C'est l'une des conséquences de la crise sanitaire : les casinos de Bourbon-Lancy et de Pougues-les-Eaux sont fermés depuis quasiment un an et les communes, qui prélèvent des taxes sur ces établissements, sont donc privées de recettes importantes. Les maires ont du revoir leur budget à la baisse.
A Pougues-les-Eaux, dans la Nièvre, le casino est fermé depuis la fin du mois d'otobre. Ici, la municipalité s'inquiète pour les finances de la commune. "La ville de Pougues-les-Eaux prélève normalement entre 180 000 et 200 000 euros en moyenne chaque mois", détaille Sylvie Cantrel, maire de la commune. "Les recettes du casino représentent aujourd'hui 60% de nos recettes annuelles. Cela nous a donc fortement impacté lors de l'installation du conseil municipal."
Quatre casinos sont installés en Bourgogne : à Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), Pougues-les-Eaux (Nièvre), Santenay (Côte-d'Or) et Saint-Honoré-les-Bains (Nièvre). Comme les deux cents autres casinos de France, leurs portes sont closes depuis le 30 octobre 2020, après une fermeture entre le 17 mars et le 22 juin dernier. Or, c'est un vrai manque à gagner pour les communes.
Des recettes importantes
Le constat est le même dans tous les communes de Bourgogne disposant d'un casino. A Bourbon-Lancy, la perte de recettes est estimée à 700 000 euros sur le budget annuel.
Une situation similaire de Saint-Honoré-les-Bains, "on a perdu environ 30 000 euros malgré les compensations", indique le maire Didier Bourlon.
En effet, les communes appliquent une taxe issue d'un pourcentage sur le produit des jeux (PJB) des casinos, c'est à dire la différence entre les mises des joueurs et les gains et c'est une recette nette vraiment très importante. Après près de six mois et demi de fermeture, le manque à gagner peut s'avérer très important.
Selon un rapport de la Cour des Comptes, en 2019 le prélèvement sur le PJB s'élevait, au total en France, à 294 millions d'euros, et les communes ont perdu environ 30% de leurs recettes en 2020.
Enfin de nombreux employés sont au chômage partiel : 85 à Pougues-les-Eaux, une trentaine à Bourbon-Lancy, et il y a de nombreuses conséquences indirectes. "Cela a forcément un impact sur le budget de la commune et en local", indique Edith Geugneau, maire de Bourbon-Lancy. "Lorsque vous avez 350 personnes qui viennent chaque jour au casino, il y a de la consommation, et de l'économie induite."
Casino et thermalisme, la double peine
Les casinos représentent très souvent pour les communes une image forte et un pôle d'attractivité touristique. "On a notre station thermale qui a aussi été fermée. Toutes les locations sont restées vides" déplore Didier Bourlon. "C’est presque plus grave que le casino au niveau du résultat induit."
La commune de Bourbon-Lancy est également touchée par la fermeture des thermes et de son centre de remise en forme dont elle est propriétaire. "Comme tout est fermé, tout est accentué. Vous avez une cascade de recettes qui n’arrivent plus," témoigne la maire, Edith Geugneau.
Reports des investissements et des projets retardés
La municipalité de Bourbon-Lancy a dû remettre à plus tard certains projets comme par exemple l'aménagement des jeux pour des enfants ou la diminution de l'enveloppe de la voirie "On a réduit drastiquement l’enveloppe de la voirie parce que l’on ne pourra pas emprunter et s’endetter plus" explique Edith Gueugneau. "On a fait une prospective en diminuant nos recettes. Effectivement , on a des projets qui ne se réaliseront pas. C’est véritablement un handicap."
On a gratté les fonds de tiroir."
A Pougues-les-Eaux, la situation est plus dramatique. La municipalité ne touche plus aucune dotation générale de fonctionnement de la part de l'état. "Cette année ce sera zéro parce que nous avons une recette par habitant lié essentiellement aux recettes du casino" explique Sylvie Cantrel.
Face à l'absence de recettes dans la trésorerie, la municipalité dû mettre en place un contrôle de gestion adapté. "On a fait des économies sur tout le fonctionnement comme les assurances, l'informatique, les copieurs, etc. On a gratté les fonds de tiroir."
Pour l'instant, aucun de ces maires élu ou réélu l'an dernier se s'est résolu à augmenter les impôts. "On a ajusté le budget en faisant des économies" explique Didier Bourlon. "Je ne pense pas que ce soit la bonne époque pour augmenter les impôts en ce moment."
Une compensation de la perte versée par l'Etat
Le gouvernement a bien voté un dispositif de compensation pour les communes en juillet dernier, mais certaines subventions sont versées trop tardivement par rapport au besoin réel. C'est le cas de Pougues-les-Eaux. Pour compenser en partie les pertes de 2020, la commune a déjà touché 160 000 euros en décembre 2020. Une deuxième compensation de 600 000 euros devrait être versée à la fin du mois de mai.
Entre ces deux versements, la maire a dû ouvrir des lignes de trésorerie et des microcrédits pour tenir le coup. "Au début de l'année, j’en étais à me demander comment j'allais payer mes agents. Je ne savais plus comment payer les salaires des agents de la mairie" témoigne Sylvie Cantrel. "J’ai été auprès du préfet, des parlementaires pour tenter de trouver des solutions. Le préfet a admis que nous pouvions toucher un certain nombre de subventions dès le mois de janvier."
Selon les estimations du gouvernement, 53% des communes sièges d'un casino en 2020 ont bénéficié de l'acompte prévu (25,87 millions) par le dispositif de compensation.
Les incertitudes perdurent cependant, le mécanisme de garantie de recettes n'étant que temporaire, et alors que la crise sanitaire se poursuit en 2021. "Il manque quand même quatre mois avec un gros point d’interrogation pour cette année" avance Didier Bourlon, maire de Saint-Honoré-les-Bains. "En 2021, on risque de ne pas être compensé du tout."
Une réouverture très attendue
Au-delà des pertes financières, c'est la perte de notoriété que craint Sylvie Cantrel. "Notre casino est le plus proche de Paris en descendant vers le sud. C’est un gros casino qui fonctionne très bien" souligne la maire de Pougues-les-Eaux. "Un certain nombre de personnes s’arrêtent à l’hôtel et au casino avant d’aller faire des tours sur le circuit de Magny-Cours qui se trouve à proximité."
Comme beaucoup d'élus, elle se dit aujourd'hui "ravie" de la réouverture prochaine, dès le 19 mai. "On entrevoit le bout du tunnel", témoigne l'élue." On espère juste que l'on ne va pas refermer d’ici quelques mois."
Ce qui est certain, c'est que les casinos sont dans les starting-blocks. C'est le cas du casino de Bourbon-Lancy. Odile Gilles, sa directrice a bon espoir de rouvrir son établissement dès la fin du mois de mai. "On va reprendre partiellement car on ne pourra pas travailler aller au-delà de 21 heures. Mais cela va permettre, après les six mois d’inactivité, de reprendre tout doucement le rythme du travail et de revoir nos clients surtout."
Le 19 mai, les casinos auront l'autorisation de rouvrir avec une jauge de 35%, et ne pourront mettre en service que les machines à sous. À partir du 9 juin, les tables de jeu pourront être utilisées, et les établissements pourront accueillir jusqu'à 50% du public. Et les jauges pourraient revenir à 100% au 30 juin, si les conditions sanitaires le permettent.