Le 18 août 2014, Marine Dupuy était assassinée dans l'Aude par son conjoint, Mickaël Valarcher. La jeune femme, originaire de Saône-et-Loire, avait reçu 18 coups de couteau. Condamné à 24 ans de prison, son meurtrier avait fait appel. Un procès qui se tiendra le 16 décembre 2019 à Montpellier.
Daniel Dupuy est un homme "détruit". A partir du 16 décembre 2019, et ce durant trois jours, il devra à nouveau affronter le regard de l'assassin de sa fille Marine. Mickaël Valarcher - âgé aujourd'hui de 37 ans - a été condamné en mai 2017 à 24 ans de réclusion criminelle par la Cour d'Assises de l'Aude. L'accusé a fait appel du jugement. Un nouveau procès qui inquiète le père de la victime : "Nous appréhendons ce deuxième procès, car nous n'imaginons pas un seul instant que ce meurtrier puisse alléger sa peine de 24 ans de prison, ce qu'il espère" a déclaré le père de famille dans une lettre adressée à la presse, au Président de la République, et à des personnalités politiques.Pour Daniel Dupuy, ce deuxième procès est l'occasion de mettre un nouveau coup de projecteur sur l'homicide dont sa fille a été victime : un féminicide d'une violence barbare. Le sexagénaire, qui vit actuellement à Viré (Saône-et-Loire) a fait de sa peine et de sa douleur un combat. Il veut aujourd'hui lutter contre les violences conjugales, en continuant à parler de ce drame, et à témoigner : "c'est malheureusement un sujet d'acutalité qui a encore besoin d'être mis en avant, car les mêmes erreurs se perpétuent [...] nous constatons que le même scénario recommence à chaque drame."
Averti par un appel de son ex-épouse
Le 18 août 2014, alors qu'il revient d'un séjour en Bretagne, le mâconnais reçoit un appel dont il se souviendra toute sa vie. Au bout du fil, son ex-femme : "Mickaël est en train de tuer Marine". Le quinquagénaire est abadourdi, il n'en croit pas un mot. Mickaël Valarcher, 32 ans, est le compagnon de Marine. Le couple habite dans le quartier Escare, à Saint-Laurent-de-la Cabrerisse, un village près de Narbonne (Aude). Dix minutes plus tard, la mère de Marine rappelle son ex-mari : "ça y est, il l'a fait". Daniel est anéanti, comment cela a t-il pu arriver à sa propre fille ? Marine avait 28 ans.De l'amour à la mort
Une fois le baccalauréat en poche, Marine - originaire du Mâconnais - décide de s'installer près de Narbonne pour vivre chez sa mère. A l'occasion de travaux de vignes, elle rencontre un ouvrier viticole, il s'agit de Mickaël Valarcher. Ils se mettent en ménage et le couple s'installe dans une maison de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse : "Il était assez discret, assez renfermé, il ne parlait pas beaucoup et ne sortait jamais" se souvient le père de Marine, à propos de son gendre.Au fil du temps, le couple rencontre des difficultés, et Mickaël s'enferme toujours un peu plus. La dernière fois que Daniel s'était rendu chez sa fille, c'était en janvier 2014. "Il jouait toute la nuit à des jeux vidéos violents. On sentait quelque chose de malsain. Il y avait de l'alcool, un peu de dépression, ils ne dormaient plus ensemble. C'était inquiétant."
Quelques mois plus tard, Marine a radicalement changé. Elle a trouvé un emploi d'ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) à Narbonne. Selon son père, elle est beaucoup plus en confiance, s'habille mieux, et a même pour projet de reprendre des études supérieures. La jeune femme commence à s'émanciper : "on sentait qu'elle avait envie de prendre son envol" nous explique son père. Mais pour Mickaël Valarcher, rien ne s'arrange. Arrêté pour dépression, il est finalement licencié durant l'été 2014. En août 2014, la situation dégénère, et des disputes éclatent. Le 18 août 2014, des amis proposent à Marine de l'héberger. Elle veut partir, mettre un terme à cette relation, mais veut l'annoncer de vive voix à Mickaël. Courageuse, la jeune femme ne se doute pas de ce qui l'attend.
Il l'a égorgée devant tout le monde.
Dix-huit coups de couteau, dont trois mortels
Début août, Mickaël Valarcher passe un séjour d'une semaine chez la mère de sa compagne en Bourgogne, pour y faire des travaux. Selon Daniel Dupuy, le jeune homme aurait déclaré en entrant dans le train : "je vais fracasser tout le monde, je vais éliminer tout le monde qui m'a fait du mal, et Marine en fait partie." La mère de Marine, qui savait que sa fille voulait rompre, aurait insisté pour que sa fille aille chercher Mickaël à la gare et de lui parler.Dans l'après-midi, des disputes commencent à éclater : "Marine a appelé des amis qui n'habitaient pas très loin. Ils ont alors appelé les gendarmes qui sont venus sur place. Ils ont demandé ce qu'il se passait. Mickaël et Marine ont dit que tout allait bien, et les gendarmes sont repartis". Les amis de Marine ont alors insisté pour qu'elle prenne ses affaires et parte avec eux. Mais la jeune femme veut annoncer de vive voix à Mickaël sa décision.
Quand elle annonce à son compagnon qu'elle va partir quelques jours chez des amis, le trentenaire l'aurait empêchée de quitter la maison. La porte d'entrée est verrouillée. Mickaël sort une arme blanche de sa poche. Daniel Dupuy détaille la scène qui va suivre :"il a commencé à donner des coups de couteau. Elle a réussi à sortir par l'arrière de la maison, il a continué à lui a donné des coups de couteau. Des témoins sont arrivés et lui ont dit d'arrêter. Marine a essayé de s'échapper par le portillon qui donnait sur la route, et là il l'a attrapée par les cheveux, il l'a couchée par terre et l'a égorgée devant tout le monde."
Une pause cigarette en attendant les gendarmes
Après son forfait, Mickaël Valarcher aurait posé son couteau, et appelé la mère de Marine : "Il lui a dit - voilà c'est fait, j'ai fait ce que j'avais à faire - " avant de rouler une cigarette en attendant l'arrivée des gendarmes.Lors du procès aux Assises de Carcassonne, en mai 2017, le procureur de la République requiert 30 ans de prison. Au final, Mickaël Valarcher sera condamné à 24 ans de réclusion criminelle.
Je me bats pour que la mort de Marine n'ait pas servi à rien - Daniel Dupuy
Daniel Dupuy a fait de sa douleur un combat
Selon le père de Marine Dupuy, les forces de l'ordre doivent prendre au sérieux les cas de violences conjugales. Il espère aussi que la justice empêche les auteurs de féminicides de récidiver "Il faudrait une période de sûreté, il faut être sévère avec ces personnes là, elles n'ont pas de circonstance atténuante. Il y a les violences psychologiques, il y a les violences physiques. Il faut que les hommes sachent que c'est puni, et que les femmes n'aient pas peur d'en parler et aient le courage de partir".
Au terme de notre entretien, Daniel Dupuy nous prouve une fois de plus tout l'amour qu'il porte pour sa fille : "Plus je lutte, plus je me sens proche de Marine. C'est sa parole que je donne, et je pense qu'elle aurait été fière d'avoir un père comme ça."
En 2018, 149 personnes sont décédées «sous les coups» de leur partenaire ou de leur ex-partenaire de vie. Parmi ces victimes, on dénombrait 121 femmes. Le 14 novembre 2019, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une augmentation de la réduction d'impôts pour les dons aux associations de lutte contre les "violences domestiques".