Elan Chalon : "J'aurais aimé partir en serrant la main de mon successeur" avoue Dominique Juillot

Dominique Juillot, l'incontournable président du club de basket de l'Elan Chalon, ne sera plus dirigeant du club à la fin de la saison. Il l'a annoncé ce mardi matin 18 mai.

Alors que le club de l'Elan Chalon se trouve dans une mauvaise fin de saison (17ème place et relégable), le maire de Mercurey, chef d'entreprise et ancien député Dominique Juillot a annoncé son départ. Il quittera ses fonctions de président du club de l'Elan Chalon, à la fin de la saison, après 28 ans de présence à la tête du club.
Il se confie sur ces 3 décennies et ne mâche pas ses mots contre le basket actuel.

Quelles sont les raisons de votre départ ?

C'est un ensemble de choses : depuis quelques mois, une ou deux années, je ne me retrouve plus vraiment, comme dans le basket en général. Dans notre club, plusieurs circonstances ont fait qu'il faut certainement aujourd'hui trouver du sang neuf.

C'est la première année où je ne prends pas les décisions difficiles à prendre, volontairement [...] C'est la loi du genre, quand on est patron, on prend les décisions [...] Quand on ne prend plus les décisions, il vaut mieux se retirer, et laisser faire d'autres qui viendront derrière.

Mais on voit bien les limites de l'exercice aujourd'hui, donc j'en tire les conséquences. Honnêtement, je suis fatigué. Physiquement ça devient compliqué, d'autant plus avec la saison que l'on fait, dans les conditions où l'on joue. Aujourd'hui, on n'est plus crédibles, puisqu'on est dans une mauvaise situation.

En quoi la saison écoulée est-elle particulière ?

Je dis depuis longtemps qu'il fallait une saison sinon blanche, tout au moins jouer pour ne pas disparaître des radars, [...] de façon à ce que ce soit un championnat encore un peu équitable : des clubs vont jouer avec du public 5 matchs, d'autres vont n'en jouer que deux... Des clubs se rencontrent deux fois la même semaine, en match aller/retour... tout cela n'a aucun sens !
On aura tous dépensé beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie, ça laissera des cadavres sur le bord du chemin. La saison aurait dû être une saison de transition et d'attente de jours meilleurs.
Ce discours ne peut pas être audible de ma part, car je pourrais être considéré comme juge et partie, donc j'en tire les conséquences, et essayer de finir la saison le mieux possible et essayer de passer la main. Il y a quelques pistes, on verra. En tous cas pour moi la présidence, c'est fini.
Je suis à un âge où je commence à réfléchir à passer mes responsabilités. J'ai en partie passé l'entreprise à mes enfants, que j'accompagne toujours. Je ferai mon dernier mandat d'élu, dans toutes ses composantes, peut-être même que j'arrêterai avant. Il est normal que je passe aussi la main au niveau du basket. Cela me parait être raisonnable. Simplement, je ne le fais pas dans les meilleures conditions possibles et j'aurais aimé le faire plus sereinement. Mais je vois bien que si je ne provoque pas quelque chose, je ne suis pas sûr que cela se fasse. Il vaut mieux le faire en période de crise. Cela oblige tout le monde à se poser les bonnes questions et à prendre ses responsabilités.

Quel est votre diagnostic sur le club ?

Depuis notre titre en 2017, on n'a pas su s'entourer des bonnes personnes sur le plan sportif, très clairement. Enfin, des personnes qu'il fallait pour continuer ce qui avait été fait il y a quelques années. On n'a peut-être pas pris les bonnes décisions à certains moments, on a beaucoup travaillé sur les à-côtés du club. Le club est parfaitement sain, il est en pleine forme économique. Il est extrêmement bien structuré. Je n'ai pas de soucis. Celui qui vient derrière, il ne va pas trouver de cadavres dans les placards bien au contraire (rires). On a peut-être trop mis l'accent sur le périmètre du club et peut-être pas sur le coeur de métier qui est d'être le plus compétitif possible et de gagner des matches. 
Ce qu'on a fait dans les années 2015-2016 s'est délité au fil du temps, mais ça, c'est aussi les aléas sportifs. Aujourd'hui, je serai toujours un supporter, un passionné de basket, mais plus avec les mains dans le cambouis.

Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Mes meilleurs souvenirs, j'en ai énormément, en 28 ans ! J'ai des très beaux souvenirs de résultats sportifs ! La première montée par exemple, de pro B en pro A (1995-1996). Mais c'est surtout les titres, c'est important parce que c'est la récompense. Ce que je garde de plus cher chez moi, c'est tous ces joueurs qui sont passés, qui aujourd'hui m'envoient des messages, qui sont en équipe de France.
Par exemple, quand je vois l'équipe de France jouer avec 5 Chalonnais champions de France Espoirs et Cadets, sur le terrain : ils m'envoient un message en vous remerciant, je peux vous dire, ça rembourse de toutes les peines pendant des années. C'est ça la magie du sport ! C'est aussi la rencontre avec tous les acteurs de ce sport, et il y a aussi le public. Ma grande fierté, c'était d'arriver dans la salle et dire 'ça y est la salle est pleine, les gens sont heureux.' 

 

La passion s'érode, il y a de moins en moins de place dans le milieu sportif

Dominique Juillot

Et de moins boins souvenirs ?

Il s'est passé quelque chose avec le fait d'avoir rendu mon mandat à la Ligue (D.Juillot a été vice-président de la LNB, ndlr). Je l'ai rendu très clairement car je n'étais plus en phase. Il y a quelque chose qui s'est cassé à ce moment-là, j'ai pensé qu'on faisait fausse route. Je le pense toujours aujourd'hui.
Je ne sais pas s'il y aura de la place demain pour des agglomérations comme les nôtres, on nous dira, peut-être qu'il faut se rapprocher... Je vois bien la tentation, par les gens dont c'est le métier, ils ne sont pas comme moi, eux ils en tirent leurs revenus, donc ils n'ont pas du tout la même approche !

Dans un futur proche, on sera dans une consanguinité totale, et l'objectif ne sera plus le même. L'objectif ne sera plus de faire rêver un territoire, d'assouvir une passion. Ce sera finalement de profiter de quelque chose. On voit bien que cette passion elle s'érode, il y a de moins en moins de place dans le milieu sportif.
Le club était très professionnel, il était en avance sur beaucoup d'autres je crois. Cela n'empêche pas d'avoir cette passion légère.
 

Quel avenir pour le club maintenant ?

Je vais participer à la mise en place de quelque chose, peut-être qu'il faudra une gouvernance un peu plus large. Je ne sais pas encore, j'ai voulu provoquer les choses.
Je veux faire prendre conscience aux gens que tout est fragile. Finalement, un club, il rassure, il n'y a jamais eu de sujet, jamais eu de problèmes, on n'a jamais défrayé la chronique, ni judiciaire ni financière. Tout roule, les gens viennent, tout cela est normal. 
On n'est pas dans une entreprise, on est dans quelque chose de beaucoup plus profond, d'intérêt. Un club comme le nôtre, c'est un club d'intérêt général, pas d'intérêt particulier.
J'ai toujours tenu à ce que l'on soit sous forme de SEM (Société d'Economie Mixte), parce que je pense que les collectivités se mettent dedans, ça ne me gêne en rien. Ce n'est pas un enjeu capitalistique pour moi.

Ca serait tellement plus facile de partir serein sur le plan sportif, avec des gens qui sourient, bien sûr ! Je voulais partir déjà en 2018, des choses en interne me disaient de ne pas le faire. Mais aujourd'hui, on peut considérer que c'est la pire des périodes. On pourrait presque même m'accuser de quitter le navire ! (rires) 
Ceux qui me connaissent, ils savent bien que ce n'est pas comme ça que ça se passe ! J'irai au bout de la saison. La décision est prise. Au bout d'un moment, c'est épuisant, c'est nerveusement épuisant.

Vos autres carrières vous ont-elle pesé ?

Celle-là elle est plus épuisante que les autres, il y a tellement d'affectif. Les mandats politiques c'est autre chose, mais c'est pas ses tripes; même si quand je parle de Mercurey, je parle de mes tripes (rires) !
Passer la main ? J'aurais aimé la passer, comme à d'autres endroits, en serrant la main de celui à qui je la passe. Ce n'est pas le cas, les conditions ne sont pas réunies, on va le faire pour qu'elles soient réunies, pour que d'autres s'en occupent !

En 28 ans de présidence, Dominique Juillot a permis au club de monter en première division et de remporter notamment deux titres de Champion de France, en 2012 (dans un triplé avec la Semaine des As et la Coupe de France) et en 2017.

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