Elles sont devenues mamans pendant l'épidémie de covid-19 : “On a été très isolées”

C’est en pleine pandémie mondiale, au milieu des phases de confinement et alors que tout le pays traverse une crise économique, qu’elles sont devenues mères. Ces Franc-comtoises nous racontent comment elles ont vécu leur maternité au cours de cette année, entre joies et difficultés.

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Tous les membres de la famille sont réunis, ou presque. Dans un salon surchauffé, ils sont quatre, cinq, ou même dix, à attendre avec impatience l’arrivée d’un jeune couple et, surtout, du petit dernier. Un nourrisson de quelques jours, ou quelques semaines, attendu, et déjà follement aimé par tout le monde. Ils ont déjà vu des photos, mais là, c’est le jour J, la rencontre. Celui où on pourra débattre pour savoir de qui il a les yeux, et où tout le monde pourra le câliner, le bercer. 

De leur côté, ils sont là, tous les deux, jeune couple un peu anxieux. Elle est allongée sur une table d’examen, le tee-shirt relevé, le haut du pantalon retroussé. Ils vont bientôt savoir s’ils attendent un petit garçon ou une petite fille. 

Ailleurs encore, une femme arrive les mains chargées de courses, prête à soutenir son amie, jeune mère que la césarienne pas tout à fait cicatrisée gêne encore, et qui aurait bien besoin d’une deuxième paire de bras pendant quelques heures. Ces scènes font partie de notre imaginaire. Nous les avons vues des dizaines de fois, à la télé et au cinéma. Nous les avons parfois vécues. C’est ainsi que l’on se représente les mois qui précèdent, et les premiers qui succèdent à l’arrivée d’un enfant. Pourtant, depuis le début de l’épidémie de covid-19, pour la plupart des futures et des jeunes mères, ces scènes ne sont plus que des rêves oubliés. 

 

“Moralement, ça n’a pas toujours été facile”, “ça pèse énormément", “je me suis sentie isolée”, “si j’avais su, j’aurais attendu avant de tomber enceinte”, … Lorsque nous leur avons demandé comment leur grossesse et leurs premiers mois de mère s'étaient déroulés, les Franc-comtoises à qui nous avons parlé ne nous ont pas caché leur désarroi. Si l’arrivée d’un nouvel enfant dans leur famille est une source de joie, les conditions de vie imposées par l’épidémie de covid-19 ont multiplié les difficultés à surmonter, dans un moment de vie où celles-ci sont déjà bien nombreuses. Pour beaucoup, la pandémie les a avant tout privées du soutien de leurs proches, pourtant essentiel.

 

J’ai eu beaucoup de mal, beaucoup de bas. Je rêvais d’une meilleure grossesse et naissance

Juliette M.

 

Juliette M., habitante de Cléron (Doubs) et maman d’une petite fille depuis le 13 septembre 2020, est tombée enceinte juste avant le début de la pandémie.  “J’ai vécu ma grossesse dans le stress et l’angoisse”, raconte-t-elle. Comme la quasi-totalité des femmes ayant été enceintes depuis le début du mois de mars, elle a dû faire seule la plupart des rendez-vous de suivi. Certaines n’ont jamais pu être accompagnées pendant leurs échographies de contrôle. Adieu la belle image d’émotion partagée devant les battements de cœur de son enfant. “Ce moment qui est censé être magique pour le couple, j’ai dû le vivre seule”, regrette Julie H.,  conseillère en insertion à Bavilliers dans le Territoire de Belfort. Son fils est né le 17 avril. “Mes parents, ma mère ne m’ont jamais vraiment vue enceinte”, ajoute-t-elle. Pour la jeune femme, comme pour toutes celles qui ont accouché dans les premiers mois de la pandémie, il a aussi fallu supporter le stress de ne pas savoir quels étaient les risques du nouveau virus pour les femmes enceintes, et les injonctions à ne pas se rendre à la maternité avant d’être absoluement certaine que le moment était venu. “On nous avait bien fait comprendre que c’était la catastrophe à l’hôpital”, se souvient-elle. 

 

Des premiers jours vécus seule

 

Si peu de femmes ont dû accoucher sans bénéficier de la présence d’un accompagnant, comme cela a parfois été le cas en Alsace ou en Île-de-France dans les premières semaines de la pandémie, elles sont nombreuses à s’être rapidement retrouvées seules après la naissance. Pendant de longs mois, les pères et conjoint-e-s étaient interdits de visite à la maternité. 


 

Ça a été un effondrement, l’idée de ne pas l’avoir à mes côtés.

Julie H. 

