Municipales. Revivez la soirée du second tour... à la place des candidats

Vous êtes-vous déjà imaginé à la place d'un homme ou d'une femme politique ? Nous avons passé la soirée avec 2 candidats au second tour des municipales à Montceau-les-mines (Saône-et-Loire). Récit d'une soirée faite de calculs, de longues minutes d'attente, de déception et de cris de joie.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) : Marie-Claude Jarrot, la maire sortante (LR), et Laurent Selvez, le candidat de la gauche.

17h40, la soirée électorale démarre

C'est au bureau de vote du quartier Plessis à Montceau-les-Mines que Laurent Selvez a décidé de démarrer sa tournée. Arrivé en seconde position au 1er tour, il est le représentant de la gauche unie pour ce second tour. Pantalon clair, chemise blanche et cravate à fleurs, l'homme attend seul, sous la pluie, les mains dans les poches. En regardant le ciel, une électrice l'interroge : " qu’est-ce que ça veut dire ça ? ", réponse du candidat : " je ne sais pas… Ça veut dire qu’il ne faudra pas arroser ce soir ". L'heure est encore à la plaisanterie, pourtant quelques instants auparavant, jugeant constater une irrégularité le candidat faisait dresser un procès-verbal sur ce bureau de vote. " La soirée électorale risque d'être tendue " avait-il prévenu dès la veille. 

Pendant ce temps là à l'hôtel de ville, Marie-Claude Jarrot est enfermée dans son bureau. La maire sortante étiquetée à droite est en ballotage incertain à l'issue du premier tour.

17h57, les derniers instants de calme

Dans son bureau de l'hôtel de ville, Marie-Claude Jarrot joue la maîtresse du temps " les bureaux de vote ferment dans 3 minutes " annonce-t-elle tout en déverrouillant son téléphone pour y surveiller l’heure. Trois minutes qui paraissent trois heures. 

De l'autre côté, Laurent Selvez choisit de se rendre dans un autre bureau de vote de la commune pour assister au dépouillement. " Généralement, il permet de donner des indicateurs, il est assez révélateur de la tendance" glisse-t-il avant d’embarquer à bord de sa voiture rouge.

18h04, les premiers résultats arrivent

Au bureau de vote de " la Sainte ", l'un des 14 bureaux de la ville, Laurent Selvez est prêt. Le premier bulletin sort « Marie-Claude Jarrot », le second « Lilian Noirot », le troisième « Laurent Selvez ». Derrière le masque, ce dernier ne laisse rien transparaître. Rien ne se lit. À deux mètres de la table, seul, droit, debout, il observe. Dans sa poche droite, le stylo bic bleu bouge légèrement. À y voir de plus près, c’est toute la jambe qui tremble à présent.

18h11, la pression continue de monter progressivement

Bras croisés, regard grave, il  ne rate rien. Encore novice en politique, une de ses co-listières confie : " la pression monte de plus en plus. Là ça commence mais ça va être de pire en pire. "

À l'hôtel de ville, Marie-Claude Jarrot est debout derrière son bureau et ne lâche pas du regard un écran sur lequel est inscrit " record d'abstention." Elle se désole : " C’est quand même inédit… ". Pour elle, la crise du coronavirus est entièrement responsable de cette forte absence aux bureaux de vote. Son téléphone ainsi que ceux de ses soutiens sonnent. Les cent premiers bulletins ont été dépouillés : les premières estimations tombent. " C’est serré mais c'est encore trop tôt pour savoir. Il faut attendre 19h " commente-t-elle. La maire s’installe et ne quitte plus son téléphone des yeux. Chaque notification semble apporter des réponses. 
 

18h22, les sonneries de téléphone ne cessent de retentir

L’ambiance se tend à l’intérieur du bureau de la madame la maire. Les sonneries reprennent d’un seul coup, en rafale. " Vous m’avez transféré le bureau du Magny ? Du Bois du Verne ? "  demande madame Jarrot à ses soutiens. Pas de réponse, seulement des hochements de tête. Tout le monde semble avoir perdu la parole. 

À quelques kilomètres, le téléphone de Laurent Selvez sonne. Il sort s'isoler pour répondre. Les premières sorties d’urnes d’autres bureaux sont là. De retour dans la salle, il se dirige vers ses co-listiers pour leur faire part de la nouvelle. Puis un proche fait un signe de la main, comme pour dire " ça va " . Le candidat se répète : " ça va être très très serré ". 

À présent, les 100 premiers bulletins ont été dépouillés. Derrière la maire sortante et ses 50 voix, Laurent Selvez en compte 39, Lilian Noirot 9. Il est maintenant l’heure d’aller au local de campagne.
 

