"Une épopée meurtrière" : 6 mois ferme contre le conducteur qui a traîné un gendarme dans sa fuite à Autun

Ce jeune automobiliste fêtera ses 23 ans, dans deux jours, en prison. Il vient d'être condamné pour ce délit de fuite, samedi 24 septembre, à 6 mois ferme et 18 mois avec sursis. Une cavale que la procureure a qualifié "d'épopée meurtrière".

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

A la barre, il n'a montré aucune réaction à l'annonce de sa peine - à l'image du reste de l'audience. Nicolas G., 22 ans, est reparti en prison à l'issue du délibéré, ce lundi 26 septembre, au tribunal de Chalon-sur-Saône. Ironie du calendrier, il aura 23 ans dans deux jours seulement, le 28 septembre. Il les fêtera donc en prison. L'audience a été marquée par les témoignages des gendarmes, très choqués.

"Je ne m'attendais qu'à une seule chose : mourir"

Nicolas G. était poursuivi pour un fait divers qui a fait la Une ce week-end : lors d'un contrôle routier à Autun, le mis en cause, alcoolisé, prend fuite face aux gendarmes. Sauf que l'un des officiers, qui tente de retirer la clé du contact de la voiture, se fait traîner sur une vingtaine de mètres au moment où Nicolas G. démarre en trombe. Le deuxième gendarme présent tire trois balles sur la voiture, sans toucher le conducteur. Sa cavale se terminera une dizaine de minutes plus tard, à Auxy. En ratant un virage, il fauche deux poteaux électriques et les gendarmes retrouvent rapidement sa trace.

► À LIRE AUSSI : Un contrôle routier tourne mal à Autun : un gendarme fait usage de son arme trois fois, un autre agent blessé

Ce lundi après-midi, les deux gendarmes, Yannis J. et Marc P., ont livré leur témoignage à la barre. En patrouille samedi, ils sont hélés par un chauffeur de taxi : Nicolas G. vient d'emboutir le taxi à un rond-point et ne semble pas dans un état normal. 

Les gendarmes demandent à Nicolas G., plusieurs fois, de couper le contact de sa voiture resté allumée et de présenter ses papiers. L'automobiliste reste mutique. Il s'installe à la place du conducteur, prétextant que la portière côté passager ne s'ouvre pas.

"Et là, j'ai senti un malaise. J'ai senti qu'il allait y avoir un problème"

relate Marc P., l'un des deux gendarmes.

"A ce moment-là, Yannis se penche pour saisir la clé de contact. J'entends le frein à main s'enlever, et j'entends Yannis dire "Oh putain". Et je comprends que Yannis est bloqué alors que la voiture démarre en trombe."

A la barre, le récit de Yannis J. est glaçant. "Lorsque je me penche à l'intérieur de l'habitacle, je sais que je me mets en danger. Mais à côté, il y a la foire d'Autun, beaucoup de piétons, et je pense aux conséquences possibles si l'individu prend sa voiture dans cet état." L'officier du PSIG, en exercice depuis huit ans, saisit donc la clé de contact après avoir compris que le chauffard avait l'intention de fuir. "Je saisis la clé. Il me tape la main pour me l'ôter. Là, je veux m'extraire du véhicule, mais je sens quelque chose qui me retient. Et la voiture démarre." Yannis J. a alors le buste à l'intérieur de la voiture, penché sur le conducteur, et les jambes à l'extérieur. "C'est la première situation où je me dis que je vais pas rentrer chez moi ce soir", livre le gendarme.

"Je commence à "pédaler" avec mes jambes, mais avec la vitesse de la voiture, je me fais traîner. A ce moment-là, je ne m'attends qu'à une seule chose : mourir. La seule chose qui m'a sauvé la vie, c'est que je me suis marié il y a une semaine. J'ai pensé à ma femme. Mais sur le moment, je ne me dis rien d'autre que : je vais mourir. Quand je finis par tomber au sol, la roue de la voiture passe juste à côté de ma tête." 

Yannis J.

Dans le même temps, Marc P. se résout à sortir son arme à feu. "J'ai fait feu à trois reprises pour sauver mon collègue", explique-t-il. En cinq ans d'exercice, il n'avait jamais utilisé son arme de service. "J'ai tiré pour le sauver. Pour moi, mon camarade était en danger imminent de mort."

Les trois balles atteignent la voiture : l'une fait éclater le pare-brise arrière, l'autre se loge dans l'appuie-tête côté passager, la troisième termine à l'avant de la Golf. "Racontez-nous comment se passe la procédure lorsqu'un gendarme utilise son arme", demande la procureure. "J'ai été auditionné de 13h45 à 21h. Ce n'est pas un geste anodin", affirme Marc P. "Forcément, quand on fait usage de son arme, on est susceptible de causer la mort de quelqu'un. Les auditions, c'est assez dur."

"Mais ce qui me hante, c'est d'avoir vu mon camarade, sa détresse. Il essayait de pédaler avec ses jambes pour se dégager de l'habitacle. A ce moment, je comprends qu'il a de grandes chances de décéder."

