Des plantes carnivores capables d'attirer et de tuer des frelons asiatiques ? C'est ce qu'a mis au jour le Jardin des plantes de Nantes. Cette découverte intéresse au plus haut point les scientifiques à la recherche d'une arme contre l’insecte qui a colonisé une grande partie de la France.
Comment la plante mangeuse de frelons a-t-elle été découverte ?
En ouvrant au hasard l'une des feuilles au capuchon pourpre de la plante carnivore "Sarracenia", Romaric Perrocheau, directeur du Jardin des plantes, s'exclame : "Là, c'est du frelon asiatique ! Il est vraiment bien gros, légèrement orangé. La plante, on voit qu'elle n'arrive pas à digérer l'aile."Attiré par le nectar et les phéromones situés sur la lèvre de la plante, le frelon à pattes jaunes a plongé dans le long tube de la feuille, puis a "perdu pied et glissé dans le toboggan, et est resté piégé au fond où il a été mangé par des sucs digestifs", explique Romaric Perrocheau.
Ces plantes carnivores sont installées depuis 2010 dans une tourbière d'environ 30 m² du Jardin des plantes. Mais, ce n'est qu'à l'automne dernier qu'un jardinier botaniste, Christian Besson, s'est rendu compte que les frelons asiatiques étaient attirés par les Sarracénies.
Étonné de cette découverte, Romaric Perrocheau décide d'étudier avec un entomologiste du muséum d'histoire naturelle le contenu de 200 urnes. Chacune contient "en moyenne trois frelons asiatiques et trois mouches, mais jamais aucune guêpe, aucune abeille, aucun frelon européen", affirme le directeur du Jardin des plantes.
Que peut-on espérer de cette découverte ?
Les Sarracenia, plantes carnivores, originaires d'Amérique du Nord, n'ont donc "jamais vu de frelons avant". Elles ont "inventé un piège très sélectif", se réjouit-il. Mais "on est loin d'éradiquer les frelons asiatiques", chaque "Sarracenia" contenant "dix à quinze urnes et pouvant attirer jusqu'à 50 insectes. Or, dans un nid de frelons, c'est 4 000 individus", souligne Romaric Perrocheau."La découverte est intéressante, mais on ne sait pas pour l'instant si c'est une découverte majeure ou mineure", tempère aussi Éric Darrouzet, enseignant-chercheur à l'Institut de recherche sur la biologie de l'insecte (IRBI) de l'université de Tours, qui coordonne depuis 2011 des projets de recherche sur le frelon asiatique. Contactés par le Jardin des plantes, le biologiste et son équipe sont "en train d'examiner les molécules libérées dans l'atmosphère par la plante pour voir quelles odeurs attirent le frelon (...). Capturer ces molécules et les identifier au niveau chimique n'est pas un travail simple et peut prendre une semaine ou un an", indique-t-il.
Éric Darrouzet "espère" trouver dans la plante "une super molécule attractive" qui pourra être utilisée comme "appât" pour le prototype inédit de piège 100% sélectif qu'il teste actuellement à Tours et qui devrait être commercialisé dès 2016.
La combinaison des deux pourrait à l'avenir être "un système de lutte très efficace contre le frelon asiatique", se risque Éric Darrouzet, alors qu'aucun moyen d'éradication n'a encore été trouvé contre cet insecte invasif, qui prolifère en France.
Depuis quand le frelon asiatique est-il installé France ?
Le frelon asiatique ("Vespa velutina nigrithorax") est originaire de la région de Shanghaï, en Chine. Il a été observé pour la première fois en 2004 dans le sud de la France, dans le département du Lot-et-Garonne. Depuis, l’insecte (arrivé dans des poteries importées de Chine) a colonisé depuis plus de 70% de l’Hexagone et a essaimé aussi "dans le nord du Portugal, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique". Des spécimens ont été repérés à plusieurs reprises en Bourgogne.Ce prédateur attaque tous les autres insectes, les ruches, mais aussi l'homme. Le frelon est "capable de construire son nid n'importe où, dans des cavités souterraines, des buissons, au sommet d'arbres de plus de 30 m de haut, etc. On ne sait pas encore repérer les nids et les détruire", ce qui explique en partie sa croissance exponentielle.
En attendant l'avancée des recherches scientifiques, la Sarracenia, facile à cultiver et ne présentant "aucun risque de propagation dans la nature", peut être installée "sur des zones de protection, près des ruches", note le directeur du Jardin des plantes.