Amazon rouvre ce mardi 19 mai ses entrepôts, dont celui de Sevrey en Saône-et-Loire. Ils étaient fermés après une polémique sur l'exposition des salariés au coronavirus. Mais ce n'est pas la première depuis son installation.
L'entreprise, installée depuis 2012 en Saône-et-Loire s'est vue souvent rattrapée par l'actualité sociale, ou fiscale.
En 2012, c’est le « redressement productif »
Le Ministre du Redressement Productif, Arnaud Montebourg est présent lors de la conférence de presse du 25 juin 2012, lorsque Frédéric Duval, directeur des opérations d’Amazon France, annonce officiellement l’installation du groupe sur le site de Sevrey, à côté de Chalon sur Saône.Un objectif de 500 emplois en CDI est annoncé à l’horizon 2015.
Pour Arnaud Montebourg, le but est aussi « d’effacer la brûlure » laissée par le départ de Kodak à Chalon-sur-Saône et de ses 3000 salariés en 2005.
En 2012, le site de Sevrey est le 3ème créé en France, après Saran en 2007 (près d’Orléans, dans le Loiret) et Montélimar en 2010.
Cap sur le Grand Chalon
En 2012, Christophe Sirugue, alors maire (PS) de Chalon-sur-Saône fait tout pour obtenir l’implantation sur Sevrey d’Amazon, avec l’appui du Président du Conseil Départemental Arnaud Montebourg (PS) et du président de la Région Bourgogne François Patriat (PS).En effet, le groupe américain Amazon a le choix et peut aussi s’installer sur la commune de Beaune, en Côte-d'Or.
Aujourd'hui, Christophe Sirugue déclare qu'il "avait eu ce débat avec sa majorité et au Grand Chalon."
Selon lui, «la dernière implantation industrielle importante en France, ça remonte à Toyota à Valenciennes en 2001 [...] Donc l’implantation de 500 salariés, c’est important pour un territoire. »
2014 : premiers mouvements sociaux à Sevrey
Au printemps 2014, le site de Sevrey va connaître un premier mouvement social « dur » : un piquet de grève car les négociations annuelles obligatoires de salaires n’avaient pas abouti.
Les salariés ont reconduit le mouvement en décembre 2014, les revendications étant une « prime d'équipe mensuelle de 100 euros bruts » ou encore « une négociation sur la durée de la pause, pour le respect de la santé des salariés ».
Amazon, entre emplois pérennes et emplois précaires
Dès le début de son activité, Amazon laisse entrevoir le fonctionnement de sa masse salariale : pour préparer les commandes des fêtes de fin d’année 2012, Amazon recrute alors des centaines d’intérimaires dès octobre-novembre.Un volume important de main-d'oeuvre intérim, qui sera dénoncé par un syndicaliste "Je n'avais jamais vu une entreprise avec un ratio de 70% de précaires", relève François Bucaille, secrétaire de l'union locale FO de Chalon-sur-Saône.
De son côté, la direction se veut rassurante :
"L'objectif est de convertir le maximum d'intérim en CDI", assure alors Christophe Noe, le directeur du site, qui expliquait ce recours massif à l'intérim par une activité "très saisonnière".
En période haute, jusqu'à 4.000 personnes travaillent pour Amazon en France en 2012.
8 ans plus tard, le constat sur les effectifs est en demi-teinte.
Antoine Delorme, élu CSE et délégué syndical CGT sur le site de Sevrey, déclare, au sujet des effectifs du site :
« La grosse grève de 2014 avait duré longtemps. Contrairement à ce qu’ils avaient annoncé en 2012, on a mis longtemps à être à plus de 500 CDI . On est 574 actuellement. »
L'impact d'Amazon sur l'emploi, un débat rucurrent. En novembre 2019, le Secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi avait critiqué l'emprise d'Amazon sur le commerce.
"Pour un emploi créé chez Amazon", le commerce de proximité perd 2,2 emplois, selon une étude de Mounir Mahjoubihttps://t.co/RTRzZnEEtj pic.twitter.com/B16mUMlEw8
— franceinfo (@franceinfo) November 22, 2019
Antoine Delorme évoque aussi le taux de renouvellement des salariés sur le site de Sevrey.