18h35, " cela va être serré " assurent les deux camps

Marie-Claude Jarrot se lève de son siège et se dirige dans une des salles de dépouillement, au bout du couloir. La porte claque. Cinq minutes plus tard, elle sort de la salle. La porte se referme aussi vite qu’elle s’est ouverte. Elle jette un oeil à son téléphone puis explique " C’est serré. " Il y a 14 bureaux à dépouiller avant de connaître le résultat définitif. D’ici-là, personne ne semble avoir envie de se prononcer. Sans tarder, la maire retourne dans la salle de dépouillement.

Au même moment, Laurent Selvez pénètre enfin dans son QG à l'angle des rues Lamartine et des Oiseaux. Il s’installe directement à son bureau et allume son ordinateur.

18h38, " les premières enveloppes ne sont pas terribles "

Toujours au QG du candidat, des chiffres proviennent de plusieurs bureaux de vote de la ville. Une co-listière lui transmet afin qu'il les tape sur son clavier. " Les premières enveloppes ne sont pas terribles " confie le candidat au bout de quelques minutes. Les suivantes ne le sont guères plus. Après 1300 votes dépouillés, la gauche présente un retard de 70 voix. " J’ai le moral dans les chaussettes "  lâche sa colistière après avoir échangé un long regard avec sa tête de liste.
 

19h00, " ça va devenir compliqué "

Laurent Selvez continue les additions. Des chiffres, des bruits de clavier et rien d'autre. Ils sont désormais trois derrière le bureau, tous sont suspendus à leur téléphone. La tension est palpable, présente, pressante, oppressante. Laurent Selvez a retiré son masque, il ne laisse toujours paraître que peu d’émotions. À ses côtés sa colistière s’en charge. Sa mine est grave, ses mots encore plus. Derrière le clavier, les clics sont de plus en plus forts. " Ça va devenir compliqué " lâche-t-il. " Il faudrait un miracle " renchérit une proche.

À la mairie, beaucoup de personnes défilent dans les escaliers. La porte de la salle de dépouillement s’ouvre souvent. Beaucoup y rentrent mais peu en sortent. La voix de Marie-Claude Jarrot résonne derrière la porte. Seuls des nombres s'échappent : 141, 147, 138, difficile de savoir à quoi ils correspondent. La porte s’ouvre enfin. La maire en sort et demande à ses soutiens de rentrer. 

19h25, " bon c'est mort on a perdu "

" Bon c’est mort, on a perdu " les mots claquent dans le local de campagne de Laurent Selvez. La phrase retentit comme un choc pour les personnes présentes. Même après avoir fait cette annonce, il reste de marbre. L'homme échange un long regard avec sa colistière présente depuis le début de la soirée. " Je suis dégoûtée, j’y croyais dur comme fer " dit-elle abattue. Une nouvelle fois, le candidat s’isole pour aller fumer, sous la pluie. À son retour quelques minutes plus tard, les résultats continuent de tomber, et la tendance ne s'inverse pas.
 

Derrière son ordinateur, le candidat continue de rentrer les chiffres. Sa parole est calme, ses mots sont choisis et rares. Elle tranche avec le choc de ces résultats. Mathématiquement le report des deux listes de gauche unies pouvait permettre de reprendre les clés de l’hôtel de ville. Ca n'est pas le cas.

19h28, la gauche unie dans la défaite

Au local de campagne, c'est l'arrivée des alliés. Eric Commeau qui avait fusionné sa liste durant l'entre-deux-tours arrive. Les deux co-listiers échangent peu de paroles, ils connaissent tous les deux la vérité des urnes. Les regards suffisent. Le local est maintenant rempli, Laurent Selvez va devoir prendre la parole.
 
Dans le même temps, à l'hôtel de ville, les allers-et-venues ne s’arrêtent pas. Toutes ces personnes arrivent avec des résultats. Pas encore officiels à cette heure-ci mais Marie-Claude Jarrot remporterait l’élection. Certains ne cachent pas leur joie, leur excitation. D’autres se montrent plus réservés et chuchotent. Madame la maire sort en trombe de la salle. Elle descend les escaliers, jusque dans le bureau central, où les dernières urnes arrivent. Les votes sont comptabilisés.

19h45, Laurent Selvez prend la parole face à ses électeurs 

À gauche, Laurent Selvez fait un discours pour annoncer le résultat. Face à lui, sympathisants, amis, colisitiers, camarades accusent le coup. Le discours est rapide, sincère et ému. " Nous nous sommes battus jusqu'au bout pour défendre nos idées. Il y a un an personne ne nous donnait en possibilité de mettre en difficulté madame Jarrot. Il ne faut pas voir cela comme une défaite, cela n'en est pas vraiment une " expose le candidat. Les tapes dans le dos se multiplient, les petits mots chuchotés à l'oreille aussi. Seuls ses yeux brillent légèrement. Sans colère ni abattement il précise que des recours auront lieu prochainement. Avant d’aller à l’hôtel de ville par " tradition républicaine " il réconforte un homme en larmes, assis à sa place, derrière le bureau du candidat. 
 

