Mallé Tounkara a 22 ans. Arrivé seul en France il y a sept ans, il est désormais sommé de quitter le territoire alors qu'un patron est prêt à le prendre en apprentissage dans sa boucherie.
Ils s'appellent Ibrahima Barry, Layé Fodé Traoré, Ousmane Gibba... ou Mallé Tounkara.
Qu'ils habitent Dijon, Besançon, Monceau-les-Mines ou Chalon-sur-Saône, ils incarnent un paradoxe français dans l'accueil des mineurs isolés étrangers.
Ces quatre Africains sont tous arrivés adolescents en France. Ils ont été scolarisés comme tout autre mineur mais, au passage à l'âge adulte, ils sont devenus automatiquement expulsables.
Cela a toujours été mon rêve de venir en France.
Mallé est Malien. Agé de 22 ans, il vit à Chalon-sur-Saône. Titulaire d'un CAP en plomberie, il a reçu sa première obligation de quitter le territoire français (OQTF) en 2019 lorsqu'il a demandé un permis de séjour pour travailler dans la restauration, au motif que le CDI qu'il occupait ne correspondait pas à sa formation.
Finalement, Mallé demande en 2020 un permis de séjour pour entamer un CAP boucherie en apprentissage, avec l'autorisation de la DIRECCTE. Il lui est refusé alors qu'un patron chalonnais est prêt à l'accueillir.
Le 4 février 2021, le tribunal administratif de Dijon confirme la décision. L'expulsion pourrait avoir lieu mercredi prochain.
Pour être certain de pouvoir saluer ses amis, un repas était organisé ce dimanche 28 février 2021 à Chalon-sur-Saône.
Un reportage de Alexandre Baudrand, Anthony Borlot et Philippe Sabatier
Intervenants :
- Mallé Tounkara, réfugié malien
- Isabelle Jouffroy, amie de Mallé
- Alicia, fille d'Isabelle
- Moussa Kamara, professeur de danse
Des amis et des patrons engagés
Depuis quelques mois, en Bourgogne et Franche-Comté, les mobilisations se multiplient pour défendre de jeunes immigrés, qu'ils soient apprentis ou lycéens. Tous ces jeunes, qu'ils soient engagés ou non dans une formation, peuvent se voir refuser leur permis de séjour dès le jour de leurs 18 ans.
Un phénomène nouveau apparaît : les patrons de ces jeunes s'engagent au grand jour dans les mobilisations.
L'exemple le plus frappant est celui du guinéen Layé Fodé Traoré. Son patron, le boulanger bisontin Stéphane Ravacley, a suivi une grève de la fin de 11 jours.
Le boulanger a d'ailleurs ouvert le 11 janvier la page facebook Patrons Solidaires pour les chefs d'entreprises dans la même situation que lui.
Un moyen de donner la force à d'autres de mener le combat vers la régularisation à d'autres jeunes, comme Laye Fodé Traoré.
Les cas recensés sont nombreux : l'apprenti-boulanger dijonnais Ibrahima Barry ou l'apprenti-boucher guinéen Karim Traoré de Fleurey-sur-Ouche ont le soutien de leurs employeurs. Ces derniers reconnaissent leur implication dans le travail et leur intégration dans le tissu social.
L'argumentation auprès de la Préfecture n'est plus seulement humaniste, humanitaire mais aussi économique : ces jeunes adultes s'investissent dans des filières professionnelles en manque de main d'oeuvre. Ils sont doués, travailleurs et ont trouvé leur place.
Cela ne suffit pas toujours à emporter la décision des autorités mais certains, comme Ibrahima, obtiennent au moins de rester le temps nécessaire pour achever sa formation.
Un combat politique
Dans la région, de nombreux dossiers concernent de jeunes Guinéens qui ont fui leur pays il y a quelques années. Quelle que soit la nationalité du jeune, la question de quitter une formation, un travail, une vie du jour au lendemain se pose chaque fois avec la même acuité.
Le député européen Raphaël Glucksmann (Place publique) s'est fait l'écho de plusieurs mobilisations dans la région, en faveur du guinéen Layé Fodé Traoré et celle pour le jeune lycéen kosovar Elvis notamment. Il travaille désormais à une proposition de loi qui permettent aux migrants de mener à terme leurs études, une fois majeurs.