Alors qu'il devait annoncer la liquidation judiciaire de Toupargel ce mercredi 11 janvier, le tribunal de commerce de Lyon s'est donné un délai de 48 heures. 48 heures de sursis avant de venir certainement clore 75 ans d'histoire pour le pionnier de la livraison à domicile de produits surgelés.
Coup de froid pour Place du marché, ex-Toupargel. Ce mercredi 11 janvier, le tribunal de commerce de Lyon s’est donné 48 heures pour prononcer ou non le placement en liquidation judiciaire du spécialiste de la livraison de produits frais et surgelés. La fin de l'activité ne fait aucun doute. La décision a été simplement repoussée en raison de l'importance du dossier.
Au total, les 1 900 employés de l’entreprise, dont 151 travaillent à Saint-Marcel (Saône-et-Loire), sont menacés de licenciement. En moyenne, ils travaillaient pour la société depuis plus de 20 ans. "On trouve que c'est du gâchis. On aurait aimé apprendre la nouvelle autrement et plus tôt pour qu'on puisse s'y retrouver", nous confiait lundi une employée du site de Saint-Marcel.
"La seule chose que je vois, ce sont des mauvaises gestions de la direction. Mais qui en pâtit ? Les salariés. Au bout d'un moment, c'est dégueulasse !", s’emportait une autre.
Un précurseur de la livraison à domicile
La décision du tribunal devrait également clore les 75 ans d’histoire de l’enseigne créée à Lyon. Spécialisée dans les produits surgelés, l’entreprise se lance en 1969 dans la livraison de produits frais à domicile. Véritable précurseur, Toupargel devient le leader du marché après son rachat en 1982.
Entre 1982 et 1997, l’entreprise réalise près de 30 acquisitions et gagne en volume d’activité. Les deux décennies marqueront son apogée. Le groupe entre en bourse, puis rachète en 2003 Agrigel, une société deux fois et demie plus importante.
Toupargel passe dans une autre ère. Elle compte 3 500 salariés et jusqu’à un million de clients. Un dernier coup d’éclat avant l’inexorable chute. Les ventes baissent et les tentatives d’accrocher un public plus jeune en misant sur les ventes digitales ne fonctionnent pas.
Un rachat en 2019 mais pas de rebond
En 2019, les frères Bahadourian reprennent le groupe et souhaitent le remettre sur les rails. Ils affirment investir 55 millions d’euros. Les nouveaux propriétaires envisagent d’ouvrir des magasins Toupargel aux côtés des supermarchés Grand Frais (dont les frères Bahadourian sont également actionnaires). Ils ne sortiront jamais de terre.
Car les entrepreneurs ne parviennent pas à relancer Toupargel, qui devient Place du marché en 2021. Entre 2019 et 2022, l’entreprise perd près de 200 000 clients. Ces derniers mois, elle en comptait 336 000, quatre fois moins qu’il y a 10 ans.
"On est en colère car la société n’a jamais entendu les remontées des salariés. La stratégie commerciale n’était pas bonne", dénonce Françoise Charentus, déléguée syndicale FO. En cause, l’incapacité à prendre le virage du numérique. En 2019, 85 % des commandes sont faites au téléphone. La tendance ne sera jamais inversée, et la clientèle trop peu rajeunie.
Crises pandémique et énergétique auront raison de Toupargel
La pandémie et l’inflation viendront mettre un coup définitif et scelleront le destin de l’entreprise. Pendant les différents confinements, le groupe n’est pas en capacité de répondre à l’ensemble de la demande. Et récemment, le secteur du surgelé s’est retrouvé forcement pénalisé par la flambée des prix, les congélateurs consommant énormément d’énergie.
Si le marché de la livraison de courses alimentaires est en pleine progression en France, avec 2 à 3 % de clients en plus chaque année depuis cinq ans, le secteur reste difficilement rentable.
Malgré une histoire riche et un actionnaire solide, la fortune des frères Bahadourian étant estimée à 1,3 milliards d’euros selon Challenges, Toupargel n’aura pas résisté et n'a pas trouvé de nouveaux repreneurs.
Il ne reste plus que 48 heures de sursis aux 1 900 salariés. Ils seront définitivement fixés vendredi à 17 heures.