Comme c'était attendu, la Commission européenne a dit non au mariage entre les géants ferroviaires français et allemands. Une décision qui satisfait les syndicats et le maire de Belfort, mais que Paris et Berlin fustigent.
Bruxelles a interdit, ce mercredi 6 février, le projet de fusion entre le français Alstom et l'allemand Siemens, estimant ce mariage néfaste pour la concurrence sur le marché ferroviaire de l'Union européenne.
La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a mis son veto au projet de fusion, annoncé en grande pompe en septembre 2017. Une décision prévisible, la commissaire danoise s'étant inquiétée à maintes reprises des effets de ce rapprochement.
"La Commission a interdit la concentration parce que les entreprises n'étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés", a déclaré Margrethe Vestager, Commissaire chargée de la Concurrence, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
"En l'absence de mesures compensatoires suffisantes, cette concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse", a ajouté la Danoise.
Alstom-Siemens : Il faut désormais se tourner vers l’avenir et refonder les règles de la concurrence européenne. Avec mon homologue allemand @peteraltmaier, nous allons faire des propositions pour refonder ces règles et avoir une politique industrielle européenne plus ambitieuse pic.twitter.com/IOx3OtQk3P
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) 6 février 2019
Le ministre français des Finances Bruno le Maire, très critique de ce veto, a confirmé dès ce mercredi matin ce que tout le monde supputait. "Je crois que les jeux sont faits", a affirmé le ministre sur France 2. Le ministre a fustigé "une erreur" qui "va servir les intérêts" de la Chine, qualifiant cette décision de "faute politique" qui "affaiblit l'Europe".
Bruno Le Maire a déclaré vouloir maintenant "faire des propositions pour refonder les règles de la concurrence européenne" avec son homologue allemand Peter Altmaier pour "avoir une politique industrielle plus ambitieuse".
"Alstom, c'est l'histoire de Belfort"
Si ce "non" de Bruxelles est regretté par Paris et Berlin, les syndicats s'en réjouissent. Ils avaient encore redit, lors d'une rencontre avec Margrethe Vestager à Paris le 21 janvier, leur opposition au projet de rapprochement, craignant d'importantes suppressions de postes.
Le maire de Belfort, Damien Meslot, semble également satisfait de ce veto de Bruxelles, critiquant ce projet de fusion qui était plutôt selon lui une "absorbtion d'Alstom". "Siemens aurait détenu 51% du capital. L'Etat doit tout remettre sur la table et nous devons trouver une solution plus conforme aux intérêts de l'industrie française", a-t-il déclaré.
"Alstom, c'est l'histoire de Belfort. Celle qui s'appelait la Société alsacienne de construction mécanique est venue s'installer à Belfort quand la Prusse occupati l'Alsace, en 1871. C'est pratiquement 140 d'histoire industrielle commune. La ville s'est construite autour des usines Alstom", a retracé l'édile, assurant que les carnets de commande d'Alstom étaient "pleins", ce qui était de bon augure pour l'avenir.
Marine Le Pen, elle, s'est dite "ravie que le mariage n'ait pas lieu" et a jugé "ridicule" la crainte de voir les Chinois bénéficier de l'échec de cette fusion. "Ce n'était pas d'ailleurs un mariage, objectivement, c'était un don que nous faisions à Siemens d'Alstom, qui est une très grande industrie. C'était un véritable scandale", a-t-elle ajouté sur franceinfo, en estimant qu'"on va s'en sortir extrêmement bien".
Alstom et Siemens Mobility repartiront donc "chacun de leur côté" comme l'avait indiqué le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, au quotidien Le Figaro. Siemens, de son côté, a laissé entendre qu'en cas de blocage, il n'exclut pas une introduction en Bourse de sa rentable branche Mobility.