Vaccins anti-Covid : mises au point d'un médecin, historien de la médecine

Philippe Mercet, ancien gastro-entérologue, aujourd’hui à la retraite, est chargé du cours d’histoire de la médecine à l’UFR Sciences Médicales de Besançon. Les vaccins, du premier aux derniers, ont toujours suscité peurs et polémiques mais ils ont sauvé bien des vies ! Petit retour en arrière.

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Le docteur Philippe Mercet, historien de la médecine, replace les vaccins anti-Covid, qui sont rejetés par une partie de la population, dans un contexte plus large. C'est impressionnant les « concordances des temps » qui existent entre les vaccins d’hier, voire d’avant-hier, et celui d’aujourd’hui. Histoire de comprendre.

Le vaccin, c’est la plus belle invention pour la médecine en 30 siècles !

   Docteur Philippe Mercet, gastro-entérologue et historien de la médecine

 

Quand l’inoculation contre la variole commence… en Franche-Comté !

Premier objectif de la lutte contre les maladies graves : la variole qui est responsable d'une mort sur 5 en Europe. Ce fléau tue déjà les enfants en bas âge, c’est la première maladie infantile, la plus mortelle. Et ceux qui survivent restent souvent défigurés par « la petite vérole », l’autre nom de la variole, variole signifiant en latin, petites pustules variées.

Un premier moyen de lutte contre la variole voit le jour au XVIII ème siècle. C’est l’inoculation. Le docteur Mercet explique : « Le médecin instille du vrai virus présent sur une croûte d'un malade atteint par la variole mais prélevée en fin de maladie, donc pas trop puissante pour ne pas être top dangereuse. »

Parmi les quelques rares régions au monde qui se lancent dans cette opération, se trouve… la Franche-Comté ! Philippe Mercet poursuit : « Le Docteur Girod, de Mignovillard, est très en avance sur son temps. Il intervient sur l’ensemble de la région, avec une dizaine de médecins. Ils partent sur le terrain, ils se déplacent pour vacciner les gens, chez eux. En 20 ans, ils vaccinent 20 000 personnes ! C’est énorme quand on se replace dans l’époque, avec le peu de moyens de locomotion… »

Ses idoles ? Les docteurs Jenner, anglais, et Barrey, bisontin

Philippe Mercet admire ses collègues du XVIII ème siècle mais ne tarit pas d’éloges sur deux autres médecins : Edward Jenner, l’homme qui a découvert le vaccin contre la variole, et celui qui l’a utilisé, chez nous, en Franche-Comté, Claude-Antoine Barrey, de Besançon.

Le docteur Jenner est médecin à la campagne, dans le Gloucestershire, en Angleterre. La vaccine est une maladie bénigne des pis de la vache, qui ressemble à la variole, avec plein de pustules mais qui est beaucoup moins grave. Il remarque que les femmes qui traient les vaches n’attrapent pas la variole. Il a l’idée d’inoculer du pus d’un pis d’une vache malade à un jeune garçon, James. Ensuite il inocule la variole à James, et James ne la développe pas. Le premier vaccin au monde est né !

Au début du XIX ème siècle, le docteur Claude-Antoine Barrey exerce à Besançon. Il utilise le premier vaccin mis au point par Jenner pour lutter contre la variole. Il vaccine à tour de bras… et surtout il tient des statistiques ! Philippe Mercet explique : « Claude-Antoine Barrey fait des tableaux comparatifs pour analyser avant et après la vaccination. Ses conclusions sont limpides : 20 % de la population meurt de la variole avant le vaccin, seulement 1 % après. C’est incroyable. Avant le vaccin, le nombre de décès était plus important que celui des naissances ! J’admire cet homme car il a prouvé l’efficacité du médicament. »

La médecine est entrée dans la modernité avec Jenner.

   Philippe Mercet, gastro-entérologue et historien de la médecine

Concernant Edward Jenner, voici ce qu’en dit le docteur Mercet : « La médecine est entrée dans la modernité avec Jenner, tant par la méthode, l’invention du vaccin, que par les résultats. Il a protégé la population en masse et il a prolongé la durée de vie de chaque individu. »

En 1980, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que la variole était une maladie éradiquée de la surface du globe.