Marc P.

Les deux gendarmes, qui avaient initialement reçu deux et trois jours d'ITT, ont été réexaminés par un médecin légiste qui a réévalué leur arrêt de travail à un mois, compte tenu de l'impact psychologique de l'événement.

    "Au début, l'alcool était un plaisir. Après, c'est devenu une solution"

    D'un autre côté, l'audition du prévenu est poussive. Nicolas G. n'est pas aidé par le mauvais fonctionnement du micro du box des prévenus, qui marche mal : il s'exprime d'une voix faible et l'on entend à peine ses réponses. Le président lui demande à plusieurs reprises de hausser le ton et de répéter.

    "Mais vous avez conscience de la gravité de vos actes ?", demande le jury. Nicolas G. marmonne, on lui demande une nouvelle fois de répéter sa réponse. "Au début, j'ai eu du mal à réaliser, c'est vrai. Ensuite, j'ai réalisé. Ce que j'ai fait, ça ne servait à rien. Si je m'étais arrêté au premier contrôle, ça serait fini." 

    Le prévenu a déjà été condamné pour alcool au volant, en juillet 2018. A l'époque, il avait dû effectuer un stage de prévention.

    "Le stage, vous en avez retenu quoi ?" demande le président. "Que c'est pas bien [de boire au volant], mais que j'ai quand même recommencé." "Pourquoi ça n'a pas suffi ?" "Je ne sais pas. J'arrive pas à trouver les mots."

    Lors de l'examen de la situation personnelle de Nicolas G., le tribunal esquisse le portrait d'un jeune homme qui boit trop, trop régulièrement.

    -"Vous êtes en concubinage avec votre compagne qui vous héberge. Comment ça se passe avec elle ?"
    -"Il y a des hauts et des bas."
    -"Liés à quoi ? A l'alcool ?"
    -"C'est déjà arrivé. "
    -"Des violences ?"
    -"Je l'ai déjà bousculée, oui. Je suis convoqué pour ça en mai 2023." 
    -"Ce qu'elle dit, c'est que vous l'avez poussée parce que vous étiez ivre. Elle dit que vous pouvez boire jusqu'à 15 canettes de bière par jour le week-end. Pourquoi l'alcool est devenu un problème ?"
    -"J'ai perdu beaucoup d'amis proches, dont un récemment dans un accident de voiture. Quand j'étais plus jeune, l'alcool, c'était un plaisir. Après, c'est devenu une solution."

    "On peut se demander comment on en est là, aujourd'hui, sans cadavre et sans cercueil"

    Les maigres explications de Nicolas G. ne convainquent pas la procureure. "Monsieur G. a suivi une vraie "épopée meurtrière". On aurait pu avoir un gendarme mort. Nicolas G. aurait pu être meurtrier pour les autres usagers de la route."

    "Et si le poteau électrique dans lequel il s'est encastré avait été un piéton ? Et s'il y avait du monde sur les ronds-points que monsieur G. a traversés en sens inverse ? Heureusement aussi que votre compagne, Monsieur, n'était pas dans la voiture avec vous, puisqu'un impact de balle a été retrouvé dans l'appuie-tête passager."

    La procureure

    "Et on peut se demander comment on en est là, aujourd'hui, sans cadavre et sans cercueil. Je me demande si monsieur G. s'en rend vraiment compte", assène la procureure. Elle répète : la vitesse excessive, la présence de piétons à proximité pendant la foire d'Autun qui se tenait ce samedi, l'état de la Golf, "détruite" d'après un témoin à Auxy, qui qualifie de "miracle" que Nicolas G. n'ait pas été blessé dans l'accident. "Même ici, dans ce tribunal, j'ai l'impression que monsieur G. n'est pas là, et qu'il ne comprend pas réellement la gravité des faits. J'ai l'impression que peu de choses peuvent le mettre en émotion", regrette la procureure, qui demande une peine de prison ferme. 

    De nombreux chefs d'accusation

    Jugé en comparution immédiate, le prévenu a finalement écopé, ce lundi soir, de deux ans de prison dont six mois avec mandat de dépôt (ce qui signifie qu'il les effectuera en prison) et 18 mois de sursis probatoire pendant deux ans : cela veut dire qu'il devra respecter toutes ses obligations pendant deux ans, sans quoi il pourra retourner en prison pendant 18 mois. 

    Nicolas G. est condamné pour plusieurs motifs : violences aggravées par trois circonstances (alcoolémie, usage d'une arme par destination - sa voiture - et violences commises contre un gendarme dans l'exercice de ses fonctions), vitesse excessive, refus d'obtempérer. Par ailleurs, sa voiture n'était pas assurée, la carte grise pas au nom du conducteur, et le contrôle technique n'était pas à jour, mais le prévenu n'a pas été poursuivi pour ces faits. 

    Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
    Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
    choisir une région
    France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
    Je veux en savoir plus sur
    le sujet
    choisir un sujet
    en region
    choisir une région
    sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
    Toute l'information