À la maison d'arrêt d'Auxerre surpeuplée, promiscuité et créativité pour éviter les tensions

La Maison d'Arrêt d'Auxerre est bondée : 187 détenus, pour une capacité théorique de 101 places. Au quotidien, pour éviter les tensions dans des cellules doublées, parfois triplées, une "gymnastique" pratiquée par les gardiens.

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La prison a été mise en service en 1853, une vétusté qui se traduit par de nombreux maux, listés par les détenus : "pas de chauffage, pas d'eau chaude, pas assez de surveillants pour nous ouvrir, pas de travail".

Si quelqu'un se lève, l'autre ne ne peut pas bouger

Chris*, détenu

Dans les cellules doublées, pas de place. Chris* partage sa cellule "avec quelqu'un de bien, donc ça se passe." Le détenu trépigne de savoir s'il va pouvoir "sortir bientôt" , sous bracelet électronique. 

Les cellules de 9 mètres carrés, prévues pour un détenu, sont parfois partagées à trois. Ils attendent le repas, serrés entre une petite table et le lit superposé derrière lequel a été glissé un matelas. Il sera reposé à terre pour la nuit "On va tourner chacun" pour dormir dessus, assure Alain*, déjà passé par la maison d'arrêt d'Auxerre quand il était "gamin".

"Au moins maintenant il y a du carrelage" note Alain*, en faisant d'un rapide coup d'oeil le tour de la cellule. Un petit lavabo est coincé entre le lit et les sanitaires, pourvus d'une cloison. Des chaussettes sèchent sur les barreaux extérieurs. 
 "C'est pas une vie", répète un des occupants en regardant les photos de ses enfants épinglées au mur. 

"Le Petit Château"

Située en centre-ville et surnommée "le petit château" pour sa forme et ses tourelles, la maison d'arrêt d'Auxerre affiche, comme beaucoup d'autres, un fort taux d'occupation.

A la différence de prisons mastodontes comme Fresnes ou Fleury-Mérogis, elle a rarement fait les gros titres des journaux, si ce n'est en 2009 quand Jean-Pierre Treiber, accusé d'un double assassinat et qui s'est depuis suicidé en détention, s'était évadé en se cachant dans une palette de cartons. 

Pour les détenus, le "surencombrement" se traduit par "des semaines d'attente supplémentaires pour voir le psychiatre, le médecin, accéder à une activité dans des salles qui ne peuvent accueillir que six ou sept personnes" ou à l'une des cinq cabines de parloirs, explique le chef d'établissement Christian Mbéa.

Une prison "à taille humaine"

La surpopulation "pousse à être inventif" pour régler fuites de douche et problèmes d'évacuation, ou gérer le va-et-vient des détenus quand les ouvriers coulent du béton dans une coursive, renchérit le directeur adjoint Patrick Mouchot. 
"Avec un taux d'occupation comme le nôtre, on passe beaucoup de temps à séparer les gens pour éviter les conflits", confie-t-il. "Faire les bons binômes" de détenus, c'est "un méli-mélo tous les matins".
Le manque d'intimité et la cohabitation forcée exacerbent les tensions. Tel ce prisonnier qui ne supportait plus son codétenu et était sorti de force de la cellule.
Une petite "structure à taille humaine" comme Auxerre permet toutefois de "détecter plus vite les tensions" et d'y "apporter une réponse individualisée", affirme Christian Mbéa. 
C'est l'un des objectifs d'une commission pluridisciplinaire unique qui réunit autour de la même table le directeur adjoint, des surveillants, des membres du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), deux infirmières, dont l'une à l'unité psychiatrique, et le chargé d'enseignement.
Tout un après-midi, ils échangent à bâtons rompus sur les cas particuliers de quatre détenus.
L'un, "ingérable", multiplie les incidents et les jours passés au quartier d'isolement pour tapage, insultes, menaces et violences. Un autre a une "hygiène déplorable".
"On est à des années-lumière des grosses structures où c'est de l'abattage", vante le directeur adjoint Patrick Mouchot. Mais "là, on a atteint des limites. Et si demain ou dans le mois, on a 40 personnes en plus, on sera obligé de les prendre en charge".


    (* tous les prénoms ont été changés)

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