Depuis le 4 mars, les résidents de l’Ehpad d’Audincourt (Doubs) ne reçoivent plus de visites. Une décision prise 15 jours avant l’annonce du confinement. Une des salariés a filmé le quotidien. Malgré de multiples précautions, le coronavirus a penétré dans l'établissement.
Pour éviter cette contagion pernicieuse, aucune personne extérieure à la Résidence du Parc, l'Ehpad d'Audincourt, ne rentre dans les locaux depuis le 4 mars. Mais il ne s'agit en rien d'une vie à huis clos. Grâce aux réseaux sociaux, au téléphone, les résidents sont en contact avec leurs proches. Cet établissement est réputé pour son dynamisme. Il y a deux ans, quelques résidentes avaient participé au tournage du clip mémorable "Les mémés s'éclatent".
Comment est né, comment a été réalisé ce reportage ?
Lorsque pour un reportage d'actualité, nous sommes retournés à l'Ehpad d'Audincourt, le 30 mars dernier, pour comprendre quelles étaient les autres mesures mises en place afin d'éviter l'intrusion du coronavirus dans cet établissement, nous avons proposé à Naoual Merat, responsable de l'animation, de filmer pour nous ce qui se passait à l'intérieur de l'Ehpad puisque nous ne pouvions tourner nous-mêmes les séquences, pour des raisons de sécurité sanitaire.
C'est ainsi qu'au fil des jours, du lundi 30 mars au vendredi 3 avril, j'étais quotidiennement en contact avec Naoual Merat. Au fur et à mesure que je recevais les videos envoyées via whatsapp, je découvrais comment tous les salariés de cet Ehpad avaient boulversé leurs habitudes pour faire front et ne pas laisser rentrer le virus. Chacun est concerné quelque soit son travail.
Finalement, en fin de semaine, les salariés apprenaient que deux résidents de l'unité dédiée aux personnes atteintes de troubles de type Alzheimer avaeint le Covid-19. Avec ce type de troubles, impossible d'imposer le confinement à ces résidents. Une pièce d'isolement a donc été mise en place pour les accueillir et qu'ils puissent continuer à déambuler.
Pas de confinement total des salariés et des résidents, mais des aménagements
Au début de leur confinement volontaire, la directrice de l'établissement Maryline Bovée avait consulté les salariés sur la possibilité de rester dormir sur place pour éviter encore plus tout risque de contamination. Il a été décidé que cette solution n'était pas adaptée au long terme. Autre argument, rentrer chez soi, c'est aussi une façon de se ressourcer et de tenir le cap.
Outre le confinement et le port de masque, deux grandes mesures ont été prises. Un sas a été mis en place dans la salle habituellement réservée à la pause des soignants. L'un des cadres de santé, Isabelle Muller, s'est inspirée de son expérience en milieu hospitalier pour proposer d'organiser un sas pour que les vêtements des soignants portés à l'extérieur de l'établissement ne soient pas des vecteurs de diffusion du virus. Une méthode qui s'est même perfectionnée les jours suivants en fonction des remarques des soignants.
L'autre décision a été de déménager la salle de pause dans l'espace réservé pour les repas des résidents. Un lieu disponible puisque chaque résident prend désormais ses repas dans sa chambre.
Enfin, une partie de l'établissement a été choisi pour accueillir les éventuels malades du covid-19. Là aussi, cela a été le grand chambardement. C'est ce que vous découvrirez dans ce "reportage filmé de l'intérieur" .
J'ai compris qu'il y avait une vie intense dans cet Ehpad
Plus je découvrais les images de Naoual Merat, plus je me posais des questions et Naoual Merat y répondait en tournant des séquences ou en posant mes questions aux soignants. Une fois récupéré toutes ces images, j'ai réfléchi à la façon dont je pouvais raconter cette histoire. Un autre dialogue s'est alors enclenché; cette fois-ci avec Manu Blanc, monteur à France 3 Franche-Comté. Confinés chacun dans nos habitations, nous avons échangé à distance. J'imaginais sur le papier un récit et Manu lui donnait habilement forme.
En fin de semaine, en écoutant ce qu'exprimait Naoual Merat, j'ai compris qu'il y avait une vie intense dans cet Ehpad. Ce sens de la fête, un antidote au coronavirus, contraste avec le vide de nos rues, de nos quartiers et le silence des villes. L'image du "mouroir" que j'avais en tête a laissé la place à celle d'un endroit où l'être humain était au centre des décisions.
Ce merdredi 8 avril, Naoual Merat, s'est mise en quatorzaine, sans être sûre d'être malade du Covid-19, pour éviter d'aggraver la situation. "On aurait eu les tests sanguins à temps pour le personnel, on auait pu réellement éviter l'entrée du virus" dans l'établissement. "On se sent désarmé, confie-t-elle. On a l'impression d'abandonner les collègues".
Comme beaucoup d'entre nous, Maryline Bovée, la directrice de la Résidence du Parc, espère que cette épidémie va nous pousser à changer nos habitudes. C'est ce que vous pourrez écouter à la toute fin de ce récit audiovisuel d'un genre inédit. Une conclusion emprunte de sagesse.
Dépister les personnels des Ephad
Ce mercredi 8 avril, sur France Bleu Besançon, la directrice de l'Ephad Maryline Bovée, rappelait la nécessité de pouvoir réaliser des test sanguins sur les personnels et les résidents des Ehpad. La veille, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé le lancement d'une vaste opération de dépistage dans ces maisons de retraites médicalisée. Certaines comme à Thise, Valdoie ou Bart ont été décimées par la maladie.
Maryline Bovée, par ailleurs correspondante régionale Bourgogne-Franche-comté de l'AD-PA, l'association des directeurs au service des personnes âgées, insiste sur ce dépistage. Sans cela, le doute sur les risques de contagion provoque des mises en quatorzaine qui, inévitablement, a de lourdes conséquences sur l'organisation du travail.