 

“J’ai beaucoup pleuré pendant ces trois jours”, confie Ludivine N., mère pour la deuxième fois depuis le 15 novembre. Pendant le deuxième confinement, “on a [eu] l’impression de passer à côté de moments importants de la vie, explique-t-elle, des moments qu’on ne pourra pas revivre ou rattraper.” Quant au conjoint, “ça lui volait un instant très précieux”, se souvient Julie H. “Ça minimise beaucoup la place du père, ça a été très violent pour lui”. Pendant ces premiers jours loin de leur nouveau-né, les pères n’ont pas assisté au premier changement de couche, au premier bain… et ils n’ont pas bénéficié des conseils des puéricultrices, des pédiatres. “Le papa s’est senti moins investi, du fait de ne pas avoir assisté aux premiers soins”, souligne Ludivine N. 

 

En revanche, l’absence de visites de la famille ou d’autres proches à la maternité est évoquée par la majorité des femmes qui nous ont contactés comme “le seul point positif”, ce que dit Camille F. “Je n’ai vu personne, ça m’a permis de me reposer après ma césarienne”, assure Juliette M. C’est la seule chose qu’on devrait maintenir”, va jusqu’à affirmer Elodie B., maman depuis le 25 octobre. Son conjoint a pu être présent pendant ces premiers jours : “ça nous a permis de nous retrouver à trois, de profiter de nos premiers moments en famille et surtout de démarrer notre rôle de parent au mieux.”

 

Pouponner sans l'aide des proches

 

Mais passés les tout premiers jours et les premières découvertes, l’absence des proches devient vite très pesante. Ophélie B. ne s’en cache pas : “C’était dur”. Cette Vésulienne de 22 ans a donné la vie à une petite fille le 14 mars, juste avant le début du confinement. “Mes proches ont rencontré ma fille quand elle avait 3-4 mois. On s’en rappellera toujours, même mes parents, ça restera marqué pour eux”. La famille les a bien appelés en visio, et eux leur ont envoyé des photos, mais “ça ne remplace pas le vrai, soupire-t-elle. Tu ne peux pas la toucher, tu ne peux pas la porter… tu ne peux rien faire. On ne peut pas rattraper le temps.”

 

“La grosse douleur, ce sont les instants que ça vole”, déplore Julie H. “C’est encore pesant, même maintenant”, confirme Florie D. Maman pour la seconde fois depuis le 27 janvier 2020, elle a cruellement conscience des différences entre les premiers mois de ses deux enfants. “Certaines personnes, les plus fragiles, ne voient pas grandir mon deuxième enfant comme ils ont vu grandir le premier. C’est beaucoup de tristesse, lâche-t-elle. “J’ai l’impression de ne pas pouvoir partager ma joie de mère comme je le voudrais”. 

 

C’était mon premier enfant, j’avais besoin de conseils, de soutien

Ophélie B.

 

Cette absence des proches a également des conséquences matérielles. “En temps normal, explique Florie D., on a toujours une copine, une mamie ou une tata qui vient. Là, c’est beaucoup plus difficile, on se sent isolée”. Pour Ludivine N., c’est à la reprise du travail du père de ses deux enfants que l’absence de sa famille s’est fait sentir : “à la maison, c’était difficile de tout gérer seule avec le plus grand”. Alors que ses parents habitent dans le même village, elle a dû se débrouiller pour amener et aller chercher son aîné à l’école tous les jours, tout en s’occupant d’un nouveau-né. “Je n’ai pas voulu prendre le risque de contaminer mes proches.”

 

Et pour les enfants ? 

 

À ces difficultés, s’est ajoutée pour beaucoup une certaine inquiétude pour leur enfant. “C’est un bébé qui a peu de contacts avec l’extérieur”, constate Julie H. “Il a 8 mois et il est très isolé”, observe-t-elle. “Il ne connaît que des périodes de confinement depuis le début”. Florie D. s’interroge même sur les effets à long terme de cette moindre sociabilisation : “je me rends compte que mon deuxième enfant est moins ouvert aux autres. Est-ce le confinement ou son caractère, je ne sais pas, mais je pense que la pandémie y est pour quelque chose”. 

 

Elles sont aussi nombreuses à nous avoir confié - même si elles savent que les petits enfants sont reconnus comme moins susceptibles d’attraper le covid - éviter de sortir, par crainte que leur nourrisson soit contaminé. “J’ai toujours peur, donc tout ce qui est courses, magasins, je restreins”, avoue Ophélie B. Difficile de laisser son enfant à son conjoint ou sa mère, pour aller faire quelques courses seule, et se reposer un peu du perpétuel métier de parent. “Un nouveau-né est si fragile”, renchérit Andrea P., “on a peur d’attraper le covid et de lui donner par la suite”, “on n’ose pas sortir avec lui”. 

 

Des situations d’autant plus difficiles à vivre que, quelle que soit la date de naissance de leur enfant, toutes ses femmes ont conscience que la situation n’est pas près de s’améliorer, malgré les débuts de la campagne vaccinale. “Ça n’était peut-être pas la meilleure année pour faire des bébés”, résume Juliette M.

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