"Il y a plusieurs vagues de départ par an, une vingtaine ou une trentaine environ, il y a un très important turnover parmi les salariés. » "On doit être même pas une centaine d'employés de la première heure. »
Selon les syndicats, pas de reconnaissance de certains statuts. Antoine Delorme est péremptoire « Chez Amazon, le droit du travail n’existe pas : par exemple, le statut de préparateur-cariste n’existe pas ».
En janvier 2019, la secrétaire d'Etat à la Transition Ecologique Brune Poirson part en croisade contre le gaspillage. Elle s'en prend à Amazon avec une loi pour interdire de "jeter des produits qui sont encore consommables". L'entrepôt de Chalon est montré du doigt, près de 300 000 produits presque neufs auraient été détruits en 9 mois dans l'entrepôt de Chalon, selon "Capital".
Amazon mis en cause pour ses pratiques fiscales
Amazon est aussi connu à travers l'arbitrage de la Commission Européenne. En effet, la Commission européenne a rendu public, vendredi 16 janvier 2015, l’intégralité de sa décision justifiant l’ouverture d’une enquête pour aide d’Etat concernant le groupe américain Amazon et ses pratiques fiscales au Luxembourg.
Bruxelles estime que les autorités luxembourgeoises « octroient un avantage à Amazon » à travers certaines pratiques fiscales, et que cela « constitue une aide d’Etat » illégale.
La publication du détail des accusations de la Commission à l’encontre d’Amazon, et du Luxembourg, intervient après les révélations « LuxLeaks », début novembre 2014. Un travail journalistique de grande ampleur, qui a mis à jour, au Luxembourg, un système d’évasion fiscale de grande envergure au profit des multinationales.
2020, la crise du Coronavirus
Sous l'impulsion de salariés réclamant plus de protection pour travailler lors de la crise sanitaire du Coronavirus, une décision de justice avait condamné le 14 avril Amazon en référé à ne plus livrer que les biens de première nécessité sous peine d'astreinte d'un million d'euros. Il ferme ses six plateformes logistiques dès le jeudi 16 avril. Des fermetures qui ont été prolongées jusqu'au 25 avril.8 ans plus tard, Christophe Sirugue, l'ancien maire de Chalon-sur-Saône porte un regard moins enthousiaste sur Amazon.
De sept. 2016 à mai 2017, après son passage d'ancien secrétaire d'Etat à l'Industrie lui permet de commenter l'attitude d'Amazon.
"c’est déjà compliqué d'installer ces entreprises américaines. vous avez une partie de la population qui n'en n'a pas une une bonne image. Je crois que faire ce qu’elles ont fait récemment, c’est-à-dire une forme de chantage, c’est une erreur par rapport à leur positionnement et par rapport à leurs intérêts. Leurs intérêts sont préservés lorsqu’ils expédient à l’autre bout de l’Europe, mais leur image est altérée par ce type de comportement.
Il faut qu’Amazon fasse comme les autres entreprises installées dans un pays, qu’elles sachent tenir compte de ce qu’est la culture sociale, économique, du pays dans lequel elles se trouvent. »
Christophe Sirugue conclut :
« L’image d’Américains qui ne payent pas les impôts, qui trouvent toutes les astuces etc… c’est une image que j’ai vécue lorsque j’étais à Bercy en qualité de Secrétaire d’Etat à l’Industrie. Je leur ai dit plusieurs fois. Ils ont une culture de rentabilité. C’est vraiment dommage. Ils ne veulent pas faire d’efforts pour intégrer les règles sociales et fiscales de notre pays. »
Pour le redémarrage de l'activité, Amazon a prévu de faire fonctionner ses centres dès mardi 19 mai, sur la base du volontariat.
Selon Antoine Delorme, délégué syndical CGT et élu au CSE du site de Sevrey "33% des effectifs vont reprendre le travail."