Le lundi de Pâques, c'est le jour de la chasse aux œufs. Mais qui les amène et les cache dans les jardins ? Selon les régions et les familles, lapin, lièvre, cloches et même poules de Pâques se disputent cet honneur. En Franche-Comté, croisement d'influences, le lapin et les cloches se côtoient
Les giboulées se succèdent, le changement d'heure a opéré sa magie et il fait de nouveau jour quand vous quittez le travail le soir… Il est temps de faire des réserves de chocolats. Le lundi de Pâques approche à grands pas : en 2023, c'est le 10 avril qu'il faudra cacher les œufs et lapin en chocolat dans votre jardin.
Si ce jour férié en France célèbre une fête religieuse chrétienne (la fin du carême et la résurrection du Christ), la chasse aux œufs et le repas de famille qui la suivent bien souvent sont loin d'être réservés aux croyants. Cette tradition qui fait le bonheur des enfants n'a aujourd'hui plus grand rapport avec le fait religieux.
Lapin ou cloche, une particularité régionale
Et pourtant, les racines du Lundi de Pâques sont encore perceptibles dans ce qui pourrait sembler n'être qu'un petit détail : qui donc amène les œufs de Pâques ? Lapin, lièvre, cloches, ou même poule ou "cocotte" de Pâques, selon les régions et les familles, on ne se lègue pas la même légende. Un fait culturel sur lequel s'est penché Mathieu Avanzi, professeur en Sciences du langage, et plus précisément en dialectologie, à l'Université de Neuchâtel en Suisse.
Pour mener ses études sur l'usage des mots et des expressions dans la zone francophone européenne, son équipe propose à ceux qui le veulent de remplir des questionnaires en ligne. En 2020, le professeur s'était amusé des résultats des questions posées autour du mythe des œufs de Pâques : "Dans la tradition chrétienne, ce sont les cloches revenues de Rome qui apportent les œufs de Pâques. Dans le grand Est de la France (et sporadiquement ailleurs dans l'Hexagone), c'est un lapin (comme dans les régions anglophones, 'Easter Bunny'). Dans les régions germanophones, on parle encore de lièvre de Pâques, 'Osterhase' " avait-il écrit.
Alsace, Moselle, Suisse et Franche-Comté ont donc en commun de parler du "Lapin de Pâques". Dans notre région, le lapin de Pâques n'est pourtant pas le seul, ou même le premier, auteur des distributions de chocolat : les cloches de Pâques sont plus souvent citées par les Francs-Comtois. Mais cette particularité linguistique est à l'image des mélanges culturels qui influencent notre région.
"On retrouve la même chose avec la Saint-Nicolas", explique Mathieu Avanzi, "là où on fête la Saint Nicolas, et là où on a un lièvre ou un lapin de Pâques, c'est la même zone". Une zone "frontalière, de la Belgique à la Suisse". Mais si les habitants du Territoire de Belfort sont familiers de la fête du saint patron des écoliers, ils sont nettement plus rares à se souvenir l'avoir jamais célébré dans le Jura.
"La Franche-Comté est une région où on retrouve souvent ces cas de figure, des démarcations entre cette zone-là, un peu 'frontalière', et le reste de la France" affirme Mathieu Avanzi. "La Franche-Comté et la Suisse romande fonctionnent beaucoup comme ça, toujours pris entre deux feux". Entre appartenance culturelle germanique, et romane.
Vous aussi, participez à notre petite enquête sur le lapin et les cloches de Pâques en Franche-Comté ↓
A nuancer cependant : le linguistique estime que la grande consommation trouble de plus en plus le lien entre la légende du lapin de Pâques, et influence germanique. "Quand j'étais petit, on ne mangeait pas des lapins en chocolat" confie le chercheur, originaire de Grenoble. "Des œufs ou des cloches, mais on n'avait pas de représentation des lapins". On comprend aisément comment le petit animal a pu prendre le dessus sur les cloches en chocolat, qu'on croise en effet de moins en moins.
L'équipe du professeur Mathieu Avanzi continue ses recherches sur le "Français de nos régions" et ses usages. Pour participer, il suffit de remplir un questionnaire disponible en ligne, à cette adresse.