Chalon-sur-Saône : que reste-t-il du patrimoine de l'usine Kodak ?

Au début des années 60, l'usine Kodak de produits photographiques s'implante à Chalon-sur-Saône sur la zone industrielle Nord. Sur une superficie de 80 hectares, près de 3000 salariés vont travailler à "la Kodak", comme disaient les Chalonnais. 

Kodak, c'était avant tout un géant américain de la photographie argentique qui s'était implanté en Europe. L'américain George Eastmann est le fondateur en 1881 de la société "Eastman Dry Plate Company ", basée sur la fabrication de plaques photosensibles sur plaques de verre.

La société oriente ses recherches dès 1885 vers un support souple destiné à remplacer les fragiles plaques de verre utilisées jusqu'à présent en photographie, qui débouchent en 1888 sur l'invention de John Carbutt d'un support souple et résistant en nitrate de cellulose que George Eastman commercialise d'abord aux États-Unis.

De la photo au cinéma

Devant l'essor du cinématographe, et de ses ancêtes, les premiers kinétoscopes, la pellicule souple développée par Kodak va comporter des perforations latérales, et devenir le film 35mm à quatre paires de perforations latérales par image. Charles Pathé, industriel et doté d'un grand sens commercial, va se diriger vers l'industrie du cinéma dès 1906, et va fusionner en 1927 avec l'entreprise Kodak, en créant Kodak-Pathé.

En 1960, la photo argentique est omniprésente, pour les professionnels, pour les loisirs, pour la médecine (radiographie), dans les applications industrielles et le groupe Kodak emploie près de 80 000 personnes dans le monde. En France, la première usine Kodak est celle créée par Pathé, à Vincennes en 1902. Elle fermera en 1987.

A la fin des années cinquante, cette usine ne pourra plus assurer son expansion, il est décidé de construire alors un nouveau site industriel plus vaste et disposant des dernières technologies de fabrication. C’est Chalon-sur-Saône qui fut choisi en raison de sa situation à un carrefour de voies de communication facilitant la distribution des produits dans toute l’Europe.

Le fait que Chalon-sur-Saône soit de surcroît la patrie de Nicéphore Niepce, l’inventeur de la photographie, fut un atout supplémentaire.
 

Le numérique sonne le glas

Pourtant détentrice d'un brevet déposé dans les années 1970 pour la photo numérique, la société ne parviendra pas à y voir l'intérêt commercial. La mémoire interne des appareils remplaçant la pellicule argentique, les ventes s'effondrent à la fin des années 1990.

L'usine de Chalon est pourtant un aboutissement de décentralisation avec le laboratoire de recherche (numérique), et il s'y fabriquait des produits chimiques, l'ensemble des produits de la radiologie médicale y était fabriqué et on y effectuait aussi une partie du conditionnement et de la finition des bobines 35 mm et des papiers. L'usine ferme en 2006.

En 2012, la société Kodak quant à elle, dépose le bilan et va vendre de nombreux brevets qu'elle possédait à partir de 2013.
 

Chalon : un site de production et un centre de recherches

Au début des années 60, sur plus de 80 hectares, les bâtiments de production et de développement vont alors pousser comme des champignons. Au plus fort de son activité, le site de Chalon-sur-Saône comptera près de 3000 salariés.

Plasturgie, chimie, et même production de sa propre énergie, l'usine est à son apogée, entièrement autonome et sa gamme de produits très large. En 2005, la fermeture du site de Chalon est annoncée et en 2008, c'est la destruction du bâtiment de couchage des émulsions. 

Jean-Pierre Martel Président de l'association « CECIL » et ancien directeur du site explique : "Au fur et à mesure de la réduction des activités, ça libérait des bâtiments. Nous avons conçu un campus industriel, qui pouvait venir reprendre des activités périphériques à celles de Kodak, et par là même, reprendre du personnel de Kodak."

Selon Kodak, ce plan de sauvegarde de l'emploi aura permis de maintenir 500 postes sur le site désormais appelé Saôneor. Le reste des 2300 salariés ont été reclassés ailleurs ou ont bénéficié d'un départ anticipé à la retraite.
 

Que reste-t-il maintenant ?

Sur 20 000 mètres carrés, l'ancien centre de recherches de Kodak à Chalon-sur-Saône est toujours debout. En 2018, Christophe Henry, chef d'entreprise de "Constance Production" loue un lot de 450 mètres carrés dans le centre de recherches, et fait une drôle de découverte : une salle de projection cinéma, deux projecteurs 35 mm de cinéma et surtout tout un stock de films tournés avec de la pellicule Kodak.

Des films complets et des bobines d'essai sont découverts, et leur existence est liée à l'intense activité "cinéma" de Kodak : des années 70 à 2006, la grande majorité des films étaient tournés sur pellicule Kodak. Le site de Chalon fournit alors l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.

Les plus grands chefs opérateurs sont passés dans la salle de projection, car avant de commander la pellicule, les professionnels venaient ici comparer les émulsions sur ces 2 projecteurs 35mm. Une rareté et un atout pour le chef d'entreprise, qui bénéficie d'une salle de projection cinéma transformée pour diffuser du 35mm, du 16mm et du 4kHD

Une association pour la mémoire de Kodak s'est créée, animée par d'anciens salariés de l'usine et bénévoles. L'association CECIL (CErcle des Conservateurs de l'Image Latente) gère depuis 2008 les archives des activités industrielles et commerciales des établissements de Kodak en France, couvrant la période de 1898 à 2007. Son président est Jean-Pierre Martel, il a été le dernier directeur du site en poste.

Des milliers d'objets et de documents retraçant l'histoire de Kodak sont conservés. À Chalon, c'est près de 50 ans de vie commune. Elle est installée dans l’ancienne bibliothèque KODAK du Centre de Recherches de Chalon-sur-Saône et travaille en étroite collaboration avec différentes institutions et associations passionnées par l’histoire de la photographie,principalement le Musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône et la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé à Paris.

Le reportage de Sylvain Bouillot, Dalila Iberrakene, Samuel Verrier, sur un montage de Valerie Jonnet
Intervenants : 
  • Christophe Henry, gérant société "Constance Production"
  • Jean-Pierre Martel, président de l’association "CECIL" le musée Kodak, ancien directeur de l'usine
  • Michel Lemoine, bénévole, ancien ingénieur à Kodak Chalon
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