Agression sexuelle aux Eurockéennes de Belfort : deux ans de sursis et "des agissements patriarcaux qui continuent"

Deux jeunes femmes avaient porté plainte pour "viol" lors de l'édition 2019 des Eurockéennes de Belfort, le plus gros festival de musique de la région. L'une des affaires a été requalifiée en "agression sexuelle". Un jeune trentenaire, ami de sa victime, a été reconnu coupable. Récit.

"Dans huit cas de viol sur dix, les agresseurs sont des proches" de la victime. Ces mots sont ceux d'une campagne de communication datant de 2015. Elle avait été lancée par le Collectif féministe contre le viol (CFCV). Le procès qui s'est tenu ce mardi devant tribunal correctionnel de Belfort nous rappelle que ces maux sont toujours d'actualité.

L'agresseur sexuel présumé d'une jeune femme, dans la nuit du vendredi au samedi 6 juillet 2019, sur le camping des Eurockéennes, situé à Chaux, à quelques kilomètres du site du Malsaucy a été présenté à la justice, après que son procès a été renvoyé le 6 juillet dernier, en attente des résultats de l'expertise psychiatrique.
 
Chaque année, des miliers de festivaliers se pressent dans les allées du camping des Eurocks et dorment sous tente, une fois les basses de la presqu'île du Malsaucy redevenues silencieuses.
 

Un ami de longue date


Dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 juillet, dans une tente somme toute identique aux autres, a eu lieu une agression sexuelle. Julia*, 30 ans, a été victime des attouchements d'un homme. Cet homme, c'est quelqu'un qu'elle connaît très bien. C'est un ami "de longue date", "l'un de ses meilleurs amis, un confident" dira-t-elle aux enquêteurs.

Dans la tente, deux couchages ont été installés à plusieurs centimètres l'un de l'autre. Martin*, le prévenu, sait que Julia* est lesbienne. Contrairement à certains violeurs ou agresseurs qui en usent comme d'un argument valable, ce dernier ne peut se "défendre" en prétextant avoir cédé aux "avances" de la jeune femme.
 

"J'ai fait la morte"


Alors qu'elle dort, la trentenaire sent quelque chose sur son corps. Elle se réveille et constate avec effroi que son ami lui a fait des attouchements sexuels. Elle s'empresse alors de s'extraire de la tente et va directement chercher un agent de sécurité pour dénoncer les faits. Elle portera plainte dans la foulée.

"J'ai fait la morte quand je m'en suis rendue compte. Il s'est arrêté et ensuite il a continué à me caresser et il a tenté d'écarter mes jambes. Je suis sortie en larmes" a indiqué Julia dans sa déposition. Martin* sera interpellé directement par les forces de l'ordre, présentes tout le weekend aux abords du site.
 


"Plus pour lui faire plaisir qu'autre chose"


Le prévenu, âgé de 31 ans, qui comparaissait libre ce mardi, ne reconnaît pas les faits de pénétration qui lui sont repprochés. Il admet avoir "tripoté" la victime, "plus pour lui faire plaisir qu'autre chose", lors de son audition.

Face à la présidente Hélène Paus, Martin* tente de se justifier maladroitement, tout en concédant : "C'est une faute impardonnable. J'ai totalement honte de ce que j'ai fait. Ce que je sais, c'est que je suis désolée. Je sais que j'ai brisé quelque chose. J'aimerais revenir en arrière mais je ne peux qu'assumer."

Que s'est-il passé dans la tête de Martin* cette nuit-là ? Comment un ami proche peut-il se transformer en agresseur sexuel ? C'est la question qu'a posée la présidente au prévenu, avec insistance. "J'ai cherché. Je ne sais pas. Je pense qu'au départ c'était pour la réveiller. Pour qu'il se passe quelque chose. Pour avoir un acte sexuel. Pas qu'on couche ensemble, mais qu'on fasse un câlin" concède Martin*. 


"Vous connaissiez son orientation sexuelle"


"Pourtant, vous connaissiez son orientation sexuelle. Elle dormait et puis vous ne l'interessez pas" s'emporte la présidente face au jeune homme qui peine à se justifier.

Devant la chambre correctionnelle, Julia* déclare à son tour : "Je suis homosexuelle, mais j'avoue que cela m'arrive d'avoir des rapports avec des hommes." "Vous n'avez rien à avouer", lui sourit alors la présidente.

Julia* a été réellement traumatisée par cette agression et a longtemps cherché à savoir si l'un de ses propres gestes, l'un de ses mots, avait pu laisser penser à son agresseur que quelque chose était possible. Elle maintient les faits de pénétration. "Elle n'ose plus sortir de chez elle. Elle a des problèmes pour avoir des rapports physiques avec son amie" détaille Me Legrand, avocate de la victime. Cette dernière réclame 5 000 euros de préjudice moral. 

Finalement, les faits ont été requalifiés en "agression sexuelle". La victime avait pourtant porté plainte pour "viol" et maintient avoir senti une pénétration. "Je dormais et puis je me suis réveillée suite à des secousses. S'il avait fait simplement des caresses je ne me serais pas réveillée" a-t-elle expliqué à la barre.

"Nous avons accepté la requalification car les examens gynécologiques n'arrivent pas à définir jusqu'à quel stade il y a eu pénétration digitale. Ma cliente veut passer à autre chose. Nous ne voulons pas entrer dans une longue procédure" détaille Me Legrand.
 

"Il faut changer la société"


"Le consentement est primordial, dans tous les cas. Aucun lien ne dispense de la nécessité d'obtenir ce consentement. Il est fondamental de condamner ces agissements" a insisté le ministère public qui a réclamé "24 mois d'emprisonnement, dont 18 mois de sursis assortis d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, une obligation de soins pour la problématique des stupéfiants (ndlr, le prévenu a été contrôlé posistif aux stupéfiants), une interdiction de contact avec sa victime et l'obligation de l'indemniser".

Me Giagnolini, avocat du prévenu, a tenu à rappeler que le but est que son client évolue. "Il ne faut pas retenir ces mots durant les auditions, mais ceux de ce jour. Nous allons devoir travailler à la pédagogie. Des hommes bien pires que lui il y en a, et cette société il faut la changer" a-til plaidé, tout en expliquant que son client "n'est pas dangereux".
 

Deux ans de prison avec sursis


"Qu'est-ce qu'il lui est passé par la tête ?" s'interroge également l'avocat du prévenu. Il appuie le fait qu'un travail de fond et de prise en charge doit commencer pour répondre à ces questions et tenter d'éradiquer "des agissements patriarcaux qui continuent dans cette société et dont mon client en est l'exemple."

Le tribunal correctionnel de Belfort a prononcé une peine de deux ans d'emprisonnement, assortis d'un sursis de deux ans avec une mise à l'épreuve, une obligation de soin, une interdiction d'entrer en contact avec la victime et un paiement des dommages et intérêts à l'encontre de Martin*. 

* Les prénoms ont été modifiés.

Un autre cas de viol ou agression sexuelle a également été dénoncé aux Eurocks 2019. Une jeune mineure, qui s'apprêtait à avoir 18 ans, a porté plainte pour viol. Elle affirmait lors de sa déposition avoir été violée pendant la nuit du samedi 6 au dimanche 7 juillet, toujours sur le site du camping des Eurockéennes. 
 
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