Face à une sécheresse qui s’aggrave, des mesures de restrictions d’eau ont été instaurées. Pour Claude et Lydia Bourguignon, biologistes des sols, il faut en finir avec une mauvaise gestion des ressources et une agriculture qui appauvrit les sols. Mais, peut-on encore changer la donne ?
Cet été, suite à la canicule, les algues brunes ont proliféré et provoqué une hécatombe au lac du Rousset, en Saône-et-Loire. Six à huit tonnes de poissons, privés d'oxygène, sont morts en quelques heures.
Dans l’Yonne, la rivière le Serein est presque à sec, des pêches de sauvetage pourraient être organisées pour sauver les poissons.
En Franche-Comté, sur 20 kilomètres, le lit du Doubs s’est asséché prenant des allures de chemin de randonnée. La cause : la sécheresse et des failles géologiques apparues après les grandes crues de l'hiver dernier.
En Bourgogne, pour faire face à une sécheresse qui s’amplifie, des mesures de restrictions d’eau renforcées sont instaurées dans trois départements de la région : Côte-d’Or, Saône-et-Loire et Yonne.
"Il est urgent de changer de méthode"
Pour Claude et Lydia Bourguignon, biologistes des sols, la sécheresse qui sévit actuellement est due à une mauvaise gestion de l’eau : notre modèle agricole appauvrit les sols, ils ne peuvent plus retenir l’eau, ce qui entraîne inondations et sécheresses. Pour eux, il est urgent de changer de méthode, car les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents. Ils expliquent pourquoi dans le journal télévisé de France 3 Bourgogne du 27 août 2018.
1- A quoi sont dues ces sécheresses importantes ?
On a connu une forte canicule, mais la sécheresse est surtout due à un problème de gestion de l’eau. L’homme est responsable de ce qui se passe. Depuis quelques années, la tendance est de supprimer les zones humides (les étangs, les mares…) et au bout du compte, il n’y a plus d’eau pour alimenter les rivières.
2- En quoi l’homme est responsable ?
La matière organique du sol est composée d’organismes vivants, de résidus de végétaux et d’animaux et de produits en décomposition. En 50 ans, les sols en ont perdu la moitié alors que c’est elle qui permet de conserver l’humidité : elle stocke 300 % de son poids en eau. Avec sa disparition, l’eau s’écoule très vite vers les rivières, entraînant à la fois des inondations et des sécheresses. Deux phénomènes contradictoires qui ont une même origine.
3- Pourquoi cette contradiction : des inondations suivies de sécheresses ?
Il y a quelques mois les agriculteurs se plaignaient d’un excès d’eau, aujourd'hui il n’y en a pas assez suite à la sécheresse. L’absence de porosité des sols est à l’origine de ces deux problèmes.
La matière organique joue un rôle d’éponge, des trous dans le sol permettent à l’oxygène et à l’eau de rentrer et humidifier les sols. Actuellement, malgré les pluies, ils restent secs en profondeur et les nappes phréatiques ainsi que les cours d’eau ne se remplissent plus.
4- Que faut-il faire ?
Il faut absolument changer la politique et les pratiques agricoles. Le modèle agricole est arrivé au bout. Dans le mur !
Il faut une agriculture qui respecte les sols en revenant aux prairies qui captent l’eau. Il faut remettre les animaux dans les prés. Il faut aussi arrêter les labours qui détruisent la matière organique des sols et passer au semis direct qui consiste à introduire directement la graine, sans passer par le travail du sol.
Les mentalités commencent à changer et des préconisations ont déjà été prises comme "enherber" des zones sensibles et moins labourer.
5- Comment faire ?
Si on fait le nécessaire, on peut encore changer la donne. Même si les sols sont mal travaillés, les agriculteurs ne sont pas les seuls responsables, il faut une prise de conscience générale. Il y a des choses à faire au niveau des multinationales et des politiques. Les chambres d’agriculture devraient encourager les agriculteurs à préserver les sols (abandon du labour, semis direct, prairies…) pour sortir du cercle infernal inondation /sécheresse /irrigation.