Les autres vaccins avec Pasteur et ses élèves

L’autre grand nom associé à l’histoire des vaccins, c’est bien sûr Louis Pasteur, le Jurassien. Philippe Mercet raconte : « Le nom de Pasteur est bien évidemment associé au vaccin contre la rage. C’était une maladie spectaculaire mais d’aucun intérêt en matière de santé publique, aucun. Tout au plus, une centaine de morts chaque année. Mais en inventant le vaccin contre la rage, Pasteur a vaincu une peur ancestrale, de l’humanité toute entière : la peur du loup et de ses morsures. C’est ce qui a frappé les imaginaires. En revanche, il a sauvé des millions de vie en "inventant" l’asepsie, la stérilisation, en insistant sur le nettoyage des instruments utilisés en médecine. »

Et les élèves de Louis Pasteur font faire des pas de géants à la médecine en concevant les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la tuberculose, la tuberculose, la maladie du XIX ème siècle et de la première moitié du XXème qui a tué tant d’enfants très jeunes…

Les vaccins, les interrogations et les polémiques

Actuellement, chaque enfant doit recevoir 11 vaccins pour, par exemple, entrer à l’école. Rougeole, oreillons, rubéole, diphtérie, tétanos, polio…

Philippe Mercet constate, un peu amer : « De nouveaux vaccins ont été rendus obligatoires il y a 3 ans, sans trop de polémique, notamment celui de la rougeole, suite à une recrudescence de la maladie. En Afrique, dans certains pays de l’Europe de l’Est, des enfants meurent toujours de la diphtérie ou de la rougeole. Les gens d'ici ont oublié. »

Comment expliquer la polémique contre les vaccins, les manifestations tous samedis dans toute la France depuis un mois ?

Philippe Mercet, l’historien, répond : « Jenner a eu tout le monde contre lui. Certains médecins disaient que son vaccin contre la variole était inutile, voire dangereux ! Emmanuel Kant, le philosophe, affirmait que c’était « instiller chez l’homme une part de bestialité ». Le Pape lui-même s’y est mis en disant qu’il ne fallait pas lutter contre la volonté divine… »

Et aujourd’hui, même interrogations, même refus ?

« Aujourd’hui, il y a des appréhensions, légitimes ou imaginaires. Les gens sont méfiants, ne veulent pas servir de « cobayes » comme ils disent ou affirment qu’on manque de recul alors que les vaccins ARN existent depuis plus de 20 ans. On doit pouvoir les rassurer même si je reconnais des effets indésirables, notamment pour l’Astra Zeneca. Il y a eu peu d’accidents graves compte tenu des millions de doses injectées. Après, il y a une opposition antivax qui est, en fait, une opposition anti-Macron. Attention, on parle ici de santé publique et il ne faut pas se tromper de combat ! Et puis, dernière catégorie, il y a les complotistes… »

Comment expliquer les pancartes et slogans antisémites dans des manifestations du samedi, comme par exemple, à Besançon ?

Quand survenait une épidémie, le coupable, c'était forcément le juif.

   Philippe Mercet, gastro-entérologue et historien de la médecine

« Les épidémies et les vagues d’antisémitisme sont liées dans l'histoire… Par exemple, lors de la peste noire en 1348-1350, les Juifs ont été accusés de ne pas être malades de la peste. Il y a eu des pogroms (exterminations des juifs, ndlr) épouvantables, dans l’Est de la France, en Allemagne. » Les Juifs boucs-émissaires, en quelque sorte, quels que soient les fléaux ? « Oui, plus près de nous dans le temps, quand l’épidémie de sida a commencé, dans les années 1980, ils étaient aussi accusés d’en être à l’origine. Dans les rues d’Orléans, vers 1980-1985, sur des affiches, le juif était désigné comme responsable du sida. »

Philippe Mercet conclut : « Je donne souvent un cours sur les comportements humains par temps d’épidémie. Je fais étudier à mes élèves les périodes de la peste et celle du sida. On se rend compte que les comportements sont les mêmes, il n’y a aucune évolution… »  Et il ajoute : « Là, avec la Covid, je vais avoir de quoi renouveler mes cours… »

 

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