, chacun garde son professionnalisme. C'est une mise en pratique à grande échelle de ce pourquoi ils ont été formés. Ils n'ont jamais lâché...
 


Si elles n'assurent pas de gestes médicaux à proprement parler, le travail des aides-soignantes est primordial. C'est elles qui pratiquent au quotidien les soins de toilettes ou "nursing". 

Elles apportent à chaque patient respect et délicatesse. On pourrait imaginer des situations de débordements face à l'intensité de la pandémie, mais il n'en est rien. Chaque personne reçoit l'attention qui doit lui être apportée. 
 


Durant une semaine, le photographe Séverin Rochet a vécu en immersion dans le service réanimation. Son travail photographique ne pouvait pas rester sans suite. Cet hommage aux soignants devait être montré et exposé. Il est devenu évident pour le professeur Capellier et la direction du CHU que le meilleur lieu serait une exposition au sein du service. Comme un hommage à tous ceux qui chaque jour tente de sauver des vies au péril de la leur. Dans un élan de générosité et de soutien, Jean-Paul Donda et Franck Maréchal, professionnels de l'encadrement à Pouilley-les-Vignes ont tenu à offrir les 78 tirages qui servent à l'exposition. 
 


Des hommes et des femmes, quand les masques tombent

 

Clément a 28 ans et attaque sa dixième année d'étude en médecine. Le jeune interne, en stage au service réanimation du CHU de Besançon, n'avait jamais imaginé vivre cette situation dramatique : " C'est une épreuve pour toute l'équipe, mais je réalise que j'ai été formé pour faire face à cela. Il y a, c'est certain, des moments beaucoup plus durs que d'autres et nous ne seront jamais insensibles à la mort d'un patient. Mais nous sommes toute une équipe qui s'entraide, qui se soutient. Toutes les attentions et les témoignages d'affection qui viennent de l'extérieur nous touchent énormément et nous tenons bon ! Les photos du docteur Rochet que je vois dans cette exposition sont importantes à mes yeux, car elles reflètent bien notre réalité. C'est un bel hommage pour tous les soignants" nous explique Clément
 

Isabelle a fait tomber le masque dans l'exposition mis en place au cœur du service de réanimation. Les traits sont tirés par des semaines de combat face au virus. Mais ce regard reste le même et brille d'émotions à la vue de ces clichés. Tous ces collègues mettent en avant ses grandes qualités humaines, son attachement à respecter le malade par un geste, un regard, une attention. Ce portrait n'est pas le sien, mais celui de toutes les aides-soignantes dont on réalise aujourd'hui, avec les infirmières, la grande valeur et combien elles ont été délaissées...
 



Voir mes collègues abattus l'espace d'une minute puis repartir au combat. Cela m'a touché à jamais


Cette immersion photographique d'une semaine au sein du service de réanimation du CHU de Besançon a profondément marqué Séverin Rochet. "En tant que chirurgien, la "réa méd" comme on l'appelle ici, est un lieu que je ne connaissais pas. Je dirais même que j'avais quelques à priori. En observant et en captant l'instant, j'ai découvert un service extraordinaire où les liens, l'entraide, l'esprit d'équipe sont primordiaux, et même vitaux" nous explique Séverin. 


J'ai redécouvert derrière mon objectif le travail de ceux et celles que je ne voyais plus


En effet, est-il possible de maintenir la vie lorsqu'elle ne tient plus qu'à un fil, sans une cohésion de chacun des personnels soignants ? Cette expérience a même changé sa vision d'entrevoir son propre métier de chirurgien de l'épaule. "Je suis dans le médical, dans la technique chirurgicale au quotidien. J'ai redécouvert derrière mon objectif le travail de ceux et celles que je ne voyais plus. Voir les infirmières parler à un patient dans le coma pour garder inconsciemment le lien, voir les aides-soignantes apporter autant de délicatesse dans les soins, voir un lit vide le matin en arrivant, voir mes collègues abattus l'espace d'une minute puis repartir au combat. Cela m'a touché à jamais. Et dans tout cela, il y a aussi de la joie, cette joie qui permet aussi de dépasser l'insurmontable et qui aide à avancer. Pour moi aussi, il y aura un avant et un après..."

 
À ce jour, l'exposition de Séverin Rochet n'est visible que par le personnel du service de réanimation. Il est encore trop tôt pour savoir ce que sera demain, d'autant plus que dans le combat face au virus, le corps médical est loin d'avoir déposé les armes. La direction de CHU de Besançon réfléchit à peut-être, un jour, rendre publiques ces 78 clichés. Comme un hommage à tout son personnel qui a livré bataille contre le Covid 19, cet ennemi invisible...

 
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité