La saison des champignons devrait déjà battre son plein, mais les sous-bois restent encore bien secs. Les cèpes sont bien là, mais les girolles et les trompettes de la mort attendent des conditions plus favorables pour sortir.
L'arrière saison est belle en Bourgogne et les forêts ne vont pas tarder à revêtir leur tenue d'automne, mais les champignons ne sont pas légion dans les forêts de Côte-d'Or, comme le constatent les spécialistes.
Des champignons, oui, mais en faible quantité...
L'été caniculaire a été désastreux pour les champignons, mais les précipitations qui sont tombées à la mi-août ont permis d'amorcer une saison qui ne s'annonce pas fameuse, de l'aveu de Joël Marceaux, président de la Société Mycologique de la Côte-d'Or. "Les sols sont trop secs pour permettre la sortie des girolles, dont la période de prédilection s'étend de juin à octobre - voire novembre, selon la date d'arrivée des premières gelées. Les girolles ont besoin d'un taux d'humidité dans le sol de 60% et là, on peine à atteindre les 40%", se désole le spécialiste, qui considère qu'une partie de la saison de récolte est perdue pour ce champignon.
Des cèpes, des amanites des césars ou encore le polypore en touffe
Mais par chance, toutes les espèces champignons ne demandent pas les mêmes conditions d'humidité pour pousser. Lorsque les conditions sont réunies et qu'il a suffisamment plu, les champignons peuvent faire une poussée rapide, une résurgence soudaine avec de beaux volumes, explique le mycologue. L'épisode orageux du 15 août a été salutaire par endroits, à condition qu'il ait plu régulièrement tous les 10 jours pour permettre aux champignons de poursuivre leur sortie et leur développement. "Contrairement au secteur est de la Côte-d'Or, comme la forêt de Cîteaux qui a connu un été "désertique", certains secteurs plus à l'ouest comme le Châtillonnais ou l'Auxois ont reçu des précipitations en quantité suffisantes et assez régulières pour permettre de belles cueillettes. Dans ces forêts, on trouve actuellement des cèpes, des amanites des césars ou encore le polypore en touffe (Grifola frondosa) appelé aussi "poule des bois", tous trois comestibles", précise-t-il. "Dans les milieux plus ouverts, on peut aussi avoir la chance d'apercevoir des rosés des près ou des mousserons, deux espèces comestibles qui peuvent s'apprécier crues".
On a perdu 80% en volume de champignons dans nos récoltes
Joël Marceaux, président de la Société Mycologique de la Côte-d'Or
Les cycles de vie des arbres et des champignons sont étroitement liés, alors quand les arbres souffrent, les champignons souffrent aussi, se désole l'amateur de champignons. "Avec les sécheresses à répétition que l'on a connues ces dernières années, de nombreux arbres sont malades et tombent pour rien. Avec l'évolution du climat, les forêts changent, ce qui a un impact indéniable sur les populations de champignons. On constate une baisse d'environ 80% en volume de champignons dans nos récoltes depuis quelques années, mais par chance il y a peu de pertes en nombre d'espèces". Parmi les victimes de l'assèchement des sous-bois, le cortinaire remarquable (Cortinarius praestans) ou les variétés de tricholomes, qui ne se rencontrent guère plus.
Des espèces thermophiles font leur apparition
A contrario, certaines espèces de champignons apprécient la chaleur, c'est ainsi qu'à nos latitudes apparaissent des espèces thermophiles, qui autrefois ne se rencontraient que dans le sud de la France. C'est le cas du Bolet des Emiles (Boletus aemilii Barbier) qui a été aperçu une première fois en 1901 en Côte-d'Or par Maurice Barbier et qui depuis les années 80 fait sa réapparition.
Le climat change, et les périodes d'émergence des champignons se décale dans la saison. "Pour les raisins, les récoltes se font toujours plus tôt, s'amuse Joël Marceaux, pour les champignons, c'est l'inverse", mais le risque n'est-il pas que la saison des champignons ne se réduise à peau de chagrin, stoppée net par les premières gelées de novembre?...
Pour ceux qui voudront apprécier des spécimens fraichement récoltés et en apprendre plus sur les espèces comestibles que l'on peut aisément confondre avec d'autres, moins goûteuses sinon toxiques, rendez-vous avec les membres de la Société Mycologique de la Côte-d'Or à la fac des sciences de Dijon pour une exposition les 15 et 16 octobre 2022.