Le procès de Valérie Bacot fait partie des grandes affaires judiciaires emblématiques des violences faites aux femmes. Dans le documentaire "Valérie Bacot, le dernier procès" les réalisateurs suivent jour par jour le procès très médiatisé de cette femme pour qui, pour la première fois en France, le syndrome de la femme battue sera reconnu.
En juin 2021, à la cour d’Assises de Chalon-sur-Saône en Saône-et-Loire, se tient le procès de Valérie Bacot. Un procès très suivi par les médias locaux et internationaux.
Les réalisateurs Lizzie Lambert et Pascal Albertini ont suivi ces cinq jours de procès au plus près de l’accusée, mais également de ses deux avocates maître Janine Bonaggiunta et maître Nathalie Tomasini.
L’affaire Valérie Bacot, le rappel des faits
L’enfer de Valérie Bacot débute très tôt dans sa jeunesse aux côtés d’une mère décrite comme autoritaire et violente. Son père est absent et totalement indifférent à ses enfants.
La fragilité originelle c’est les carences affectives qu’elle a connu dès l’enfance.
Clémence de Blasi, biographe de Valérie Bacot
Sa mère se met en couple avec Daniel Polette alors que Valérie a 12 ans. Il faudra peu de temps à celui-ci pour soumettre la fillette à son autorité, une autorité physique, mais également sexuelle.
Sur un signalement des sœurs de Daniel Polette quant à son attitude vis-à-vis de Valérie, celui-ci est condamné à 4 ans de prison pour agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans. Pendant ses deux ans de détention, Valérie accompagne sa mère au parloir.
La mère est complice de cet inceste !
Janine Bonaggiunta, avocate de Valérie Bacot
De retour au domicile familial, il récidive et Valérie tombe enceinte à l’âge de 17 ans. Lorsqu’elle l’apprend, sa mère la met dehors. Elle prévient le juge des enfants (Valérie étant encore mineure), et oblige sa fille à rédiger une lettre demandant son émancipation.
La jeune fille se retrouve à la rue, sans argent, sans diplôme, et part s’installer avec Daniel Polette dans un village voisin. Ils se marient quelques années plus tard.
Sous les apparences d’une gentille petite famille sans histoire, la famille Polette vit sous la domination tyrannique de Daniel. Valérie est coupée de toute vie sociale.
C’est un prédateur, il en fait son esclave domestique, elle est sous emprise. Il va lui faire 4 enfants, elle n’a même pas le choix des prénoms.
Sandrine Dubouis, présidente du comité de soutien
Entre les humiliations, les violences verbales, les coups… Valérie doit également se prostituer sous le regard de son mari. Ce cauchemar dure de nombreuses années jusqu’au jour où sa fille Karline lui avoue que Daniel s’intéresse d’un peu trop près à elle. Pour Valérie, c’est un choc et le déclic !
"Daniel Polette aurait pu encore lui faire subir encore beaucoup de choses, elle l’aurait encaissé mais que l’on touche à ses enfants, c’était totalement impossible pour elle !" indique Clémence de Blasi, biographe de Valérie Bacot
Dans l’angoisse que son mari ne viole et prostitue sa fille, elle décide, avec la complicité de Lucas Granet (petit ami de Karline à l’époque) de l’empoisonner. Cette tentative n’aboutit pas. Le 13 mars 2016, elle se rend à un rendez-vous de prostitution avec Daniel Polette. La passe avec un habitué brutal se passe mal, Daniel est furieux et s’installe à l’avant du véhicule. À bout, Valérie le tue avec le révolver qu’il cachait dans la voiture.
Après ce meurtre, elle prévient Lucas Granet et ses deux aînés et tous décident d’enterrer Daniel dans un bois proche de La Clayette.
Pendant plus d’un an, personne ne s’inquiète de la disparition de ce monstre.
C’était un monstre, quelqu’un d’inhumain, un détraqué. Quelqu’un que je ne souhaite jamais d’avoir dans sa famille…
Alain Polette, frère de Daniel
L’affaire judiciaire commence en mai 2017 lorsqu’une femme se présente à la gendarmerie de Digoin pour dénoncer le meurtre de Daniel Polette. Interrogée par les gendarmes sur cette disparition troublante, Valérie Bacot passe rapidement aux aveux et indique le lieu où est enterré son mari.
Le procès qui met en lumière le syndrome de la femme battue
Le procès de Valérie Bacot débute le 21 juin 2021 devant la Cour d’assises de Chalon-sur-Saône. Elle est entourée de deux avocates spécialisées dans la défense des femmes battues : Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini qui se sont fait connaître dans l’affaire Jacqueline Sauvage.
Au fil des témoignages, l’empathie suscitée par Valérie ne cesse de grandir. Son calvaire paraît surréaliste, les violences endurées inimaginables. Valérie n’est plus regardée comme une meurtrière, ni même comme une simple victime, mais comme la proie d’un homme dangereux depuis sa plus tendre enfance.
On sent qu’il y a chez elle une peur, une terreur qui est toujours là. La peur de son mari alors qu’il est décédé, explique Denis Prieur, expert psychiatre. Et d’ajouter : Il a y eu une relation de couple pathologique qui s’est mise en place, avec une emprise terrible de cet homme qui peu à peu s’est avéré, dominateur, violent, méprisant et qui a laminé toutes les facultés d’adaptation, de réflexion, de logique de cette femme qui peu à peu s’est enfermée dans une espèce de bulle mentale où seule la parole de son mari faisait office de loi.
Son expertise, appuyée par celui de la psychologue, reconnaît le syndrome de la femme battue, un état d’emprise lié à la répétition de violences physiques et psychologiques exercées de façon continue et pendant une longue période.
Lorsqu’on est battue des années durant, depuis l’âge de 12 ans, on ne peut pas raisonner comme vous et moi. Elle a été obligée de faire un geste qui ne lui ressemble pas pour se sauver, un geste de survie...
Janine Bonaggiunta, avocate de Valérie Bacot
C’est la première fois en France que ce syndrome est inscrit par un psychiatre dans un rapport d’expertise judiciaire.
Le syndrome de la femme battue (SFB) est reconnu depuis 1990 au Canada dans le cas d'un homicide conjugal survenu dans des conditions très proches de celles de l'affaire Valérie Bacot.
Malgré la demande d’acquittement de ses avocates et les réquisitions clémentes de l’avocat général, Valérie Bacot est condamnée à quatre ans d’emprisonnement, dont trois sous le régime du sursis probatoire. Ne reste qu’une seule année d’emprisonnement ferme qu’elle a déjà purgé par sa détention provisoire.
Ce verdict conforte la démarche de la sénatrice Valérie Boyer pour qui la notion d’immunité pénale pour les femmes meurtrières de leurs conjoints violents doit être reconnue. La sénatrice a déposé un amendement en ce sens en mai 2021. Voté par l'Assemblée nationale en première lecture, celui-ci doit faire l’objet de nouveaux débats.
Le vendredi 25 juin 2021, affaiblie et abasourdie, Valérie sort libre du tribunal, elle qui s’attendait à une peine de prison à perpétuité.
"Valérie Bacot, le dernier procès", un film de Lizzie Lambert et Pascal Albertini
Production : 504 Productions & Supersonic Films avec la participation de France Télévisions
Diffusion jeudi 30 novembre à 22:50 et déjà disponible sur la plateforme france.tv