La Route Départementale RD 943 est tristement célèbre dans l'Yonne : 20 personnes ont trouvé la mort sur cet axe depuis 2012. Sur la seule année 2019, six jeunes ont été tués sur cette route. Elus et représentants de l'Etat tentent d'enrayer la mortalité.
"La dernière fois, c'était le jour de Noël. Il était cinq ou six heures du matin" se rappelle Jean-Claude Carra, le maire de Briennon-sur-Armançon. Ce matin là, une voiture percute un platane sur la RD 943, dans la ligne droite à la sortie de sa commune. "Il a fallu plus d’une heure aux pompiers pour desincarcérer les jeunes prisonniers de leur voiture." A l'intérieur, une jeune fille de 17 ans et un jeune homme de 25 ans. Tous les deux décédés. Les deux passagers sont morts. Comme souvent, ce sont des jeunes des environs. "Il faut faire quelque chose! Sans doute pas pour empêcher, mais au moins pour reduire le nombre d’accident sur cette route".Depuis 2012, on dénombre 20 tués sur la RD943 pour 271 tués au niveau du département de l'Yonne (chiffres Préfecture). Même si ce n'est pas l'axe le plus accidentogène du département, les autorités ont décidé de prendre les choses en main. C'est l'objet de la concertation entamée entre les élus, les services de l'Etat, du département et les forces de l'ordre. Après une première réunion en début d'année, ce lundi 27 janvier, tous se sont à nouveau rassemblés à Auxerre pour s'accorder sur un plan d'action.
Vitesse, alcool et stupéfiants
Premier constat, alors que la vitesse, l’alcool et les stupéfiants représentent, sur la période de 2012 à 2019, 41 % des causes des accidents mortels qui se sont produits dans l’Yonne, ce pourcentage s’élève à 51 % sur la D943, selon la préfecture. Les excès de vitesse représentent plus de 80 % des infractions.
Plusieurs actions sont aussi envisagées. "Un consensus se dessine sur les solutions techniques" confirme la préfecture. Objectif, réduire la vitesse à l'entrée de Briennon-sur-Armançon. "Dans l’immédiat, le préfet a sollicité, auprès de la délégation à la sécurité routière, la mise en place d’un radar chantier sur cet axe" explique la préfecture. Un dispositif d'alerte sonore grace à des bandes rugueuses sur la chaussée est aussi envisagé pour avertir les sorties de routes sur 6km entre Brienon et Saint-Florentin.
Le maire, Jean-Claude Carra n'est pas contre pas doute de leur efficacité, notamment la nuit, sur des conducteurs qui roulent très vite, parfois sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants. "Il faut d’abord dr réduire la vitesse, plaide l'élu. Ce n’est ni une bande rugueuses, ni un radar qui permettra de réduire efficacement la vitesse." Il milite pour la construction d'un rond-point à la sortie de sa commune. Une proposition qui semble avoir reçu un accueille favorable des services concernés.
Faut-il abattre les arbres ?
Car pour les élus, des chantiers plus importants doivent être lancés pour réduire la mortalité. Sur cette portion de la D943 d'environ 1,5 km, des platanes sont plantés sur le bord. Les accidents mortels de juin et décembre 2019 sont des sorties de route, où les véhicules ont fini leur course dans ces arbres plantés il y a plus d'un siècle. "On a evoqué sujet des arbes. On est très prudent car il y a un aspect écologique mais aussi accidentel" explique le maire. "Ils sont très proches de la route, espacés de seulement 7 à 8 mètres. En cas de perte de contrôle, on a peu de chances d’y echapper." S'il ne semble pour l'instant pas question de tous les couper, la reflexion est en cours pour en abattre un sur deux. L'installation de barrière de sécurité est aussi en débat.
Le maire plaide aussi pour une déviation autour de sa commune, car certains accidents ont eu lieu à proximité du centre-ville. "On a un trafic de camions infernal en centre-ville, regrette le maire. Avec une déviation, on traite à la fois la vitesse, le problème de la circulation des poids-lourds en centre ville, la saleté et le danger." Un premier projet de contournement estimé à 7 millions d'euros a été abannoné car jugé trop couteux. Un nouveau tracé estimé à 2 millions d'euros est à l'étude. La décision du conseil départemental pourrait être connue après les élections municipales de mars 2020.
Contrôles renforcés
Dans l'attente de travaux plus importants, les contrôles routiers sont renforcés. "Depuis l’accident du 25 décembre, des contrôles quotidiens sont réalisés. Ainsi, entre le 14 et le 25 janvier 2020, 167 infractions ont été constatées" détaille la préfecture de l'Yonne. Les infractions constatées ont été multiples : excès de vitesse entre 20 et 30 km/h au-dessus de la vitesse maximale autorisée, conduite sous l'emprise de stupéfiants, défaut d'assurance, conduite avec téléphone tenu en main, excès de vitesse de plus de 40 km/h.
Depuis le 15 janvier 2020, une banderole avec un message de prévention a aussi été mise en place "Alcool, stupéfiants, changeons nos comportements" au rond-point à l'entrée de Migennes, en direction de Brienon-ssur-Armançon.
Qu'en pense la Prévention Routière ?
Pour Yves Lemaire, directeur régional de la Prévention Routière de Bourgogne-Franche-Comté, questionné par France 3 Bourgogne, "il faudrait plus d'actions de prévention".
A ses yeux, deux départements en Bourgogne-Franche-Comté se distinguent en matière de mauvais comportements routiers : la Haute-Saône et l'Yonne.
Pour M.Lemaire, "il faut une action durable et codifiée : le stage de deux jours de sensibilisation permettrait d'avoir des résultats sur les comportements. Le stage est dispensé par un expert automobile (par exemple, moniteur auto-école) et un expert psychologue. Car les raisons principales des accidents mortels sont l'alcool, les stupéfiants et le non-respect des règles. C'est bien sur la psychologie des conductueurs qu'il faut insister !"
Et Yves Lemaire ajoute : "Il faut aller au-delà de l'amende et du retrait de points. La répression n'est utile que si elle est accompagnée d'actions de prévention."
Selon le Directeur Régional, "les départements de la Côte-d'Or et du Doubs ont démontré que les actions de prévention avaient une incidence statistique sur les infractions."
Parmi d'autres pistes envisagées, dans la continuité de la prévention, M.Lemaire déclare : "Formons les passagers sur le choix du conducteur. Celui qui a bu ne conduit pas !"
Un regret néanmoins, la Prévention Routière de Bourgogne-Franche-Comté, aurait souhaité être associée à la démarche de la Préfecture de l'Yonne.