Neuf ans de prison pour harcèlement moral ayant conduit au suicide : une avancée historique pour les jugements des féminicides

Le 28 novembre 2024, un homme a été condamné à neuf ans de prison ferme pour harcèlement moral ayant conduit au suicide de son ex-compagne. Une peine jugée historique, depuis la promulgation du suicide forcé dans le Code pénal, en 2020. Une première peine de sept ans avait été prononcée en 2023, en Seine-et-Marne.

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Jeudi 28 novembre 2024 est une date historique dans la reconnaissance des féminicides par suicide forcé. Le tribunal correctionnel de Belfort a condamné un homme de 43 ans à neuf ans de prison ferme pour harcèlement moral ayant conduit au suicide de son ancienne compagne.

Pour Yael Mellul, avocate et présidente de l'association Femme et libre, "c'est historique". À la fois par les réquisitions faites par le parquet, qui a requis 10 ans d'emprisonnement soit la peine maximale, que par la condamnation prononcée par le tribunal. "C'est une condamnation sévère et, je l'espère, qui va faire jurisprudence", confie Yael Mellul, copilote du groupe de travail emprise et violences pendant le Grenelle des violences conjugales en 2019.

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"Il cochait toutes les cases du harcèlement"

Pour Cindy Bernard, substitut du procureur qui a requis dix ans d'emprisonnement, le coupable "cochait toutes les cases".

Il cochait toutes les cases du harcèlement, que ce soit suivre sa victime, la harceler par téléphone, par messages, la victimiser, lui faire des menaces du chantage.

Audrey Bernard, substitut du procureur

"Ce harcèlement s'est étendu sur une période longue, de mars 2023 à janvier 2024, détaille-t-elle avant de conclure. "Tout cela m'a amené, effectivement, à recueillir le maximum". Elle énumère également la dangerosité de Mr G. et le risque "particulièrement inquiétant" de récidive. 

Lors de son réquisitoire - jugé "magnifique" par Yael Mellul-, la substitut du procureur, Cindy Bernard, s'est glissée dans la peau d'Agnès G., qui a subi le harcèlement de son ex-compagnon. À la première personne du singulier, elle a détaillé le harcèlement subi. Une affaire que la substitut a suivie dès la découverte du corps de la victime, en passant par la supervision de l'enquête, les comparutions de Mr G. "C'est une affaire d'une gravité particulière".

Bien qu'il soit très difficile de faire le lien entre du harcèlement et un acte désespéré, et de déterminer avec précision quel est l'élément déclencheur, pour Cindy Bernard, les éléments du dossier ne laissent que très peu de place au doute.

On avait quand même des éléments de preuves très importants sur le harcèlement subi, sur l'accélération de ce harcèlement à l'approche du suicide de Mme G., et sur le fait que vraiment elle voulait en finir pour ce fait là.

Audrey Bernard, substitut du procureur

Elle rappelle dans ses réquisitions les recherches internet qu'elle n'envisage que deux issus à cette situation dont elle n'arrive pas à se sortir : déposer plainte ou se donner la mort.

Un peine marquante, mais pas un exemple

Derrière cette peine de 10 ans requise, la substitut du procureur souhaite faire passer un message à destination des femmes qui n'osent pas agir, "pour qu'elles aient confiance en la justice". "L'autorité judiciaire prend en compte ces faits-là. On ne prend aucun dossier à la légère et il faut se signaler en tant que victime, quand on estime être victime de ce type de violences". 

Cependant, elle tient à souligner que cette peine ne doit pourtant pas constituer un exemple. "On doit juger selon les termes du Code de procédure pénale et du Code pénal, par rapport aux faits et par rapport à la personnalité des individus. On doit toujours personnaliser la peine."

Un avis rejoint par Me Belin, avocat de la famille, qui juge cette condmnation "emblématique et exemplaire". "C'est une décision marquante, mais ça ne donnera pas forcément systématiquement des décisions qui iront dans le même sens à l'avenir devant cette juridiction ou devant d'autres. Là, on était véritablement dans un dossier qui s'y prêtait".

"Sauver celles qui sont toujours en vie"

Depuis la promulgation du suicide forcé dans le Code pénal en 2020, faisant de la France l'un des premiers pays européens à le faire, il s'agit de la deuxième condamnation. La première a eu lieu à Fontainebleau (Seine-et-Marne) en février 2023, avec une peine de sept ans de prison ferme. Yael Mellul regrette pourtant que "cette infraction ne soit, hélas, pas assez appliquée". "Il faut inscrire dans le marbre que le harcèlement moral tue aussi", assène-t-elle.

Au total, 773 femmes victimes de harcèlement moral par (ex)conjoint se sont suicidées ou ont tenté de se suicider en 2023.

Ça change tout sur les féminicides et il faut considérer que les suicides forcés sont des féminicides. Cela veut dire en réalité qu'une femme meurt chaque jours suite aux violences qu'elle subit.

Yael Mellul, présidente de l'association Femme et libre

Pour cela, Yael Mellul souhaite la création d'une mission interministérielle sur le suicide forcé, dans le but de former les acteurs de chaîne pénale, les hôpitaux... sur cette nouvelle infraction. "Ça suffit qu'on soit dans un angle mort sur les mortalités liées aux violences conjugales, que toutes ces femmes qui meurent soient invisibilisées, martèle-t-elle. "On peut sauver la vie de celles qui ont déjà fait des tentatives de suicide qui sont toujours en vie et qui ne se rateront pas la prochaine fois.

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