Marie-Claude Jarrot, elle, est introuvable. Entre temps, Lilian Noirot, troisième candidat à cette élection, arrive. Il attend dans la salle où seront proclamés les résultats définitifs. La maire sortante refait surface et va à sa rencontre. L’échange est bref. Le visage de Lilian Noirot nous annonce le résultat avant même que les chiffres nous parviennent.

20h01, Laurent Selvez se dirige vers la mairie

Les deux candidats de gauche font parapluie commun pour se diriger vers la mairie. Mains dans les poches, Laurent Selvez a maintenant remis sa veste de costume bleu pastel. Ils échangent quelques mots, à peine audibles. Le candidat est accueilli et félicité.

Au même moment, des applaudissements résonnent dans le hall de la mairie. Le résultat ne fait plus guère de doûtes. La maire est au coeur de la foule, entre ses co-lisiters et ses sympathisants qui scandent " Jarrot ! Jarrot ! Jarrot ! ". Elle remercie tout le monde, émue. Elle a du mal à trouver les mots. " Nous y sommes arrivés grâce à vous tous. Comme je l’ai dit, Montceau-les-Mines est une ville de sangs mêlés et le restera et qui construira une histoire commune. " Sa voix se muscle, ses gestes se veulent assurés. Les gestes d’une gagnante, le poing serré, tendu, qui rythme chaque mot. " Cette ville deviendra une ville industrielle incontournable du 21ème siècle grâce à vous ! " Le discours est rassembleur et les applaudissements pleuvent de nouveau.
 
Dans la salle du conseil municipal, c’est le candidat d’extrême droite, Lilian Noirot qui vient féliciter Laurent Selvez " rendez-vous dans six ans " lui promet le troisième homme du scrutin, " ou peut-être avant " rétorque l'homme de gauche.

20h12, Marie-Claude Jarrot proclame les résultats en mairie

Marie-Claude Jarrot s'avance, suivie par la foule. Ses yeux brillent, l’émotion est vive mais elle doit rester concentrée. Elle prend la parole : " Laurent Selvez 1828 voix, Marie-Claud Jarrot 1954 voix " . Cette fois c'est officiel, Marie-Claude Jarrot remporte l’élection et reste maire de Montceau-les-Mines six ans après sa première élection.

20h13, des applaudissements accueillent les résultat

 Tandis que ses adversaires n’ont droit qu’à de timides applaudissements, Marie-Claude Jarrot est acclamée. 

Au fond de la salle, les bras croisés et le regard ferme, Laurent Selvez assiste à la proclamation de sa défaite. 126 voix lui ont manqué pour conquérir le trône et faire repasser la cité minière à gauche. Une nouvelle fois,il devra se contenter d’un rôle dans l’opposition. Il faut maintenant répondre aux médias : touché mais pas coulé, il entend poursuivre le combat des idées. " Je ne sais pas si on peut parler d’échec " tente de pondérer Laurent Selvez devant les journalistes. Le ton est amer. Son micro tremble. L’homme politique semble à fleur de peau : " Même si la déception est là, l’ensemble de l’équipe est déterminée pour poursuivre les batailles ".
 

20h37, la future maire annonce le nom des nouveaux élus

Marie-Claude Jarrot annonce maintenant quels seront les noms qui siègeront au conseil municipal ainsi qu’à la communauté de communes. Des invectives se font entendre dans la salle. " Non, ça c’est non ! " s’énerve la maire. Le calme se réinstalle. Elle reprend la lecture des listes.


20h45, la mairie referme ses portes

Alors que la pièce se vide, la maire fait le tour pour remercier les quelques camarades qui sont encore là. " Félicitations madame la maire ! ". " Mais tout ça, c’est grâce à vous " répète-t-elle. Marie-Claude Jarrot est heureuse, même " s’il y a encore du travail ". Mais ce soir, c’est célébration de la victoire en petit comité. La maire remonte les escaliers et retourne dans son bureau. " A demain ! " lance-t-elle à certains. Finalement, elle a eu raison de ne pas mettre ses affaires en carton.
 

Devant le parvis de l’hôtel de ville, celui qui aura obtenu 1828 voix ce jour commente les résultats, répond à des coups de fil. Une électrice l’interpelle, la soirée se poursuit-elle au local ? Alors que la pluie continue de s’abattre, l'homme répond par l'affirmative. " Il ne faudra pas arroser ce soir " avait-il pourtant prévenu.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité