Ferme de l'horreur en Saône-et-Loire : "la détresse du monde paysan, ça peut en pousser certains à bout"

Cinq jours après la découverte de 200 vaches mortes de faim, abandonnées dans une exploitation agricole d'Étang-sur-Arroux, c'est la sidération dans ce village où personne ne soupçonnait ce qu'il s'est passé.

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"Il n'y avait aucun signe avant-coureur", se désole Sébastien Boudot. "La détresse du monde paysan, ça peut en pousser certains à bout." Cet éleveur d'Étang-sur-Arroux, en Saône-et-Loire, a découvert il y a cinq jours, comme tous ses voisins, l'ampleur du drame qui s'est noué chez un autre éleveur, à quelques centaines de mètres de là.

Des vaches "sans doutes mortes depuis des mois"

Mercredi, les services vétérinaires et la gendarmerie, alertés par un courrier anonyme, se sont rendus dans cet élevage de bovins en bordure du village. À l'intérieur, une scène d'horreur : plus de 200 cadavres de bovins, morts de faim depuis des mois, et une cinquantaine de cochons qui se nourrissaient sur les carcasses pour survivre. "C'était indescriptible", se souvient Guillaume Grillon, adjoint au maire. Ce matin-là, il a poussé les portes des stabulations et a découvert le charnier en même temps que les autorités. "Les vaches avaient de l'eau, mais plus de nourriture, donc elles ont fini par mourir. Les cochons qui ont réussi à s'échapper des autres stabulations ont attaqué les cadavres au bout d'un moment."

"Il y a déjà l'odeur de la mort, une odeur particulière. Et le fait qu'il y ait autant de bêtes, de grosses bêtes. C'est une odeur qui imprègne les vêtements, le nez, la bouche. Il faut plusieurs jours pour s'en remettre."

Guillaume Grillon, adjoint au maire

L'adjoint au maire, prévenu par le courrier anonyme, pensait tomber sur "deux ou trois bêtes mortes dans un coin, comme ça peut arriver parfois". Mais pas sur un tel spectacle d'horreur : "On ne s'attendait pas à ce que le cheptel ait été livré à lui-même aussi longtemps. L'éleveur avait fermé ses portes. Les bêtes étaient sans doute mortes depuis plusieurs mois."

La pression subie par les éleveurs est-elle responsable de ce drame ?

Pendant que son adjoint effectuait les constatations dans les stabulations, le maire, Dominique Commeau (sans étiquette), était aux côtés de l'éleveur, un homme d'une cinquantaine d'années. "Il tremblait, il pleurait. On voyait vraiment qu'il était au bout du rouleau.

"Il m'a dit : "Je suis minable, j'ai laissé crever mes bêtes. Si j'avais su, j'aurais peut-être mis fin à mes jours la semaine dernière..." On ne voulait pas qu'il reste seul, donc on a fait le nécessaire pour qu'il soit hospitalisé."

Dominique Commeau, maire d'Étang-sur-Arroux

Que s'est-il passé dans le quotidien de cet éleveur pour le faire basculer ainsi ? Aucune réponse claire pour l'heure, mais parmi tous ceux que France 3 Bourgogne a interrogés, une réponse s'esquisse. "C'est le mal-être des éleveurs", soupire Joël Boudot, qui travaille avec son fils Sébastien. "On est pointé du doigt parce qu'on envoie nos animaux à l'abattoir, on dit qu'on ne prend pas soin d'eux... À force d'être pris pour cibles, certains n'y arrivent plus. Et la rémunération n'est pas du tout reconnue. On travaille 60 heures par semaine pour gagner une misère."

"Vu la pression qu'ont les éleveurs, il ne faut pas s'étonner de ce genre de choses. Aujourd'hui, en période de législatives, les candidats disent que l'agriculture est le poumon essentiel de la ruralité. Pour moi, le poumon a le cancer."

Joël Boudot, éleveur

Joël Boudot connaît assez bien l'éleveur en question : cela fait près de 30 ans qu'ils sont voisins. "Extérieurement, son exploitation fonctionnait normalement." Il évoque un paysan dévoué à ses bêtes : "Régulièrement, quand il changeait ses vaches de pré, il était tout seul avec un seau de granulés et ses vaches le suivaient comme un troupeau de moutons. Ce n'était pas du tout un gars qui maltraitait ses animaux."

L'incompréhension est totale, mais les Boudot père et fils ne ressentent pas de colère contre leur voisin. "C'est du dégoût, de la peine pour les animaux, pour lui aussi et pour sa famille", s'attriste Sébastien, le fils. "Sur les réseaux sociaux, il y a des commentaires assez haineux envers la profession, envers les habitants... Certains disent qu'on aurait dû intervenir plus tôt. Mais qu'est-ce qu'on aurait pu faire, alors qu'on ne savait rien ?"

Une enquête est ouverte pour "abandon d'animaux domestiques". L'éleveur mis en cause est toujours hospitalisé.

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