Elle a été interpelée mercredi matin. Samantha A. a exercé comme médecin généraliste durant 4 mois au sein du centre de santé de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Elle avait été inscrite à l'ordre des médecins après avoir présenté un faux diplôme. L'un de ses patients a été plongé dans le coma.
Samantha A. est mise en examen pour faux et usage de faux en écriture publique, exercice illégal de la médecine, blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui. La fausse médecin de Montceau-les-Mines a été présentée ce vendredi matin devant le juge A l'issue de son audition, elle a été placée en détention provisoire.
Samantha A., a 36 ans, se faisait passer pour médecin généraliste. Durant 4 mois, elle a pu exercer à Montceau-les-Mines avant que la supercherie ne soit découverte. La faussaire a été interpelée mercredi 23 septembre dans la matinée par la brigade de sureté urbaine de Montceau-les-Mines avant son placement en garde à vue. Après la consultation d'un expert psychiatrique en milieu d'après midi mercredi, son état a été jugé compatible avec la garde à vue. Jeudi matin, celle-ci a été prolongée. Samantha A. sera présentée au parquet vendredi matin en vue de l'ouverture d'une information judicaire et de la nomination d'un juge d'instruction.
La jeune femme a été placée en détention provisoire.
Depuis le mois de mai, la jeune femme donnait des consultations de médecine générale au centre de santé Filieris à Montceau-les-Mines. Ce groupe de santé, issu du régime minier, est ouvert à tout le monde, quel que soit le régime de sécurité sociale du patient. Filieris propose une offre de soins complète (centres de santé, établissements de santé, Ehpad et résidences pour personnes âgées, services de soins infirmiers et d’aide à domicile, vente et location de matériel médical, laboratoire de biologie, optique).
Le conseil de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire a tenu une conférence de presse mercredi 23 septembre 2020 pour faire le point sur le sujet. La jeune femme avait présenté un faux diplôme de docteur en médecine, prétendument délivré par la faculté de Paris 13 Sorbonne.
Un patient dans le coma
Un des patients de la fausse médecin a dû être placé dans le coma artificiel. Agé de 67 ans, il a placé près de 6 semaines en réanimation. " Je ne lui pardonnerai jamais ! s'exclame Régine Gauthier son épouse. Je ne souhaite qu’une chose. S’il y a un procès, je voudrais me trouver en face d’elle. Je voudrais lui dire ce que j’ai à lui dire pour me soulager un peu. En espérant que mon mari se tire de ce mauvais pas, parce qu’il est vraiment au fond du gouffre !"
Deux plaintes ont été déposées auprès du procureur de Chalon-sur-Saône. Une enquête est ouverte pour faux et usage de faux en écriture publique, exercice illégal de la médecine, blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui. L'information judiciaire, qui devrait être ouverte vendredi matin, devra déterminer le nombre de victimes et l'ampleur du préjudice, notamment en collectant les dossiers médicaux.
L'auteur risque jusqu'à 5 ans d'emprisonnement.
"Aucun signe" détecté
De son coté, la direction de la maison médicale où la fausse médecin a travaillé durant 4 mois a, elle aussi, déposé plainte. Hervé Laborde, le directeur régionale de Filièris Est affirme qu'aucun signe n'avait été décelé. "Aucun signe depuis sa prise de poste jusqu’à lundi matin où je l’ai relevée de ses fonctions ! On a jamais eu aucune plainte de qui que ce soit. Jamais. C’est surprenant d’ailleurs"
Sur les raisons qui ont permis à cette personne d'exercer, le groupe de santé se contente de répondre : "Il y a un cadre légal pour autoriser des médecins à exercer. Il ne relève pas de Filiéris."
La semaine dernière, le centre de santé Filieris a donné l’alerte et a informé le conseil de l’ordre qu’un médecin était suspecté de fraude au diplôme. La faussaire a été interrogée par le directeur général de Filieris lundi 21 septembre. C’est là qu’elle a reconnu qu’elle n’avait jamais fait d’études de médecine. Selon nos informations, elle a de nouveau reconnu les faits en garde à vue.
Comment ce faux médecin a pu être recruté ?
Chaque médecin qui veut exercer doit être reçu d'abord par un conseiller de l’ordre. On lui rappelle notamment ses obligations en matière d’ordonnance, d’information de la patientèle, etc.Puis, chaque mois, l’ensemble des dossiers d’inscription sont examinés en séance plénière. Si aucun problème n’est évoqué, le conseil de l’ordre procède à l’inscription ce qui permet au médecin de commencer à travailler.
Mais, cette procédure a été bouleversée par l’épidémie de covid-19, plaide le conseil de l’ordre.
"Elle a téléphoné au mois d’avril pour demander son inscription. Comme on était alors en pleine période de confinement, toutes les formalités ont été effectuées par mail et par téléphone, car on n’avait pas le droit de recevoir les postulants", explique Gérard Montagnon, président de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire.
"A la vue de son dossier, rien n’a attiré notre attention. Quand je l’ai eue au téléphone, elle m’a dit qu’elle n’avait pas travaillé depuis trois ans, car elle avait élevé sa fille. Elle a indiqué qu’elle avait signé un contrat avec le centre de santé Filieris. On ne les interroge pas sur leurs connaissances médicales, car cela est fait par l’université et a été validé par un diplôme."
La jeune femme prétendait également avoir fait des stages d’interne dans plusieurs hôpitaux dont ceux de Bondy et Avicenne à Bobigny.
De son côté, le conseil de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire a alerté le procureur de la République de Chalon-sur-Saône et a également porté plainte pour exercice illégal de la médecine et abus de confiance.
Comment le faux médecin a été repéré ?
Un membre du personnel administratif du centre de santé Filieris, qui mettait de l'ordre dans ses documents, a trouvé une alerte lancée par l’ARS (Agence régionale de santé) en 2019 sur une personne portant le même nom que le docteur de Montceau.L'alerte indiquait que cette personne tentait de se faire passer pour infirmière et qu'elle avait essayé de s’inscrire dans le listing Ameli alors quelle n’avait pas de diplôme.
C’est ainsi que la fraude a été mise au jour. "Il n’y aurait pas eu ce document, elle passait à travers", a précisé Gérard Montagnon.
"On va tirer les conséquences de cette affaire", a assuré le président de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire, notamment au niveau de "la vérification de l’authentification des diplômes". "Il est évident qu’il y a une procédure à revoir et on sera beaucoup plus stricts à l’avenir."
Le reportage en Saône-et-Loire de Valentin Chatelier, Gabriel Talon, Patrick JouaninIntervenants :
- Hervé Laborde, Directeur régional Filieris Est -
- Régine Gauthier, Femme d'un patient hospitalisé
- Gérard Montagnon, Président de l'ordre des médecins de Saône-et-Loire
- Me Alain Guignard, Avocat de la femme suspectée d'exercice illégal de la médecine