« Les arbres meurent à une vitesse incroyable », alerte Carole Begeot, chercheuse au laboratoire Chrono-environnement de l’Université de Franche-Comté. La Maître de Conférences détaille les conséquences des fortes chaleurs sur la biodiversité.
Réchauffement climatique oblige, les températures sont de plus en plus élevées en été. Ce qui n'est pas sans conséquence sur la biodiversité, comme l'explique Carole Begeot, Maître de Conférences à l'Université de Franche-Comté. D'après elle, les espèces dans les rivières comme dans les forêts sont menacées par les fortes chaleurs.
Quelles sont les conséquences de la sécheresse sur les forêts ?
La température élevée fait beaucoup de dégâts, particulièrement cette année. C’est ce que constatent les forestiers que j’ai rencontrés dans la forêt de Chailluz. Par exemple, beaucoup de hêtres deviennent trop secs et meurent, ou doivent être abattus car ils pourraient chuter à tout moment. Au-delà de la sécheresse des arbres, il y a aussi une mortalité qui s’explique par les parasites. En ce moment, les frênes sont attaqués par la chalarose, un champignon. Ce sont des maladies qui ont profité de la fragilité des arbres pour proliférer. Les arbres meurent à une vitesse incroyable.
Et dans les cours d’eau ?
Le réchauffement de l’eau voire l’évaporation à des conséquences sur les milieux aquatiques. Les espèces disparaissent, ou changent. Si la sécheresse avait été ponctuelle dans le Doubs, alors il n’y aurait pas eu de dégâts. Mais, puisqu’elle arrive tous les ans, elle modifie profondément la vie aquatique.
La sécheresse fragmente les cours d’eau, alors qu’il faudrait conserver des « corridors écologiques » (ce sont des milieux reliant différents habitats vitaux pour une espèce ou une population). Il faut assurer une continuité dans l’écosystème, sinon on peut observer des phénomènes de consanguinité, ce qui est le cas des amphibiens en Franche-Comté.
Avec ces fortes chaleurs, n’y a-t-il pas d’espèces qui s’adaptent ?
Certes, les écosystèmes sont résilients et il existe des transformations naturelles. Par exemple, dans les forêts, les arbres agrandissent leurs systèmes racinaires. Ce qui leur permet de puiser l’eau de manière plus profonde. Cependant, l’adaptation peut prendre des années, et comme la sécheresse est récurrente, beaucoup d’arbres meurent car ils ne peuvent s’adapter.
Quand les animaux peuvent se déplacer, les végétaux n’ont pas d’autre choix que de subir. Mais aujourd’hui, on arrive à un seuil où tout bascule : toutes les espèces locales sont touchées, et être résilient ne suffit plus. Le réchauffement climatique est trop rapide pour que les espèces s’adaptent, alors cela favorise la prolifération d’espèces invasives.
Que sont les espèces invasives ?
Ce sont des espèces apportées de l’étranger. Elles trouvent localement un climat qui leur est profitable et concurrencent les espèces locales. Souvent, leur croissance est rapide et peut faire disparaître certaines espèces. Pour les poissons, par exemple, l’apparition de la renouée du Japon constitue un écosystème étranger. Cette espèce, présente dans la Furieuse, n’a rien à y faire et pompe l’eau des rivières et la rejette dans l’atmosphère. Pour l’instant, ce sont des espèces qui posent problème car elles perturbent la biodiversité locale, mais, peut-être que dans 100 ans nous aurons un autre regard.
Donc, les espèces invasives pourraient être celles de demain ?
C’est difficile d’avoir du recul sur les évolutions de la biodiversité. La sécheresse est irrémédiable, mais il faut étudier le comportement. Certains souhaitent basculer dans un système radical : ils disent qu’il faut planter des espèces méditerranéennes, comme des pins, en Franche-Comté. Mais si tel était le cas, comment la faune locale se comporterait-elle ? Dans les forêts de pins, les insectes pourraient disparaître. C’est la même chose dans les écosystèmes aquatiques, il serait absurde de récréer des écosystèmes. Il faut avoir confiance en notre biodiversité locale, et voir comment elle s’adapte. Il faut se laisser du temps.